Par Kevin Straszburger (chroniqueur exclusif) – Ben & Fakto
Je ne sais pas si vous avez lu cette désormais célèbre chronique de Libération : Barrez-vous, paru il y a quelques semaines maintenant. Si non, je vous invite grandement à le faire, sérieusement. Nous la devons au trio formé par Félix Marquardt (fondateur entre autre des Dîners de l'Atlantique et des Submerging Times Dinners), Mokless (rappeur) et Mouloud Achour (journaliste) et je dois dire qu'elle est pleine de bon-sens. Je m'explique.
Il n'est pas question pour les auteurs d'inciter à l'invasion fiscale, d'ailleurs il n'est même pas question non plus de faire de l'anti-France de base, sans fondement et sans argument.
Leur point est le suivant : la France est un pays sclérosé dans lequel une petite élite de quelques milliers de personnes décide de tout, et dont la moyenne d'âge est proche des 60 ans. En tant que jeune donc, aucune responsabilité possible, aucun moyen de tester quoi que ce soit, de vivre des expériences. La solution évidente : se barrer. Aller vivre ailleurs, s'enrichir (sur le plan intellectuel, culturel et créatif), puis revenir en France fort de ces nouveaux attributs pour en faire profiter le pays.
Ce barrez-vous, ce doigt d'honneur au système en quelque sorte, peut être interprété de différentes manières. Il y a un barrez-vous physique, un côté "le système c'est ce pays tout entier, à la traîne, je me casse". Mais il y a aussi un barrez-vous professionnel, plus à traduire "le système ce sont ces secteurs de vie pro, ces milieux, je n'en veux pas, je fais autrement".Mon ex-associé et ami Tristan en parle très bien lorsqu'il pointe du doigt tous ces jeunes qui courent en start-up, que ce soit la leur ou pas d'ailleurs. Le ras-le-bol est généralisé, on ne veut plus souffrir en travaillant, on veut du sens, un but et une mission, on ne veut plus suivre les pseudo-directives d'un Mr-je-sais-tout-qui-regrette-le-temps-des-choristes (non, je n'écoute pas Diams en écrivant cette chronique).
Personnellement j'ai fait les deux. Jeune diplômé d'une soi-disant grande école (et qui malheureusement ne m'apporte pas plus qu'une jolie dette à la banque pour commencer ma vie professionnelle mais ça c'est un autre problème que nous ne traiterons pas ici – au passage je ne critique pas mon école en particulier, mais tout ce système éducatif) j'ai crée ma boite avec des potes. Pour plusieurs raisons nous avons décidé d'arrêter, je ne me voyais donc plus en France. J'ai décidé cet été de partir, et j'écris maintenant depuis Singapour.
Je ne me lancerai pas là dans un éloge de ce pays qui, d'ailleurs, a aussi ses problèmes mais je vis en ce moment-même une chose incroyable, que les auteurs du barrez-vous de Libé ont vraiment compris je pense : je m'enrichis ! Intellectuellement parlant.
J'évolue dans une autre société, avec une autre culture, je voyage en Indonésie, en Malaisie et, sans me lancer dans un classique éloge du voyage en règle général… quoique, je ne peux me retenir de citer Proust "le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux".
En fait, sortez, sortez, sortez. A Paris ou ailleurs, nous avons tendance à vivre dans notre petit microcosme, or le monde est bien plus grand. N'oubliez pas non plus que dans moins de 50 ans, l'Europe c'est 30% des plus de 60 ans dans le monde ! Re-pensez y, tournez cette statistique dans votre tête. L'un des corollaires est que dans moins de 50 ans, seulement l'Asie et l'Afrique "feront" des jeunes. Imaginez, ce qui va se passer en fait est que dans moins de 50 ans, les nouveaux cerveaux ne viendront quasi-exclusivement que de ces deux continents. Oui, en effet, ce n'est pas le moment d'être raciste, et c'est une plutôt très mauvaise nouvelle pour l'occidental moyen qui voit dans le chinois ou le maghrébin tous les maux de son quotidien mais c'est ainsi.
Alors ouvrez-vous, bougez-vous, en d'autres termes, barrez-vous !