Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Je discute souvent avec des investisseurs découragés. Non seulement, les performances de leurs portefeuilles ne sont guère reluisantes ces dernières années. Mais, de plus, il sont de plus en plus nombreux à considérer que la gestion active d’un portefeuille est une perte de temps : « A long terme, de toute manière, il est impossible de battre le marché et donc, il est préférable d’acheter un fonds de placement qui suit l’indice ».
Quelle attitude adopter, surtout en ces temps de disette boursière ??
C’est vrai qu’investir de façon indicée est une solution qui convient pour la majorité des investisseurs, surtout ceux qui n’ont pas le temps ou les compétences nécessaires pour gérer leurs avoirs boursiers.
Mais l’efficience supposée des marchés sur le long terme (sur une période assez longue, la Bourse reflète les performances des entreprises et de l’économie d’un pays) ne signifie pas que, pour l’investisseur actif, la seule façon d’opérer passe par des « coups » spéculatifs à court terme. Parier sur l’issue d’un scrutin électoral important pour l’économie d’un pays ou d’une région (par exemple, récemment le scrutin grec) ou sur les résultats trimestriels d’entreprises est un exercice hautement aléatoire : au-delà même d’effectuer le bon pronostic, encore faut-il que les perspectives qui s’ensuivent et le contexte général soient favorables. Ainsi, le peuple grec semble confirmer son attachement à l’euro mais la situation générale reste dans l’impasse, d’autant plus que les dossiers espagnol et italien pèsent lourd dans la balance. Pour ce qui est d’une entreprise, l’investisseur qui aura vu juste sur un bénéfice trimestriel ne pourra le plus souvent en profiter que si son attente est différente du consensus et si les commentaires de la direction de l’entreprise pour les mois suivants vont dans le même sens. Parier, c’est jouer, rien de plus.
En fait, pour espérer battre la Bourse, il est nécessaire de rester investi sur le long terme : c’est juste qu’il faut renforcer/alléger son portefeuille sur les « bonnes » valeurs aux « bons » moments. Mais même ceux qui sont habiles à déceler les anomalies de marché ne peuvent pas espérer en profiter systématiquement à court terme. La Bourse est sujette à des soubresauts conjoncturels et à des effets de mode (plus ou moins longs) qui peuvent compromettre les stratégies les plus solides. Un mental de fer est souvent requis pour résister à un marché qui va dans le sens inverse à celui espéré. A tout moment, la question du bien-fondé de sa stratégie reviendra tarauder l’investisseur : « Et si j’étais victime d’une arrogance qui m’empêche de reconnaître mes erreurs ? ». S’il est sûr de son diagnostic (par exemple, l’exploitation d’une anomalie dont il n’a pas raison de croire qu’elle est en passe de disparaître), alors l’investisseur doit s’accrocher. Tout en restant critique sur ses croyances. Et tout en ne perdant pas de vue une autre règle fondamentale : ne jamais s’endetter pour investir en Bourse car « Le marché peut rester irrationnel bien plus longtemps que vous ne pouvez rester solvable ». Garder une certaine somme disponible pour la réinvestir au pire du désespoir des marchés (donc au moment où les actions sont réellement bon marché) est aussi une règle à respecter.
Au final, l’investisseur devra acquérir la patience sans laquelle il n’est pas de stratégie gagnante, quelle que soit la conjoncture du moment. Non pas la patience de laisser la Bourse décider du sort de son indice. Mais la patience de laisser la stratégie mise en place porter ses fruits.