Par Françoise Keller (chroniqueur exclusif) - Coach de Managers, de Projets et d'Equipes et Formatrice en management et en communication NonViolente®
Plusieurs interventions récentes, auprès d’entrepreneurs et de managers, m’ont invité à une vigilance sur un point que j’avais jusque là sous-estimé : la culpabilité… Nous avons été, moi comme mon client, surpris de débusquer derrière une question a priori rationnelle d’efficacité, de performance, de réussite professionnelle, de gestion du temps et du stress, une problématique plus complexe : la culpabilité.
Arnaud est chef d’entreprise et son activité est en pleine expansion. Il culpabilise car il se dit qu’il a pris trop de boulot, qu’il devrait lisser davantage son activité, qu’il aurait dû dire non à un client, qu’il aurait dû anticiper et chercher un partenaire.
Sophie démarre son entreprise depuis 3 mois ; l’activité ne démarre pas aussi vite qu’elle l’avait espéré et elle voit arriver la période d’été avec inquiétude. Elle dit qu’elle aurait dû démarrer son activité en septembre, qu’elle aurait dû être plus prudente, qu’il faut changer de stratégie pour se faire connaître.
Paul s’est donné des objectifs pour ce mois. Il a pris soin de se définir des objectifs réalistes et mesurables, en terme de production, d’activité commerciale, de prospection. Mais voilà la culpabilité qui point son nez car Paul réalise à la fin du mois qu’il n’a pas tenu ses objectifs commerciaux. Il se reproche de n’avoir pas été suffisamment vigilant.
La culpabilité, nous disent les psychologues, est un sentiment qui porte à se considérer comme responsable d’un événement ou état de fait fâcheux. J’ajouterais que la culpabilité porte sur un événement du passé.
La culpabilité est un sentiment qui est en lien avec des pensées : « je n’aurais pas dû », « j’aurais dû »…
La culpabilité est un sentiment « naturel »…
Otons nous tout de suite de l’esprit une culpabilité supplémentaire de se sentir coupable d’être coupable !
La culpabilité de l’entrepreneur me semble assez naturelle pour 2 raisons :
· l’entrepreneur se lance des défis, a une vision qui le pousse à aller plus loin. D’une certaine manière, l’entrepreneur a des exigences qui l’entraînent à prendre des risques, à entreprendre
· l’entrepreneur est responsable de son activité et vit une grande autonomie de décisions
Il est donc régulièrement mis dans des situations où il ne fait pas aussi bien qu’il aurait voulu et où, effectivement, il se considère comme responsable et coupable de cet état de fait fâcheux !!!
Pourquoi la culpabilité pose problème…
Dans les cas que j’ai rencontrés ces dernières semaines, la culpabilité pose problème pour 2 raisons essentielles :
· Elle mobilise une grande quantité d’énergie chez l’entrepreneur : une partie de son énergie est utilisée à penser comment les choses auraient dû se passer, à se formuler des reproches
· Elle oriente l’attention de l’entrepreneur sur le passé ; or, nous n’avons pas d’action sur le passé ; nous pouvons uniquement agir sur l’ici et maintenant.
Une autre voie est possible…
Les clients que j’ai accompagnés ont pu approcher la réalité d’une autre manière.
· Accepter la réalité : Oui, il y a un fait fâcheux, lié à des actions du passé. J’invite la personne a accueillir la réalité telle qu’elle est et telle qu’il ne peut la changer. Nous n’avons pas de touche « rewind » dans notre vie. Paul va donc progressivement accepter le fait que, oui, dans les semaines qui viennent, il a plus de travail qu’il ne peut raisonnablement en faire. Au lieu de revoir comment le passé aurait pu être rejoué (mais par quel acteur ?), il va se mobiliser pour trouver comment gérer le travail qu’il a maintenant. Il a par exemple envisagé de rappeler quelques clients avec qui il a établi une relation de confiance pour leur expliquer la situation, valoriser son envie de respecter ses engagements et négocier des reports de délais.
· Accepter le sens qu’a cette réalité : Il est souvent intéressant aussi, mais ce n’est pas toujours facile, d’observer que, si nous avons agi de cette manière, nous avions de bonnes raisons pour le faire. C’est une piste de travail fort intéressante qui nécessite habituellement un accompagnement car ce n’est pas toujours facile de se regarder avec bienveillance… Sophie réalise ainsi qu’elle a fait un business plan optimiste d’une part pour rassurer sa banque mais surtout pour se donner du courage. Elle réalise qu’elle avait besoin de se rassurer avant de se lancer dans l’aventure et une manière de le faire avait été de faire des hypothèses favorables.
· Apprendre de « l’erreur » pour le futur : Il s’agit alors de voir comment l’entrepreneur peut apprendre de cette expérience pour maintenant et pour préparer le futur. Paul va réaliser qu’il a à intégrer davantage d’imprévus dans sa manière de définir ses objectifs et il décide de se prendre régulièrement des rendez-vous avec lui-même pour faire des choix de manière plus consciente.
Cette approche demande un apprentissage continu mais elle a deux avantages :
· Libérer l’énergie créatrice de l’entrepreneur pour qu’il agisse dans ce qu’il peut faire ici et maintenant Evoluer, apprendre de l’expérience, ce qui est souvent le meilleur moyen d’apprendre
Oh oui je suis contente de lire cela...j'ai 27 ans, un poil perfectionniste, très exigente envers moi même mais en parallèle je reste tête en l'air, dispersée et je confirme que la culpabilité bouffe énormément d'énergie...énergie à précieusement conserver pour faire face à toutes les obligations du chef d'entreprise...
Merci pour cet article
Jaëla
Rédigé par : Jaëla | 10 septembre 2008 à 17:11
Pour moi la culpabilité est plutôt un point positif, car on culpabilise d'un échec or on apprend beaucoup plus de ses échecs que de ses réussites. Et quand j'ai fait une erreur, je culpabilise, puis je me dis que si je n'avais pas fait cette erreur et bien je ne saurais pas comment m'y prendre plus tard pour avancer. On ne naît pas chef d'entreprise on le devient...
Rédigé par : nicolas | 31 août 2009 à 22:13
c'est cool, je me sens tout à fait normal maintenant que j'ai lu cet article ! Je pensais que culpabiliser à chaque fois que quelque chose n'allait pas faisait parti de mon caractère, mais finalement non, c'est un trait de l'entreprenariat. Dur dur d'être entrepreneur tout de même !
Rédigé par : L'accro du shopping | 07 septembre 2009 à 12:29
Effectivement il y a beaucoup de raisons valables à l'origine de la construction de culpabilité; la question est comment rebondir pour s'en débarasser.Accepter réalité et sens, puis apprendre viennent dans le moyen terme mais il faut gérer l'immédiat.Pour se débarasser d'une tendance dépressive un auteur recommandait de faire des tâches quotidiennes, ménagères, répétitives où l'esprit pouvait se détacher de l'action et ainsi reposer, annuler son angoisse. Rencontrez vos clients, vos fournisseurs,d'autres entrepreneurs!
Rédigé par : ermak | 14 septembre 2009 à 10:01