Changement : pourquoi l’envie ne suffit pas…

Gilles MartinPar Gilles Martin (chroniqueur exclusif) – Président du cabinet de conseil en stratégie et management PMP

Le changement, les managers, les entrepreneurs, les consultants le savent, ça ne se fait pas tout seul. Pour engager concrètement le changement des comportements et des habitudes, celles des collaborateurs pour travailler autrement, celles des clients et prospects pour acheter notre nouveau service inventé dans le garage de notre start-up, il faut de l’habileté dans ce que l’on désigne, comme une science, par la « gestion du changement ».

Et cette « gestion du changement », c’est aussi une affaire d’influence : faire faire à autrui ce que l’on veut qu’il fasse, et qu’il ne ferait pas spontanément de lui-même. L’influence et le changement marchent ensemble.

Les auteurs sont nombreux à chercher à nous donner de bons conseils pour exceller dans cette affaire. C’est comme ça que j’ai découvert «  Influencer – The new science of leading change », co-écrit par rien moins que cinq auteurs ( !), Joseph Grenny, Kerry Paterson, David Maxfield, Ron McMillan, Al Switzler. C’est un des « best sellers » sur le sujet, du moins aux Etats-Unis, car il n’en existe pas de version en français.

La promesse est magique : les auteurs nous promettent de nous fournir toutes les sources d’influence à utiliser pour réussir à coup sûr, et cela en combinant les deux leviers, pas un de plus, qui font que ça marche. Cela fait envie.

Mais justement, les deux leviers pour l’influence que répertorient nos auteurs sont précisément l’envie ….et un autre : la compétence, ou l’ « ability ».

Intéressant, car l’envie, on comprend bien l’utilité : comment me feras-tu changer si je n’ai pas envie du changement. Et c’est vrai qu’il faut d’abord avoir envie pour changer. Cela a l’air le plus simple, et nombreux disent qu’ils ont vraiment envie de changer : bien sûr que je veux que mon entreprise soit plus innovante, bien sûr que je veux être un meilleur manager, bien sûr que je veux être un meilleur consultant, bien sûr que j’ai envie de perdre du poids,….Mais alors, pourquoi ils ne le font pas ?

Face à ce problème, les dirigeants ont une idée : la formation, les séminaires, des séances au cours desquelles on va expliquer le changement aux personnes concernées. Vous voulez être meilleurs managers : voilà comment faire. Et puis ces managers reviennent tranquillement à leur job quotidien, et rien de change vraiment. Pareil pour l’innovation, ou n’importe quel comportement managérial. La formation n’a servi à rien.

Alors ?

L’ingrédient qui a manqué est simple : les personnes ne changent pas car ….elles ne s’en sentent pas capables. Oui, elles voudraient bien faire tout ça, présenté sur les slides powerpoint, mais elles sentent qu’elles n’en seront pas capables ; ça ne correspond pas à …leur culture, leur façon de faire, peu importe la raison ; il vaut mieux ne pas essayer, ça ne marchera pas, elles ne sauront pas.

Toute la question devient alors : comment me faire faire ce que je croie que je ne sais pas faire ?

En fait, rien ne sert de m’expliquer à longueur de journée, ce qui va compter, c’est d’abord la pratique. Tout s’apprend à condition de pratiquer. Mais attention, pas n’importe quelle pratique. La bonne pratique, c’est celle que les auteurs appellent la « deliberate practice ».

On comprend bien que la pratique d’un sport ou d’un instrument de musique permet d’acquérir les compétences pour en être un pro. Mais cela convient aussi pour des caractéristiques plus « soft » : le travail en équipe, les relations interpersonnelles, la maîtrise émotionnelle,…

C’est pourquoi la pratique, petit à petit, et les progrès continus, permettent d’acquérir les compétences dont je crois manquer et de mener les changements sans résistance ni crainte.

Mais malheureusement nombreux sont ceux qui s’arrêtent à un moment dans ce développement. Ce sont ceux qui s’imaginent, parce qu’ils ont acquis la maîtrise des fondamentaux d’une compétence, ne plus avoir besoin de progresser. Ainsi les ingénieurs en informatique plafonnent au bout d’environ cinq années, estimant alors maîtriser ce qui est nécessaire. Arrivés à ce niveau de médiocrité, l’amélioration de compétence n’est alors plus liée du tout au nombre d’années de pratique. On peut vieillir dans un métier sans plus progresser du tout, voire même régresser.

C’est à ce moment que l’on doit passer à cette « deliberate practice » : C’est le moment où le statut d’ « excellent » ne dépend plus du statut ou de l’ancienneté.

Alors, qu’est-ce que c’est cette « deliberate practice » ?

C’est d’abord pratiquer avec toute son attention : pas de pilotage automatique, de repos sur «  je sais faire ; on a toujours fait comme ça », ou bien instaurer trop de « routines ». Non, il s’agit de toujours être en éveil, curieux du changement.

C’est ensuite aller chercher et solliciter autour de soi le maximum de feddbacks, dans l’instant, et par rapport à des standards clairs.

C’est aussi savoir décomposer les objectifs en mini-objectifs : ainsi on ne va encourager seulement l’obtention d’un résultat, mais aussi l’acquisition de savoir-faire et de pratiques. Les sportifs connaissent bien ça : avant de féliciter sur la victoire d’une compétition, on va féliciter sur les gestes, les bonnes pratiques.

Revenons à l’influence et à la « gestion du changement ».

Si c’est moi l’influenceur qui veut que mes managers, mes collaborateurs, mon équipe de consultants, acquièrent par eux-mêmes les compétences pour le changement et l’amélioration, il va falloir encourager cette « deliberate practice » : le changement se fera au fur et à mesure que ceux-ci acquerront volontairement de nouvelles compétences par la pratique ; et non en se rassurant en croyant être de bons professionnels n’ayant plus besoin de se remettre en cause.

Pour cela il conviendra de favoriser plutôt de la pratique, des essais, que des formations.

Il sera nécessaire de découper les actions et les mises en pratique en micro actions, mini objectifs.

Et ne pas être avare de feedbacks immédiats.

Ainsi nous constaterons que l’acquisition de nouvelles compétences, intellectuelles, physiques, interpersonnelles, ne dépend pas seulement de la motivation, de talents personnels innés, ou même de la personnalité. Cela est complètement lié à cette confiance en notre « ability » : c’est par cette « deliberate practice » régulière que le changement deviendra réalité.

Ainsi nous aurons réussi à aider les autres à faire ce qu’ils croient ne pas pouvoir faire.

Voilà plutôt une bonne nouvelle.

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