Sans titre
Même si, à y regarder par la fenêtre, on ne le croit pas vraiment : nous sommes bien en plein mois de juillet. Les draches nationales qui se succèdent auraient tendance à nous le faire oublier... C’est peut-être cette époque faussement estivale qui m’a insidieusement mis dans la tête cette allégorie des petits et des gros poissons… Toujours est-il que cette image s’accorde fort bien avec un article que j’ai lu la semaine dernière dans l’Echo. Celui-ci traitait de la stratégie de l’un des majors de la grande distribution en Europe, Vendex pour ne pas le citer. Le groupe (qui gère une douzaine d’enseignes dans les secteurs du bricolage, de l’habillement, de l’informatique domestique,…) a décidé unilatéralement d’imposer une baisse des prix d’achat de 5% à ses 10.000 fournisseurs. Tous secteurs et tous marchés confondus. C’est par le biais d’un mailing que ceux-ci ont appris la nouvelle. C’est ce qu’il convient d’appeler : le pouvoir de l’influence… Traduisez : le pouvoir des gros poissons. Naturellement, cette décision n’a pas fait l’objet de très nombreux commentaires dans le « petit » monde des sous-traitants et des fournisseurs du géant : le pouvoir de l’influence a également la faculté de provoquer l’aphonie chez les poissons plus petits.
A contrario, l’article ne disait pas si Vendex avait aussi envoyé son mailing aux très gros poissons incontournables parmi ses fournisseurs… A ceux qui ont l’habitude de nager dans des eaux au moins aussi profondes… La Poste, les distributeurs d’eau et d’énergie, et pourquoi pas le Ministère des Finances ? On trouve toujours plus gros que soi !
Cette emprise laisse tout de même quelque peu pantois. Aux antipodes de milliers de petites et moyennes entreprises qui peinent à se développer, ou même à survivre, le pouvoir de ces colosses fait état d’une relique féodale : la rente de situation. Ce phénomène, loin de l’extinction, tend même à se répandre. On le retrouve dans de confortables oligopoles, ou dans les concentrations nées de fusions à répétition comme dans les secteurs de la banque, de l’assurance, des produits pétroliers, ou de l’industrie automobile, par exemple. L’intérêt de la manœuvre est souvent d’atteindre une taille critique et de devenir incontournable.
Ces rentes de situation échappent aux règles concurrentielles, et vont parfois même, malheureusement, à l’encontre des règles de bonne gestion. Amenant ainsi certaines grandes entreprises à retarder ou à minimiser de bénéfiques réorganisations structurelles qui pourraient leur permettre de réduire leurs coûts. A la place, elles font pression sur leurs fournisseurs et reportent leurs charges sur leurs clients. Leur faisant ainsi, en quelque sorte, payer le coût de leur propre inefficience. Dans certains cas, la logique commerciale elle-même commence alors à s’inverser : l’entreprise ne se demande plus à quel coût elle doit produire pour être compétitive… Mais bien à combien elle doit vendre ses services ou ses produits pour maintenir ses marges bénéficiaires. Le pouvoir de l’influence peut aussi faire perdre la tête…
Loin de tout cela, les petits poissons ne sont pas condamnés pour autant. Les PME rivalisent très souvent d’inventivité et certaines parviennent même à proposer d’autres produits et services, des solutions alternatives, voire de nouveaux business models. Ces dernières années, par exemple, Internet a été un moyen et un terrain propice à ces nouveaux business models.
Et qui sait, peut-être que parmi ces PME inventives sommeille déjà l’entreprise qui fera disparaître l’un de ces gros poissons !
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