Par Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-Délégué Régional du Groupe ITG
Cette question n'est pas posée directement par les porteurs de projet d'activité solo. Pourtant, je la devine au bout des lèvres et ils aimeraient bien un éclairage !! Je vais commencer cette chronique en essayant d'y répondre au mieux.
Que font les sociétés de "portage salarial" qui fournissent un service complet et de qualité ? Elles mettent en place des formations pour doter leurs nouveaux consultants — mais aussi ceux qui ont besoin de repartir sur des bases plus solides — de méthodes, d'outils et de savoir-faire pour développer leurs compétences dans le métier de consultant, indépendamment des compétences métier de leur discipline. Ces formations, ateliers et autres entraînements traitent de questions telles que : Comment identifier ses "différentiels", les présenter, les promouvoir, comment réussir les différentes phases du processus client, comment s'organiser individuellement, comment mieux rédiger, mieux négocier, etc.
Ce qu'on observe chez une partie des nouveaux consultants, formateurs, coaches, prestataires, qui arrivent sur le marché, c'est qu'ils cherchent à accumuler les formations pour se donner l'impression qu'ils seront mieux armés. A trop vouloir en faire, ils risquent de reproduire la logique de recherche d'emploi, avec un CV aussi riche que possible en termes de diplômes, de cursus, de formations suivies. Ils n'arrivent pas bien à bien se mettre dans la logique de recherche de missions, bien différente, car il s'agit d'une posture fournisseur/client.
D'autres se jettent à l'eau tout de suite, tellement contents d'avoir une grosse commande client, ou une simple demande de prestation régulière comme sous-traitant. Sans référentiel métier, tête baissée, entièrement au service de leur mono-client, les voilà heureux, presque sécurisés et retrouvant l'ambiance de l'entreprise. Pas pour longtemps, s'ils s'en tiennent là !! Car, un jour, leur activité baisse, inévitablement, parfois ils perdent brutalement leur unique client. Et s'ils étaient en sous-traitance, ils sont encore davantage désemparés, fragilisés. C'est alors qu'ils se disent qu'il faudrait peut-être se former, se doter de nouvelles compétences pour développer leur activité.
Si je reviens sur la question de départ — Vaut-il mieux bien se former ou se jeter à l'eau ? —, est-ce réellement une alternative ? Tout dépend de ce qu'on imagine :
• Accumuler les formations, car "on apprend toujours quelque chose" (ce commentaire qui me fait tant bondir quand je l'entend à la fin d'une formation, tellement vide de sens, à moins que ce soit plutôt lourd de sous-entendus, à savoir "je me demande bien ce que j'ai appris") ; on tombe alors dans la procrastination, avec ses craintes sous-jacentes (peur de l'échec, de l'isolement, de la perte de contrôle, …).
• Se risquer, tenter le tout pour le tout, sans réfléchir, parce qu'on n'a qu'une vie et qu'on verra bien ce qui arrivera ; mais, le monde est petit — tout petit — et on n'a parfois pas deux fois l'occasion de faire bonne impression !!
Pour éviter ces deux écueils, il faut donc les deux : bien se former ET se jeter à l'eau. En effet, je crois et j'ai observé qu'il faut de la méthode, du savoir-faire mais aussi du courage, de l'entraînement. Dans le sens constructif, bien se former c'est se donner de meilleures chances de comprendre les composantes-clé de son activité de conseil ou prestation ; se jeter à l'eau, c'est se lancer, oser, se décider. C'est mettre en pratique ce qu'on a appris. Et il faut le faire vite, sinon on a le phénomène du "renforcement négatif", bien connu des psychologues — on fait moins bien juste après qu'on faisait avant de se former, et si on ne remet pas en action, on ne progresse pas et on abandonne.
Une petit boutade (forte !) pour conclure, la morale de l'histoire en quelque sorte :
Se former trop longtemps avant de se lancer dans une activité solo c’est comme vouloir apprendre à nager au bord de la piscine.
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