Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
« On » s’est beaucoup agité, «on » s’est tapé dans le dos devant les caméras et « on » a beaucoup communiqué à l’occasion du récent G20 de Londres. Mais force est de constater que, au-delà de la formulation de principes généraux, les précisions font encore cruellement défaut sur certains dossiers certes techniques mais néanmoins cruciaux.
La taille des banques pose notamment problème. Les Anglo-Saxons résument la question ainsi : que faire des institutions financières dites « too big to fail » (donc : trop grandes pour les laisser faire faillite) ?
Aux Etats-Unis, Sheila Bair, qui préside la Federal Deposit Insurance Corporation (système fédéral d’assurance des dépôts bancaires) et récemment élevée par le magazine Forbes au deuxième rang des plus puissantes femmes du monde (derrière Angela Merkel), a posé cette question depuis plusieurs semaines. Sans réponse convaincante pour le moment, Ben Bernanke, patron de la Federal Reserve, se disant lui-même perplexe.
Dans une économie capitaliste telle que la nôtre, est-il en effet raisonnable de laisser subsister, voire prospérer, des entreprises dont la faillite éventuelle pose le problème de survie de tout le système ? Car en cas d’appel à la rescousse, l’Etat, s’il sauve les épargnants, pénalise dans le même temps les citoyens contribuables (oui, en effet, épargnants et contribuables sont les mêmes personnes) sous forme de creusement des déficits ou de remontée des impôts. De plus, cette garantie étatique induit des distorsions évidentes de concurrence : avec de telles règles du jeu, les épargnants préféreront toujours les grandes banques, celles-là mêmes qui seront in fine protégées. Autant nationaliser directement les banques, en leur reconnaissant le statut de services publics. Que faire d’autre ?
Pour certains, la solution serait de renforcer le contrôle des « méga-banques ». Mais est-ce bien la meilleure approche à adopter ? Est-il raisonnable de tabler sur l'infaillibilité d'un organisme de contrôle international, en supposant que celui-ci puisse voir le jour ? Dans la crise actuelle, les contrôleurs, eux-mêmes, ne se sont-ils pas laissés gruger par le mirage de l’argent-roi ?
Pour empêcher tout risque systémique de se matérialiser, des ratios prudentiels de solvabilité plus stricts, et pourquoi pas d’autant plus stricts que la taille de la banque croîtrait, serait une possibilité, du moins s’ils pouvaient être appliqués automatiquement sur la base d’une comptabilité insoupçonnable. Notons au passage qu’il serait opportun de revenir à l’incompatibilité des métiers de banque de dépôt et de banque d’affaires : aux Etats-Unis, en 1933, le fameux Glass-Steagall Act avait instauré ce système, finalement abrogé en 1999, juste à temps pour permettre la constitution du géant Citigroup … dont il ne reste aujourd’hui que des miettes. Allons encore un peu plus loin et suggérons l’adoption d’une loi contraignante limitant la taille des institutions financières, coordonnée à l’échelle internationale, mondialisation oblige. D’accord, ce ne serait pas simple. Mais qui a dit que ça l’était ?