Par Vincent Colot - Analyste financier
Dans l’actualité récente, les stock options évoquent probablement pour vous la polémique qui a entouré la vente de tels titres par Noël Forgeard, alors co-président d’EADS, quelques semaines avant la divulgation publique des problèmes d’Airbus. Une opération financière bien opportune qui a alimenté le doute sur ce que savait exactement Noël Forgeard de la situation d’Airbus. A-t-il bénéficié d’informations privilégiées, inconnues des autres actionnaires ? Il a en tous cas été amené à démissionner de son poste ...
Pour tenter de sauver les stock options, Edouard Balladur propose de ne plus laisser les dirigeants d’entreprise exercer leur stock options tant qu’ils sont en fonction. Le débat continue chez les parlementaires.
<p><p><p><p>Sans titre</p></p></p></p>
Une petite seconde ! Finalement, une stock option, qu’est-ce que c’est exactement ? C’est le droit, généralement attribué à un dirigeant d’entreprise ou à un haut cadre, d’acheter une action de cette entreprise à un prix déterminé à l’avance (le prix d’exercice correspondant au cours lors de l’attribution de ce droit) à un moment ou pendant une période également déterminés à l’avance. Alors, si l’action cote à un cours supérieur au prix d’exercice, il est intéressant d’acheter l’action à ce prix pour la revendre au cours supérieur, avec un beau gain à la clé. Dans le cas contraire, la stock option perd toute valeur, sans que cela coûte financièrement à celui qui la détient : simplement, il ne l’exerce pas.
Cela étant précisé, la mésaventure (mais en est-ce vraiment une ?) de Noël Forgeard ne constitue pas l’essentiel de l’actualité des stock options. Un scandale, de bien plus grande ampleur, est en train de prendre corps aux Etats-Unis. Cette fois, ce n’est plus le moment auquel les stock options sont exercées qui pose problème mais bien le moment présumé de leur attribution.
L’idée est assez simple. Pour maximiser les gains tirés des stock options, les entreprises (çàd leurs dirigeants qui en sont les bénéficiaires) peuvent être tentées après coup de « trafiquer » les dates d’enregistrement de ces programmes pour les faire coïncider avec un moment où le cours de l’action (et donc le prix d’exercice de la stock option) était rétrospectivement particulièrement faible.
Deux chercheurs américains, Erik Lie et Randall Heron, se sont sérieusement penchés sur la question et en sont arrivés à la conclusion que près de 30% des entreprises américaines qui ont eu recours à des stock options entre 1996 et 2005 auraient trafiqué cette date de référence, le plus souvent en l’antidatant. Les groupes de haute technologie seraient parmi les plus gros fraudeurs. Les travaux de ces chercheurs sont largement relayés dans les pages du Wall Street Journal depuis plusieurs mois avec des noms d’entreprises épinglés comme de parfaits candidats à la suspicion.
Après tout, est-ce si grave ? Absolument car ce que gagnent ainsi indûment les dirigeants, ils vont le chercher dans la poche des actionnaires. Ceux qui désirent une explication technique sur ce phénomène de dilution peuvent la trouver ici. Et les actionnaires ont été trompés pendant tout le temps de la fraude sur la réelle santé financière des entreprises car ces programmes de stock options représentent des coûts qui doivent être correctement estimés.
Les enquêtes du gendarme boursier américain, la puissante SEC, se multiplient et les premières poursuites judiciaires sont d’ores et déjà entamées à l’encontre de deux hauts dirigeants de Brocade, ce groupe de matériel de télécommunication.
Jusqu’où ce scandale va-t-il se répandre ? Nul ne le sait encore aujourd’hui.
Quelques enseignements :
- Cette nouvelle vague de scandales dans les entreprises américaines renforce encore l’importance de la qualité du « gouvernement d’entreprise ». Ici, la question de l’indépendance des administrateurs en charge du comité de rémunération (des dirigeants) est crucialement posée.
- Il existe des contre-pouvoirs efficaces à la toute-puissance des entreprises. C’est la persévérance et la compétence de deux (jusque là assez obscurs) chercheurs en finance qui ont mis à mal une pratique largement répandue mais peu visible. Et le sérieux coup de pouce médiatique accordé par le Wall Street Journal montre bien, à ceux qui en doutaient, que ce quotidien n’est pas soumis aux intérêts des entreprises !
- Le scandale sera-t-il limité aux Etats-Unis ? Y aurait-il un gène européen qui protègerait les patrons de nos contrées d’une telle tentation ? On peut en douter. Attendons-nous dès lors à quelques gros titres dans nos journaux aussi ...
- Comment en profiter si on est investisseur ? Une fois de plus, mieux vaut arriver après la tempête. Les cours des actions d’entreprises qui sont compromises dans ce scandale ont souffert. Dans certains cas, les baisses ont sans doute été trop brutales, ce qui permet de dégager des opportunités d’achat. Mais séparer le bon grain de l’ivraie n’est guère facile et ne peut s’envisager sans encourir une bose dose de risque.
Commentaires