Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Après la
cassure des grandes vacances, vous voilà revenu devant votre écran
d’ordinateur, prêt à investir en Bourse via votre courtier en ligne favori.
Même si vous vous avez bien rechargé vos batteries à la mer ou à la montagne,
êtes-vous bien certain de ne pas recommencer les erreurs de la saison
dernière ? Retour sur quelques déconvenues que vous avez certainement
expérimentées … Autant de mauvaises habitudes dont vous vous déferez d’autant
plus facilement que vous en aurez pris pleinement la mesure.
1. –
Considérer légèrement que la Bourse a tort.
Au bout de
quelques clics et après un survol sommaire des derniers chiffres d’une
entreprise, il vous est sans doute arrivé de croire avoir trouvé l’action hyper
bon marché, celle qui va vous rapporter des rendements à deux chiffres durant
de nombreuses années. STOP ! Ne vous précipitez pas. Ce qui est trop beau
pour être vrai est rarement une bonne affaire … A tout moment, il y a plus de
chance que la Bourse ait raison que tort de fixer tel prix à telle action,
surtout s’il s’agit d’une action largement connue des investisseurs. Dès lors,
ce que vous croyez être un cours sacrifié est souvent un cours dont le niveau
se justifie par des circonstances particulières (par exemple, un gros risque
que vous n’avez pas encore identifié ou des caractéristiques propres au secteur
d’activité). Et même après la plus exhaustive des analyses possibles, vous
pouvez toujours vous tromper (ceux qui me lisent régulièrement n’ont qu’à
penser à ma récente mésaventure sur l’action Kodak) : donc limitez votre
exposition financière à toute action individuelle.
2. – Faire
des prévisions.
Les
investisseurs ne comprennent pas la difficulté extrême et, partant, la relative
inutilité, de faire des prévisions. Ce n’est pas moi qui le dis mais c’est Alan
Greenspan, l’ancien patron de la Federal Reserve (Banque Centrale américaine),
aujourd’hui sans doute injustement décrié (On lui met sur le dos la crise
financière, ce qui est un peu facile). Et cependant, dans la presse économique,
les prévisions sont omniprésentes. Que ce soit sous la forme d’objectifs de
cours plus ou moins rapprochés ou de prévisions bénéficiaires (exercice en
cours et exercice suivant), les plus renommés des experts assènent leurs
vérités expéditives. Le plus souvent, ce n’est que du vent sur la base
d’extrapolation naïve de données récentes. Inutile de copier cette fâcheuse tendance.
Occupez davantage votre temps à analyser la situation présente de l’entreprise de
façon à déterminer si, au niveau actuel du cours de son action, les
fondamentaux sont suffisamment solides pour vous laisser espérer un joli gain
(si tout va bien) tout en vous protégeant au maximum d’une déconvenue (si tout
ne va pas bien).
3. – Etre
victime du bruit (ou de son absence).
Je ne vous
parle pas ici de votre système auditif mais bien des méfaits de la sphère
médiatique. Les journaux, y compris financiers, il faut bien les remplir chaque
jour. Tout ce que vous y lirez, même de factuel, n’a pas forcément grand
intérêt. Selon l’actualité, il sera fait état plus ou moins abondamment de tel
secteur ou de telle entreprise. Méfiez-vous de cette agitation largement
artificielle pour l’investisseur. Si la presse a tendance à dire beaucoup de
bien d’une entreprise ou si la tonalité d’ensemble qui l’entoure est plutôt
positive, il y a fort à parier que vous la paierez trop cher. Quelques mois
seulement après son introduction en Bourse, précédée d’un énorme fracas
médiatique, l’action Facebook a réussi à perdre la moitié de sa valeur (ou
plutôt de son prix). De même, ce n’est pas parce que un actif ne fait pas/plus
parler de lui qu’il faut nécessairement s’en débarrasser. Demandez donc ce
qu’il en pense à notre ami Gordon Brown, lui qui, en tant que Ministre des
Finances britannique, a vendu une bonne part des réserves d’or du Royaume-Uni
en 1999, soit juste avant un long cycle haussier du précieux métal jaune.
4. –
Substituer totalement un modèle à la réflexion
Quelle que
soit votre philosophie d’investissement, si vous avez atteint un certain niveau
de sophistication, il ne fait guère de doute que vos décisions d’investissement
reposent, au moins en partie, sur un « modèle ». Il y a déjà assez
d’algorithmes qui peuplent les logiciels des grands acteurs financiers actifs
sur les marchés. Ne devenez pas un rouage désincarné de plus dans le système. Bien
sûr, un modèle peut être utile. Mais pour qu’il soit réellement efficace, un
modèle doit avoir fait ses preuves par le passé et vous aider à mieux
appréhender la réalité qu’il ne recouvrera pourtant jamais totalement. Ne le
rendez pas exagérément complexe car il exigera alors des données d’une
précision que vous ne pourrez pas fournir. Usez-en donc avec précaution,
notamment en le replaçant dans le contexte du moment. Dans votre processus de
décision, ne sous-estimez pas l’expérience que des années de pratique vous ont
conférée.
5. – Vous
laisser séduire par le risque
Si vous
êtes issu d’une école de commerce, vous avez dû apprendre l’existence d’une
relation positive entre le risque et le rendement. Ce qui revient à dire que
plus vous opteriez pour des actions risquées, plus vous pourriez espérer des
rendements élevés. Le modèle d’évaluation des actifs financiers à l’équilibre
(le fameux CAPM en anglais), ça vous dit quelque chose, non ? Eh bien,
oubliez le ! La réalité est toute autre … Plus souvent qu’à leur tour, les
boursicoteurs sont tentés par le risque (élevé) car ils recherchent des actions
susceptibles de les rendre riches rapidement. Or, de tels investissements
s’avèrent aussi peu efficaces que des billets de loterie : bien sûr,
décrocher le gros lot est toujours possible mais, dans les faits, l’espérance de
gain est … négative. Vous avez perdu gros sur une action d’une entreprise
biotechnologique qui promettait (en vain) de révolutionner le traitement des
diabétiques ? Vous auriez mieux fait d’opter pour une action nettement
plus « ennuyeuse » comme Nestlé ou Total. Pour en savoir plus, je
vous conseille la lecture d’un petit livre tout récent qui, sans être basique,
ne requiert pas des connaissances mathématiques poussées (à condition, comme je
l’ai fait, de passer les quelques pages aux formules trop compliquées) :
il s’agit de « The Missing Risk Premium : Why Low Volatility
Investing Works » (« La prime de risque manquante : pourquoi
investir dans la faible volatilité fonctionne ») dont l’auteur s’appelle
Eric G. Falkensetin (Ah oui, désolé, c’est en anglais et vous pouvez le trouver
sur www.amazon.co.uk).