La région amazonienne et les Indiens d’Amazonie m’ont toujours fasciné
depuis mon enfance. En travaillant avec eux et en les aidant dans leur
vie de tous les jours, je m’accomplis au niveau personnel. Nous avons
créé une association appelée ABRAPAN pour les aider à améliorer leurs
produits ainsi que les commercialiser à travers des points de vente
physiques mais aussi grâce à une distribution internationale.

Au niveau de la production, as-tu choisi de tout produire
là-bas ? Ou y a-t-il certaines étapes réalisées à l’étranger ? Pour la
production brésilienne, quelle est la part produite par les Indiens
d’Amazonie (seulement la récolte de matières premières, ou la
production de produits finis) ? Pourquoi ?

Pour le moment, notre production est totalement et uniquement installée
au Brésil. Nous utilisons aussi bien les matières premières et les
ingrédients locaux que les savoirs-faires traditionnels des Indiens
d’Amazonie comme ceux d’autres communautés locales. En effet, nous
souhaitons aussi travailler avec d’autres communautés locales.

Pour ta production au Brésil par les indiens natifs,
apportes-tu un savoir-faire « occidental » ? Autrement dit, y a-t-il un
transfert de compétences ou te reposes-tu sur leur savoir-faire
traditionnel ?

Je me repose sur leur savoir-faire, non seulement sur celui des Indiens
d’Amazonie, mais aussi celui des natifs de la région amazonienne : les
« Mateiros ». Nous avons sponsorisés une école pour leur enseigner la
classification scientifique des plantes. Nous avons déjà deux groupes
qui ont été diplômés. Cela leur donne l’opportunité d’utiliser leur
savoir-faire traditionnel et d’ainsi trouver un emploi respectueux de
la Nature, et donc de ne pas avoir à accepter des emplois tels que
couper les arbres de la forêt amazonienne, mettre en place des
plantations de soja, s’occuper de troupeaux ou autres.

Depuis que tu travailles avec tes communautés indiennes,
vois-tu un impact direct sur leur qualité de vie ? Qu’est-ce que ça a
changé pour elles concrètement ?

Le commerce équitable n’est qu’une étape parmi tant d’autres pour
améliorer sensiblement leur qualité de vie. Mais beaucoup de choses
restent encore à faire pour atteindre l’équité.

As-tu constaté des effets pervers du commerce équitable (dissensions entre les communautés..)? Si oui, comment les gères-tu ?
Je n’ai remarqué aucun effet négatif ou pervers via le commerce
équitable, car la démarche est sincère et ne veut en aucun cas utiliser
les Indiens d’Amazonie comme une simple approche marketing mais
vraiment comme les propriétaires d’un savoir-faire unique.

Crois-tu que le commerce équitable puisse vraiment changer le sort des pays du Sud ? Quelles en sont ses limites ?
Le commerce équitable est une nécessité pour chaque pays, la Nature nous le rappelle à chaque instant, où que l’on vive.

Bio & équitable, cela va-t-il toujours de pair ? Pourquoi ?
Comme je l’ai dis juste avant, c’est une nécessité absolue, tout simplement pour la survie de l’espèce humaine.

Tes convictions et tes idéaux ont-ils évolué du fait de vivre au quotidien cette réalité ? Dans quel sens ?
Non, ils n’ont pas changé. Mais ils sont entrés en pratique et sont
ainsi devenus réalité. Bien sûr, j’ai beaucoup appris à leur côté mais
mon activité à toujours fait partie de mon idéal. Nous avons fondé
Amazonia au Brésil, en 1978. Nous utilisons, importons et distribuons
des produits issus de savoirs-faires indiens.

Que faisais-tu avant de créer ta boîte ?
J’importais et distribuais déjà Henna (la société Surya Henna qu’elle a
crée il y a 25 ans, spécialisée dans les produits capillaires naturels
et biologiques, ndlr). Mais mon style de vie a toujours été en harmonie
avec la Nature depuis mon enfance. En tant que végétarienne, je
respecte toute forme de vie ainsi que l’environnement.

Pour te lancer dans cette création, as-tu eu un déclic ou une lente prise de conscience ?
Ce fut plus simplement la réalisation d’un rêve d’enfant. Mon
arrière-grand-père, dès son arrivée d’Italie au Brésil, a travaillé
avec les communautés indiennes. Mon oncle avait aussi l’habitude de me
raconter les histoires et légendes de ces communautés.

Combien de temps par an passes-tu à voyager auprès de tes communautés partenaires ?
Deux fois par an, puisque mon entreprise est encore petite et que je
suis responsable de plusieurs secteurs. Normalement en 2007, je
passerai plus de temps avec ces communautés. Mon prochain voyage au
Brésil est le mois prochain !

Personnellement, qu’est ce que ça t’apporte de construire ton activité sur des bases équitables ?
Cela me donne la satisfaction d’être un être humain travaillant pour
ses idéaux et non pas seulement un animal travaillant pour survivre.

Entreprendre est en soi un beau défi. Pour toi, quelles sont
les difficultés que le commerce équitable a ajoutées à la difficulté
d’entreprendre ?

Les difficultés : la bureaucratie, les douanes, le soutien financier indispensable.

Une anecdote sur ton vécu des différences culturelles ?
Je n’ai pas spécialement d’anecdote. Mais j’ai vraiment une magnifique
expérience à partager. Uma Sharma est une danseuse Kathac vraiment
populaire en Inde (d’où est originaire le mari de Clelia Cecilia, ndlr)
et est également une amie proche. Lors de son premier voyage au Brésil,
nous sommes allées à Manaus et elle a fait un spectacle dans une tribu
indienne. En retour, cette tribu lui a donné un spectacle, puis
soudain, ils étaient tous en train de danser ensemble, utilisant le
seul langage du cœur. C’était un moment unique où deux cultures
différentes, vivant à des milliers de kilomètres l’une de l’autre,
pouvait partager une telle expérience.