Par Henri Kaufman (chroniqueur exclusif) – Président de Communider – Agence de Marketing
La fidélité plastique, c’est celle qui est le fruit des programmes de fidélité passe-partout. Elle est le plus souvent adossée à une carte plastique, qui sommeille dans nos portefeuilles au milieu de ses nombreuses congénères ; elle sert à accumuler des points, lesquels seront transformés en cadeaux ou en réductions… un de ces jours.
Dès qu’une entreprise se rend compte que le recrutement de ses nouveaux clients devient chaque jour plus difficile, elle arrive vite à la conclusion, presque sans y penser, qu’il vaut peut-être mieux passer du temps et investir sur ses clients acquis, ceux qui font le chiffre d’affaires, plutôt que d’aller déloger les clients des griffes de la concurrence.
Et très naturellement, elle installe un « programme à point » dont la devise pourrait être : Cher client, sois fidèle maintenant et pour longtemps, et tu gagneras après des mois ou années d’effort un petit cadeau « bien mérité ». Hélas, la méthode est grossière car elle remplace la fidélité qui se mérite par la fidélité achetée. Certes, certains clients continuent d’acheter sans changer de fournisseur dans la perspective lointaine du cadeau mais il suffit que le cadeau du concurrent devienne tout à coup plus alléchant pour qu’ils quittent sans vergogne ni regret leur marque, qui était favorite quelques jours auparavant.
Pour bien faire, il faudrait autant de programmes de fidélisation qu’il y a de segments marketing dans le fichier client. Mais même dans ce cas idéal, les programmes ne seraient pas infaillibles car ils oublient un point fondamental : c’est tout simplement la qualité de la relation entre la marque et ses clients. En particulier, la qualité des réactions de l’entreprise quand un pépin survient : délai de réaction trop long, silence méprisant, contestation des erreurs ou malfaçons, ces moments sont autant de moments de vérité où le client jauge enfin son fournisseur favori. Comme dit le dicton, c’est dans le besoin qu’on reconnaît ses vrais amis. Le client a besoin de ses moments critiques (peut-être même les déclenche-t-il inconsciemment ?) pour mesurer vraiment combien il compte pour l’entreprise.
Il ne faut donc pas se précipiter et installer tête baissée le premier programme à points venu, mais au contraire réfléchir aux atomes, ténus certes mais crochus, qui retiennent les clients. Réfléchir à la nature des traumatismes dans la relation, ces traumatismes que les clients n’oublient jamais complètement et qui peuvent remonter d’un coup à la surface quand un litige intervient. Et qui peuvent faire voler en éclats, en un instant, une confiance qui a mis des années à s’établir.
Les réactions des clients sont complexes. Et dans ce domaine, la fidélité plastique n’est pas la panacée.