
Par Antoine Teillet (chroniqueur exclusif) - Journaliste spécialisé grandes écoles
J’ai eu le plaisir de constater que la chronique rédigé le
mois dernier « Quand le diplôme inhibe l’envie d’entreprendre » avait
provoqué certaines réactions et commentaires, qui m’ont amené à m’intéresser à
l’une des plus célèbres de nos écoles, HEC, et au dispositif HEC Entrepreneurs
mis en place voici bientôt trente ans à l’initiative de Robert Papin.
Je savais pour avoir déjà rencontré Robert Papin par le
passé que ce dernier se passionnait pour cette œuvre à laquelle il a consacré
plus de 25 ans de sa vie, de la création de la filière Entrepreneurs en 1978
jusqu’à la retraite du personnage en 2003. Il s’est de fait montré très
disponible à mon égard pour une discussion passionnante dont je vous livre
quelques extraits.
A quels principes la
création de HEC Entrepreneurs a-t-elle obéi ?
L’objectif de départ n’était pas de former forcément des
créateurs d’entreprise mais des entrepreneurs au sens large du terme, des
hommes et des femmes immédiatement opérationnels dans des tâches de direction
générale.
La réussite d’un patron dépendant autant de ses qualités
personnelles que de ses connaissances, il nous fallait cependant inventer de
nouveaux rythmes d’apprentissage, la méthode traditionnelle d’enseignement des
grandes écoles ne permettant pas vraiment de développer les qualités humaines
adéquates. De même que la méthode des cas importée des Etats-Unis dans les
années 60 et 70 n’est pleinement efficace qu’en face de jeunes professionnels
déjà habitués à l’entreprise et aux problèmes opérationnels.
D’où la mise en place
d’un programme très original…
D’où la volonté d’alterner plusieurs périodes
d’apprentissage théorique avec des missions réelles en entreprise correspondant
aux temps forts de la vie d’un patron. Par équipes de trois et sous la
direction d’un professionnel, les étudiants seraient donc confrontés à une
mission de création d’entreprise, puis à un redressement de société en
difficulté, puis à la cession ou l’acquisition d’une société. Après quoi
surviendrait pendant deux mois un stage de « bras droit » d’un
dirigeant de PME ou de grand groupe suivi d’une mission de conseil en
développement, d’une mission de vente sur le terrain puis d’une mission de
communication.
Dès le départ, il fut décidé que les jeunes HEC seraient
mêlés à des élèves ingénieurs.
Parce que cette
majeure de 3e année est aussi un mastère spécialisé ouvert à des
diplômés de l’extérieur…
Tout à fait, même si les mastères spécialisés n’existaient
pas encore en 1978. Nous avons décidé de regrouper une quarantaine d’étudiants
au départ, avant de doubler l’effectif pour compter aujourd’hui quatre-vingts
élèves. Des étudiants HEC de 3e année mais aussi des diplômés de
quatre années d’expérience au maximum.
« Il est possible de faire naître de véritables
vocations lorsque l’on met des jeunes en situation de défi »
Cette formation a de suite rencontré beaucoup de succès…
La majeure a effectivement très
bien fonctionné même si elle était et demeure encore à contre-courant d’un
système éducatif qui, aujourd'hui encore, privilégie l’acquisition de
connaissances plus que ce mode d’apprentissage de l’entreprise. C’est un peu
dommage quand on voit que la moitié de mes élèves sont depuis devenus
directeurs généraux ou PDG et qu’il est possible de faire naître de véritables
vocations lorsque l’on met des jeunes en situation de défi.
Un obstacle
cependant, le prix de ces formations, le mastère spécialisé de HEC coûte ainsi
14 000 euros aux diplômés extérieurs…
Il est vrai qu’une telle formation coûte cher, mais j’avoue
que cela n’a pas vraiment posé de problème à mes étudiants parce que ces
derniers, à leur sortie, trouvaient sans difficulté des postes très
intéressants, auxquels ils n’auraient jamais pu accéder autrement et qui leur
permettaient avec un système de prêt différé d’envisager sereinement cet
investissement.
• Si vous désirez en savoir plus sur la création d’entreprise telle qu’elle est promue à HEC, vous
pourrez vous rendre sur la page du Centre HEC Entrepreneurs sur hec.fr…
• A noter que Robert Papin dispose d’un site des plus
instructifs : http://www.robertpapin.com.
Aujourd’hui, il se charge de mettre en place à l’étranger des systèmes
similaires à celui mis en place à HEC.