Par Charles Kollo (contributeur exclusif) – Président du Cercle pour l'Initiative des Jeunes
Le succès de l’auto entrepreneur est le résultat de sa popularité. En effet, cette mesure a permis à plusieurs centaines de milliers d’entrepreneurs de créer leur entreprise de manière sécurisée avec des charges sociales proportionnelles au chiffre d’affaire. Cet état est plutôt positif car cela a aussi permis à l’Etat de récupérer les transactions financières qui se faisaient autrefois sous aucun statut. De ce point de vue, nous ne pouvons que nous satisfaire du résultat et pouvons aussi constater le formidable élan entrepreneurial Français.
Mon analyse se fera cependant en demi-teinte en raison d’un certain nombre d’irrégularités qui commencent à se faire légion à cause de ce statut qui, quand il est imposé perd toute sa portée sociale et entrepreneuriale.
La France s’est battue pour les acquis sociaux actuels tant décriés actuellement par certains politiques en raison de ce qu’ils appellent les « assistés ». Maintenant il y a une nouvelle forme d’emploi dissimulé qui se développe principalement dans les sociétés de service. Les entreprises qui autrefois employaient des personnes en payant leurs charges sociales et patronales emploient maintenant des armées d’autoentrepreneurs permettant à celles-ci de multiplier leurs profits et à ceux-là de se voir sombrer dans une précarité qui risque de se révéler tragique dans les années qui arrivent. Nous pourrons en mesurer les résultats qu’une fois que le mal sera fait et que les autoentrepreneurs forcés se rendront compte que durant tout le temps où ils ont travaillé, en fait ils ne cotisaient pas pour leur retraite, la sécurité sociale, le chômage et d’autres prestations sociales auxquels chaque salarié français peut prétendre.
Les entreprises sous une pression conjoncturelle risquent de se trouver dans l’obligation de « recruter » des autoentrepreneurs afin de garantir des prestations à bas cout pour leurs clients, face à une concurrence qui tend à s’inspirer des mêmes méthodes de neo-salariat. Ces neo-salariés n’ont plus aucun droit et semblent avoir les devoirs de tout salarié normal : le lien de subordination, les règles internes, les horaires de travail… Les charges incombant à l’employeur en deviennent ainsi inexistantes et à la charge du neo-salarié. L’autoentrepreneuriat forcé est à mon sens une énorme spirale vicieuse.
Ainsi un salaire de 1700€ brut se transforme en une facture de 1700€ HT. Qu’en est-il réellement pour l’entreprise ? Le salaire chargé (charges sociales + patronales) coute plus ou moins 2800€ à l’entreprise. La différence permet au salarié une somme de protections sociales. Sauf que cela risque de se faire de plus en plus rare dans le paysage salarial si ces pratiques de dumping social se développent.
Bien que cette pratique soit fortement réprimandée par l’Etat (voir : http://www.lautoentrepreneur.net/2010/11/les-auto-entrepreneurs-sont-des-travailleurs-independants-et-non-des-salaries/) il est important que nous nous assurions que cette pratique ne tende pas à se développer. Les salariés n’ont, en plus, pas forcement de conseils à ce sujet et tendent souvent à s’isoler tout se laissant miroiter un poste en CDI.
Ce n’est pas une tribune pour le salariat, ou un avis anti-liberal, mais un signal d’alarme aux entreprises françaises contre ce dumping social qui est anticoncurrentiel.
Soyons vigilants.