A propos d’entreprenariat au féminin

 Photo Patrick Rey by JLChaumet 600pixPar Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-Délégué ITG, premier groupe de conseil en portage salarial.

On parle de plus en plus d'entreprenariat au féminin. Derrière un concept bien trop général, avec le risque de figer des représentations, on trouve toute une palette de motivations : envie personnelle, pression sociale, souhait de reconversion, création de son propre emploi, etc. Trois ans après un premier article sur ce sujet, j'ai eu envie de mieux comprendre pourquoi en France le taux de création au féminin restait inférieur à celui de pays comparables.

Capture d’écran 2015-03-15 à 16.21.22Alors que l'environnement entrepreneurial féminin français est l’un des plus favorables, la création au féminin reste plus faible que dans d'autres pays. Une enquête Insee montre une augmentation de la création en 2010 uniquement imputable au régime de l’auto-entrepreneur. Quand on sait que la moitié des auto-entreprises déclarées ne deviennent pas des entreprises actives financièrement, on voit bien que le but était surtout de créer son propre emploi ou de compléter un emploi à temps partiel.

Contrairement à la croyance répandue*, les femmes valorisent autant l'entrepreneuriat que les hommes. De même, concilier vie professionnelle et familiale n'est pas une difficulté majeure pour elle. Et leurs entreprises ont les mêmes chances de pérennité. Comme elles créent moins d'entreprises que les hommes, le Gouvernement a lancé en 2013 le plan “Entreprendre au féminin”, afin de favoriser celles qui entreprennent et de mieux mobiliser les structures d’accompagnement pour les créatrices. Bien entendu, petite entreprise deviendra peut-être plus grande, mais la grande majorité des entreprises sont individuelles au départ, chez les femmes comme chez les hommes.

L'enquête APCE souligne que pour une majorité de femmes, la création d’entreprises est un moyen d’insertion ou de transition professionnelle, qu'elles soient demandeuses d’emploi (32 % des créatrices) ou mères au foyer revenant sur le marché du travail (14 % étaient sans activité professionnelle avant la création d’entreprises contre 7 % des hommes). C'est aussi ce que nous avons noté, ma collègue et moi-même, il y a quelques jours, pour la 3ème édition du Salon Profession'L à Bordeaux. Plus de 1700 visiteuses sont venues à ce salon de la reconversion professionnelle au féminin pour partager, se renseigner, tester leur projet. Dans l'espace création, nous avons vu toutes les générations de femmes, avec des régionales de l'étape et des nouvelles arrivantes en région, des salariées préparant une transition professionnelle voulue ou subie. 

Certaines ont découvert à cette occasion le portage salarial comme solution de tremplin sécurisé vers la création ou le retour à l'emploi. En effet, le portage salarial reste peu visible des sites officiels comme celui de l'APCE ou le site "Elles entreprennent” : ce dispositif est simplement listé avec les couveuses et les coopératives d'activité et d'emploi, comme une formule permettant d'être "portée juridiquement" par une autre structure pour tester une activité ou pour répondre à une demande ponctuelle. Or, dans une activité de conseil ou autres prestations de services intellectuels, le soutien apporté par les structures ante-création comme le portage salarial augmente les chances de décoller et de durer. Ce type de solution libère également les femmes de la gestion de leur entreprise, pour se concentrer sur la réalisation de leurs missions et la synchronisation optimale avec leurs autres temps ou activités.

We-can-do-it2-231x300Au bout du compte, il me semble que les explications habituelles sur les freins culturels ou psychologiques en matière de création, qui seraient confortés voire auto-alimentés par les femmes, sont peut-être à côté de la plaque. Et si, tout simplement, elles voulaient faire autrement que de singer les hommes ! Quand on observe quelques femmes célèbres, soit créatrices et véritables entrepreneuses soit dirigeantes d'entreprises, on remarque peu ou pas de recherche d'attributs du pouvoir mais une forte appétence pour du concret, des résultats, une bonne gestion du temps.

(*) Lire aussi “Les sept vrais et fausses vérités sur l'entreprenariat au féminin”.