Par Franck Poisson, ex-DG et fondateur de Google France.
<p><p>Sans titre</p></p>
Un an. Un an sans réelle activité professionnelle, après avoir connu une ascension fulgurante : en à peine 6 ans je suis passé de smicard bon à tout faire chez Mediametrie à directeur général France fondateur du bureau commercial du célèbre moteur de recherche Google. Le tout en passant du groupe média Lagardère, Edipresse, AOL et une filiale web de British-Telecom. Avec pour seul diplôme en poche un sombre Magistère qui ne doit plus exister et un diplôme de l’INALCO, qui ne me sert à rien. Bref, loin des HEC-ENA-ESSEC que je fréquenterai durant cette période.
Et puis…et puis plus rien. Coup de frein brutal digne des freins céramiques de la dernière 911 –l’option à est environ 9000 euros, dixit Capital Turbo. Moi, ce coup de frein ma coûté cher aussi, très cher….des milliers de stock options que je ne pourrai jamais levé, l’action est à 260USD, je vous laisse calculer.. Un procès à Google et j’en tirerai bien quelque chose, mais à quoi bon…
Donc rien disais-je. Très peu de coup de fil de partenaires ou de clients, encore moi des anciens de mon équipe que j’ai tous recrutés pourtant. Certains se sont même vus invités à ma table chez moi…pas un appel en retour, c’est dire de mon incrédulité, c’est dire de leur malhonnêteté.
Conclusion, il est finalement mince l’espace-temps entre celui où vous avez été sous le feu des projecteurs et celui où vous passez à la postérité de l’obscurité. Seule celle qui partage ma vie depuis des années a répondu présent, pour ne pas dire me ramasser à la petite cuillère.
Alors pourquoi écrire tout cela. Eh bien pour partager avec tous les chômeurs cadres supérieurs et à tout ceux qui travaillent encore mais qui ont peur de perdre un jour leur job, ce que j’ai retenu de cette année d’obscurité.
Pour ceux, donc ,qui sont encore en poste :
-Ne jamais faire confiance aux membres de son équipe…même si c’est vous qui leur avez offert un job en or. Dès que vous vous retournez ou lâchez prise un seul instant et ils sont prêts à vous « bouffer » pour prendre votre place, ou du moins savonner la planche sur laquelle vous avez bâti votre dream team.
-Préparez vous à recevoir demain des coups de poignard dans le dos par ceux à qui vous avez donné une chance hier de retrouver un poste. Je m’en suis offusqué une fois auprès de mon ami René Tendron, qui me rigola au nez en me narrant les nombreuses fois où cela lui est arrivé durant ses quarantes années de carrière.
-Savoir dire « Non ça suffit » à son patron. Surtout si votre propre équipe le trouve incompétent et que vous êtes le dernier des c… à ne pas lui l’avoir dit.
-Ne jamais se prendre pour le Dieu de son marché même si vous êtes le leader. Vous ne faites que remplir une case, vous n’êtes qu’un photomaton sur un titre. Et pourtant ils sont nombreux sur la place de Paris-Internet à croire encore qu’ils sont indispensables dans le paysage. Même moi qui savait tout cela avant de monter Google en France, le seul fait d’en avoir fait un succès, c’est cette réputation que certains ont voulu me coller. Ce que je dis là est aussi valable pour une entreprise leader. Google Inc elle-même regrettera demain son arrogance commerciale et juridique.
-Ne pas chercher à passer pour quelqu’un de sympathique, bien au contraire. Vous serez mieux respecté. Il faut savoir marqué son territoire. Tel un felin !
-En parlant de felin : ne jamais raccrocher à un chasseur…de tête, cette fois-ci. Vous pourrez avoir besoin de lui dans le futur.
- Vous n’avez pas d’amis dans la profession, vous n’avez que des personnes autour de vous qui côtoie le photomaton sur deux pattes que vous êtes.
Pour ceux qui cherchent du travail :
- Ne pas se cantonner aux annonces sur Mont-Stère de Bois et autres job boards. Certaines annonces du jour sont des erreurs de posting…une annonce qui était déjà parue deux mois auparavant, renseignement pris auprès du recruteur le jour même…
- Ne pas se laisser impressionner par les chasseurs de têtes des grands réseaux anglo-saxons. Leurs locaux dans le VIIIème, leur nom de famille à particule, la façon de vous recevoir comme un ministre ne doivent pas vous impressionner : vous n’êtes pas en poste donc vous ne les intéressez pas. Ils tiennent à vous rencontrer pour le jour où une fois que vous aurez retrouvé un beau poste il vous appelle pour tenter de vous déloger de là à prix d’or et au final semer la pagaille dans votre esprit.
- Balayer d’un revers de main l’idée facile de ceux qui vous disent « Mais montes ta boîte, tu y arriveras ! » Ils n’ont qu’à le faire eux même si c’est si facile. Connaissez vous vous-même, et prenez la décision qui vous sied naturellement. On ne doit pas se forcer pour entreprendre, cela doit venir des tripes sans avoir à réfléchir.
- Penser à vous rafraîchir les idées, prenez du recul sur vous-même, ce que vous avez fait, ce que vous avez envie de faire. Prenez le large si possible. J’ai découvert milles et une choses insoupçonnées : Ushuaïa, le Cap Horn, la Jamaïque, Key West, Miami, l’étoilé Michelin à Bagnole de l’Orne, la Meuse, découvrir la beauté de son chat qui dort, le champagne Salon 1990, le Cheval Blanc 1979…que du bonheur de chômeur. Merci les Assedic ! Continuons comme ça et la France va dans le mur. J’en profite pour dire ici combien je trouve tout aussi scandaleux de percevoir le montant des Assedic que je percevais étant sans emploi que le montant des charges sociales et impôts sur le revenu que je payais auparavant tous les mois. Ces deux montants se renvoient une image stérile l’un l’autre dans l’historique de mon compte bancaire courant : l’image d’une France qui ne sait plus ni pourquoi elle donne ni pourquoi elle ponctionne.
- Travailler votre réseau, même si comme moi passer des coups de fil intéressés vous pèse. Votre interlocuteur le ferait bien à votre place.
- Se débrouiller, ne compter que sur soi en passant huit coups de fil par jour. C’est un vrai job.
Récit touchant... Et je présume qu'il vous est difficile de faire la part des choses :
1. où ai-je planté ?
2. où ont-ils vraiment planté ?
Il se peut - d'ailleurs - que ce soit eux : cela existe. J'espère que votre tempérament énergique et puissant (forcément reconnu, à terme) ne vous abîme pas trop dans l'introspection.
Votre énergie, je parie 150 € que quelqu'un viendra vous l'acheter, un jour. A prix d'or. Mais quand ? On ne prête qu'aux riches.
Excellent courage - Gardez la foi, tout va revenir, en mieux (*),
Lionel
(*) Valorisez vos proches : ils en valent visiblement la peine.
Rédigé par : Lionel | 08 juin 2005 à 16:19
Merci Lionel pour cette charmante attention.
Ne vous inquietez pas, j'en suis sorti renforcé...très renforcé !
Bon courage et encore merci.
Rédigé par : Franck Poisson | 08 juin 2005 à 18:14
En effet, vous avez un très beau parcours !
Ne pensez-vous pas que le meilleur moyen de continuer à vous renforcer serait de faire vos preuves, j'entends par la monter (ou co-monter) une structure ?
Rédigé par : Patrice Thiriez | 04 août 2005 à 11:40
Salut,
Que cela doit etre dur en effet de passer de la lumiére a l'obscurité...J'ai un peu connu cela moi aussi et je n'en suis toujours pas sorti..mais bon je me soigne et suis en train d'en ressorti blindé.Sinon la plus grande difficulté a été financiére...bref courage a vous tous ne perdez pas espoir et retroussez vos manches pour rebondir...apres la pluie vient toujours le beau temps....
Rédigé par : ahmed | 18 novembre 2005 à 22:34
Bonjour,
Je viens de découvrir votre billet, avec une grande surprise ! La dernière fois que j'ai vu votre nom c'était sur Abondance, et j'en étais resté là.
De nos jours, c'est plutôt rare d'entendre quelqu'un dire "Google Inc elle-même regrettera demain son arrogance commerciale et juridique". Ou alors on se dit que ces mots sont sortis de la bouche de Steve Ballmer.
Mais non, ils sortent de la vôtre, et je ne peux que vous souhaiter tout le succès que vous espérez, et que probablement vous méritez.
Je sais ce que je dis, je viens de gagner un procès après sept ans de procédure, et je vous dis pas ce que ça soulage. Moins pour la somme que je vais toucher, qui ne compensera sûrement pas la merde dans laquelle je me suis retrouvé à cause de ça, que pour la joie qu'on vous reconnaisse enfin une partie (une partie certes, mais c'est toujours mieux que rien) de tout le travail que vous avez fourni.
Cordialement,
Jean-Marie Le Ray
Rédigé par : Jean-Marie Le Ray | 25 février 2006 à 00:44
Perso, je ne vais pas pleurer sur le sort de M. POISSON car lui-même a oeuvré a l'exclusion de ses concitoyens quand il etait au sommet ...chez GOOGLE!
Oui, j'en fais partie: a l'epoque, ils recrutaient un responsable financier: eh bien, figurez-vous que si vous aviez eu plus de 37 ans, vous etiez un VIOC!
c'est ce qu'on m'a fait comprendre en entretien d'embauche...
Rédigé par : GP | 09 mars 2006 à 23:33
Triste personnage qui s'appitoye encore sur son sort un an après avoir été licencié. Ce n'est pas comme cela que vous convaincrez un nouvel employeur de vous accorder sa confiance ! Il faut savoir tourner la page, pour retrouver un travail digne d'intérêt.
Rédigé par : Bilou | 06 avril 2006 à 20:29
bonjour,
Je comprends pour vivre ce phénomène depuis des années. Tout donné et recevoir peu en fait, et surtout pas le respect, le savoir vivre que l'on mérite, que le bon sens exige, me sidère chaque jour. J'ai travaillé dans de nombreuses entreprises de renom sans jamais y voir de retour malgré le travail, le sérieux mis en avant.
Cette société me sidère car elle cherche des réponses à des questions qu'elle se posait voilà déjà 30 ans et pour lesquelles elle avait dejà des reponses pertinentes. Le bons sens, le sérieux, être humble, le pragmatisme logique, la convivialité respectueuse et non calculée, sont de réls réponse de créativité, de construction mais tout le monde s'en fou...
Nos parents nous parlent de la dureté de leur 14 ans, pourtant à l'arrivée ce sont pourtant eux qui auront eu un emploi de sécurité à vie, la possibilité de construire à des couts raisonnables (qu'ils revendent aujourd'hui à des prix surréalistes), qui auront le droit à la retraite, ...etc... et qui n'ont dans l'ensemble fait que se plaindre.
Pour ma part je ne me suis jamais plaint et pourtant j'ai connu bien des choses. Je crois encore dans le futur mais je doute parfois car mon honnêté, mon très grand respect pour les autres m'a valu toutes les trahisons possibles et j'ai peur que celà ne change jamais...
Bonne journée
Rédigé par : Harrault | 12 mai 2006 à 11:31
bonjour,
Le récit que vous faites est le lot d'une multitude de personnes, qui comme vous, ont oeuvré, par leur seul talent PERSONNEL et INTINSEQUE, à la mise en place et aux milliards que rammassent aujourd'hui toutes les multinationales.
Toutes ces personnes de grand talent ont eu l'idée géniale qui a permis à la société pour laquelle ils étaient de simples salariés de percer sur le marché et de produire des milliards......ils ont été en général très rapidement évacués, sans même qu'ils puissent se rendre compte de ce qu'il se passait : ils ont donné leur âme et c'est un autre qui en gagent les fruits.
Je souhaiterais vous associer peut-être à mon projet actuel: voulez vous en parler ?
Cordialement
Muriel L
Rédigé par : Uhiatxa | 04 octobre 2006 à 11:23
Salut
T'as oublié de parler de tes voyages à la Serrière - Orne. Voyages qui je pense devaient être également agrèable.
Je te souhaite de rebondir rapidement.
Sebastien
Rédigé par : Poisson | 20 septembre 2007 à 13:35
ok nous avons tous à vivre des moments difficiles,il y a toujours pire....et plus le niveau social est bas plus cela est difficile!!! alors ceux qui s'en sortent (jamais indemne les cicatrices sont là pour nous aider à avancer) chapi chapeau. Souris puisque c est grave!!!!
Rédigé par : fel | 24 avril 2008 à 23:17
Voilà une personne que j'aimerai rencontrer. Il est tout ce que je ressens et ce que j'ai pu vivre même si l'echelle n'est pas la même.
Rédigé par : Bruno HOUDINET | 23 mars 2011 à 16:19