Par Didier Thebaut (chroniqueur exclusif) - Fondateur de joujou de Paris
En partant du constat que de la formation à l’information, il n’y a qu’une syllabe, et, que de l’information à la commédiologie il n’y a qu’un pas, on peut légitimement se demander si le stade suprême de la formation ne serait pas la commédiologie. Pour rappel, le terme information vient du latin in formare qui veut dire mettre en forme ou injecter de la forme. Ce qui signifie que dans la transmission du savoir, la forme est souvent plus importante que le fond.
En effet, pour pouvoir transmettre un savoir il faut être légitimé et la question que l’on peut se poser est : « comment une personne à qui vous allez enseigner est censée évaluer vos compétences dans un domaine qu’elle ignore ? ». Et c’est là qu’intervient la puissance des masques et donc de la commédiologie.
Je m’explique, une même formation dispensée par la même personne mais dans deux organismes différents n’aura pas la même valeur aussi bien en terme de coût qu’en terme de reconnaissance en interne.
Etre formé à l’INSEAD et à la CEGOS suffit presque pour que le contenu de la formation soit automatiquement validé. Pour résumer, plus l’organisme de formation est puissant et moins la formation a besoin d’être optimale.
D’ailleurs parmi les 8000 organismes de formation recensés en France, certains l’ont bien compris. La différence n’est pas dans le contenu des formations des catalogues. Mais plus dans la manière dont le catalogue est agencé. Avec 20 milliards d’euros, le marché de la formation est avant tout un business et comme les autres business, l’essentiel pour faire du CA passe plus par la capacité à faire savoir qu’à savoir faire.
La conséquence de tout ça est que bien souvent les formations sont faites en fonction de la concurrence et non pas en fonction des attentes des clients, ni même des formations dispensées par les formateurs. Si untel fait ça, il faut faire la même chose et demander à un des formateurs de s’y coller. Voilà pourquoi rien ne ressemble plus à un catalogue de formation qu’un autre catalogue de formation. La devise de cette nouvelle économie est « donnez-moi du CA, je vous trouverai des fournisseurs ».
Encore une fois, pour ne pas me faire d’ennemi, il s’agit plus d’un état des lieux que d’un jugement de valeur. Le rôle de la commédiologie est de faire prendre conscience des éléments présents dans la société et c’est à partir de ce diagnostic qu’il faut administrer une ordonnance. Car la responsabilité de chaque formateur est de combattre cette course au CA pour se recentrer sur le contenu, car sinon demain arrivera au secteur de la formation ce qui est en train de se passer sur le secteur de l’audiovisuel. La course à l’audience, ce qui revient à la course au CA (audience = CA Publicitaire) est en train de faire disparaître le contenu de nos écrans (documentaires et théâtres). Voici où se situe le risque et il en va de la responsabilité de chaque formateur.
D’autant plus que le E-learning et l’apparition de sites comme http://nuvvo.com qui proposent le savoir à portée de clics, ont tendance à niveler la qualité des formations par le bas. Ce qui fait que demain les formateurs ne seront plus des « obstétriciens » du savoir, mais des techniciens hot line.
Et pour conclure, je vous laisse méditer sur cette citation du philosophe Pierre Bourdieu : « La télévision a une sorte de monopole de fait sur la formation des cerveaux d’une partie très importante de la population ».
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