Par Pierre Breese - Physicien et Juriste
La PI n’est plus seulement une source de dépense !
Depuis le 1er janvier 2005, les sociétés cotées devront, en application des normes comptables IFRS-IAS, comptabiliser les droits de propriété intellectuelle :
- Cette obligation se limite, dans un premier temps, aux droits de PI acquis, directement ou à travers des fusion acquisitions.
- Ces actifs acquis devront être inscrits à une valeur convenable (fair value). La norme impose de procéder chaque année à un test permettant de s’assurer que la valeur comptable est inférieure à la valeur convenable ou à la valeur d’utilité.
- L’évaluation financière d’un droit de Propriété Intellectuelle doit prendre en compte les risques juridiques pour refléter fidèlement la valeur effective.
C’est un premier pas vers une véritable révolution culturelle : on va mesurer chaque année la valeur des brevets, marques, droits d’auteur et bases de données, en prenant en compte non seulement le potentiel économique mais aussi la validité et la liberté d’exploitation ainsi que les servitudes juridiques qui peuvent en limiter la portée.
Nul doute que les financiers et les analyses vont s’intéresser sérieusement au portefeuille de PI, et ne plus les considérer comme des banales lignes de dépenses et parfois des variables d’ajustement budgétaire. C’est une opportunité pour le juriste d’entreprise ou le conseil en Propriété Intellectuelle qui maîtrisent mieux que quiconque l’appréciation des risques, forces et faiblesses des droits de PI. C’est pour eux un enjeu nouveau : ce qui est mesuré doit être géré avec efficacité, et la mise en place d’indicateurs financiers va conférer une importance accrue à la propriété intellectuelle.
Pour les sociétés côtés, l’entrée en vigueur donnera sans doute lieu à des arbitrages délicats: faut-il jouer la transparence en prenant en compte des risques connues pour les droits de PI (risque de déchéance pour une marque ou d’inopposabilité en raison d’une prescription par tolérance, risque de contournement d’un brevet ou de nullité, risque de défaut de liberté d’exploitation,…) et révéler ainsi ses faiblesses à ses concurrents ? Ou au contraire les occulter, au mépris de l’obligation de présenter des comptes « sincères et conformes » ? la lecture des bilans 2005 de sociétés pharmaceutiques cotés ou de sociétés du luxe sera sans doute instructive.
Pour les autres sociétés, probablement vont-elles se préparer à inscrire la gestion de leur portefeuille de Propriété Intellectuelle dans une démarche de pilotage stratégique et financier. On passera ainsi d’une logique quantitative, consistant en une accumulation de droits de PI, à une logique de retour sur investissement, visant à dynamiser la gestion du portefeuille et à augmenter sa performance.
Certes, cela conduira à dépasser une gestion notoriale, mais ces contraintes auront un effet bénéfique pour la prise en compte de la PI à un moment où plus personne ne doute que l’innovation et la créativité constituent le principal moteur du développement économique des entreprises. La protection des efforts d’innovation par les droits de PI, et leur utilisation dans une logique de valorisation active permettra aux entreprises européennes à mieux affronter le choc de la mondialisation et de la montée en puissance de compétiteurs dans des pays à faible coût de main d’œuvre.
Quelle chance pour les spécialistes de la PI promus nouveaux stratèges des entreprises !
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