Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
La situation n’a rien d’inhabituel. Il est dans l’ordre des choses qu’à un moment donné, toute personne soit concernée par un héritage, plus ou moins important. Supposons ici qu’une fois que l’Etat a prélevé sa « juste » part, il reste une somme non négligeable dans les mains de l’héritier. Après l’éventuelle dépense de pur plaisir (emmener son conjointe/sa conjointe en voyage, par exemple), survient la question de savoir quoi faire de cet argent, avec cette sous-question : « Dois-je investir l’intégralité d’un seul coup ou y aller progressivement ? ».
La maxime « Le temps, c’est de l’argent » s’applique-t-elle ici ?
Mais ne brûlons pas les étapes.
Dans le cas où cette personne dispose déjà d’un portefeuille de placements diversifié, établi selon son profil de risque et l’horizon programmé de son investissement, elle peut tout d’abord réévaluer ses objectifs financiers et son aptitude à supporter plus ou moins de risques suite à cette rentrée d’argent. Elle peut donc décider d’adopter une autre composition de portefeuille, plus adéquate à sa nouvelle situation : par exemple, un portefeuille plus risqué ou si l’objectif recherché reste identique, un horizon de placement raccourci.
Ensuite survient la question du « timing » effectif de l’investissement complémentaire proprement dit. Nous y voilà. Un investisseur prudent pourrait ainsi décider d’investir cette nouvelle somme progressivement, par exemple en douze versements mensuels équivalents sur l’espace d’une année. Le but serait bien entendu de se protéger contre tout risque de perte significative à court terme en cas de retournement des marchés. C’est parfaitement légitime. Mais il y a un prix à payer pour cette protection. Des simulations statistiques opérées sur plusieurs dizaines d’années sur les marchés américain, britannique et australien montrent qu’un portefeuille, constitué à 60% d’actions et 40% d’obligations et qui est investi immédiatement, surperforme sur l’année suivante à une fréquence de 7 fois sur 10 le portefeuille qui serait investi progressivement. Cette surperformance est en moyenne de l’ordre de 2% sur cette année.
Très bien. Mais si l’investissement se fait à un mauvais moment, quel est le risque ? Dans 10% des cas par le passé, en effet, il aurait, de façon significative, mieux valu investir systématiquement sur 12 mois plutôt qu’immédiatement. Dans ces cas-là, celui qui se serait précipité aurait alors affiché une sous-performance moyenne de 8% sur l’année en question.
A chacun de voir si ce risque est acceptable ou pas, du moins à l’aune du passé.
En moyenne, malgré tout, l’investisseur perd à attendre. C’est tout à fait logique. Pourquoi ? Lorsque vous disposez d’une assez grosse somme en cash que vous n’investissez que progressivement, vous n’obtenez votre portefeuille-cible (reprenons notre allocation 60% actions et 40% obligations) qu’au bout de 12 mois. Entretemps, il sera plus défensif, étant donné la présence de cash non encore investi. Et puisque, du moins en moyenne sur longue période, les marchés ont tendance à s’apprécier (prime de risque), vous avez alors à subir un manque à gagner équivalant à la partie de cette prime de risque à laquelle vous avez implicitement renoncé.