Par Gilles Martin (chroniqueur exclusif) – Président du cabinet de conseil en stratégie et management PMP
Ce dirigeant veut opérer dans sa Direction, une Unité d’un grand Groupe de plus de 20.000 personnes, réparties en établissements géographiques, ce qu’il appelle une transformation managériale : passer d’une situation où les chefs commandent et contrôlent le terrain, dans une attitude de prescription, à une attitude de service, en support pour aider les établissements et les managers opérationnels.
Le sujet, c’est bien sûr la confiance, faire confiance, et déléguer cette confiance à tous les échelons.
C’est une transformation qui ne se voit pas aussi rapidement qu’un changement d’organigramme, ou le remplacement d’un manager par un autre. Pas de coup d’éclat. C’est une transformation plus intérieure dont il s’agit ; tout le monde est concerné, y compris lui avec les collaborateurs de son Comité de Direction.
Mais en quoi consiste une attitude de service ? Ce que l’on appelle le « Servant leadership », terme popularisé par Robert K. Greenleaf, il y a plus de trente ans. Cette formule de leader serviteur lui est venue en lisant un roman de Hermann Hesse, « le voyage en orient ». Dans ce roman, le personnage de Léo est le serviteur qui accompagne des pèlerins dans le voyage en orient. Il est aux petits soins de tous. Et puis Léo disparaît, et tout le monde est perdu, et le voyage est abandonné. Vers la fin du roman, le narrateur, qui faisait partie du voyage, découvre que ce Léo est en fait le chef de la communauté qui avait entrepris ce voyage. La leçon qu’en tire R.K Greenleaf est que le grand leader est celui qui est d’abord perçu comme un serviteur. Léo a été le leader dès le début du voyage, justement en étant le serviteur des pèlerins. Et c’est cette attitude de service qui est sa nature profonde.
Ce mouvement vers un leadership moins coercitif est toujours en cours. Les relations entre les personnes dans les organisations, les entreprises, et la société changent. Elles se veulent plus créatives. L’autorité valable est celle qui est acceptée librement par ceux qui la suivent ; et s’ils la suivent c’est parce qu’elle correspond à une attitude du leader évidemment serviteur. Les institutions ne sont plus respectées ni craintes ; ce sont les personnes que l’on suit, en qui on a confiance, parce qu’elles ont démontré cette attitude de serviteur. Elle n’est pas naturelle, ni complètement incarnée dans nos entreprises d’aujourd’hui. C’est pourquoi il est émouvant de rencontrer des dirigeants qui souhaitent apporter leur part et incarner un tel modèle, face au scepticisme qui règne parmi ses propres collaborateurs. Car cette transformation intérieure est souvent le fait d’un homme ou d’une femme qui se sent au début un peu seul dans cette aspiration, qu’il a parfois du mal à faire partager.
Un autre auteur, James A. Autry, dirigeant d’un groupe de presse et magazines, fournit dans son livre « The servant leader – How to build a creative team, develop great morale, and improve bottom-line performance », les caractéristiques de l’attitude du « servant leader » qui lui semblent les plus essentielles. Il y en a cinq.
Soyez authentique
Le bon mentoring du leader est celui qui aide les personnes à apprendre à être elles-mêmes. Cela consiste à honorer ce qui est bon et unique dans ceux que vous mentorez, et non à essayer de les rendre comme moi. Être authentique, c’est donc d’abord se connaître soi-même, et ensuite être soi-même.
Soyez vulnérable
Cela consiste à être honnête avec ses sentiments, à être à l’écoute de ses doutes, de ses peurs, à admettre ses erreurs. Cela fait appel au courage, et est plus difficile que de « jouer au chef » sûr de lui. C’est admettre que nous ne pouvons tout contrôler et que nous devons dépendre des autres.
Soyez dans l’acceptation
Accepter, c’est accepter les idées des autres, les opinions différentes, sans se focaliser sur les personnes. C'est accepter que, quelles que soient les décisions, il n’y a pas des gagnants et des perdants.
Soyez présent
Être présent à chaque instant, c’est de ne pas être distrait ou envahi par le passé, des souvenirs, des impressions. C’est être complètement dans ce qui se passe ici et maintenant.
Soyez utile
C’est le propre de l’attitude de service : se rendre utile. La première personne à solliciter c’est soi-même. Dans cette attitude on n’est pas « le boss » ou le chef, on est la ressource qui est au service.
On voit bien que ces conseils sur l’attitude sont simples, mais complètement à l’inverse de ce que certains imaginent être le leadership et le management.
Le leadership « au service » : ça ne parle pas de muscles, mais du cœur.