Check-Up de rentrée : Les trois boîtes

Gilles MartinPar Gilles Martin (chroniqueur exclusif)Président fondateur de PMP et fondateur de Youmeo

L’innovation, le mot-clé pour se développer, tout le monde en est d’accord. C’est Schumpeter contre Keynes, l’innovation et la destruction créatrice, clés de la troisième Révolution industrielle, contre ceux qui croient encore que, pour relancer l’économie, il faudrait augmenter les bas salaires.

Mais tous les leaders savent aussi que les compétences, les méthodes, les états d’esprit, et les approches pour innover et créer de nouveaux business, ne sont pas les mêmes que ceux nécessaires pour optimiser l’existant. Le problème c’est qu’il faut faire les deux en même temps : faire tourner le business existant, l’optimiser en permanence pour rester compétitif, et aussi préparer et lancer les projets qui feront la croissance de demain.

Alors, comment faire pour aligner son organisation sur les bons comportements et activités nécessaires pour, simultanément, satisfaire les besoins de performance des activités existantes – celles qui font tourner l’entreprise actuellement- tout en se réinventant en permanence pour préparer le futur ? Il faut être en quelque sorte ambidextre.

Vijay Govindarajan, auteur et professeur, propose dans son dernier livre un schéma simple et pédagogique pour répondre à la question. Il appelle son schéma « la solution des trois boîtes » (c’est le titre du livre).

Quelles sont ces trois boîtes ?

La boîte numéro 1, c’est celle du présent : c’est là que l’on manage le « core business » pour qu’il soit le plus efficient et le plus profitable.

La boîte numéro 2, c’est celle où nous devons échapper aux pièges du passé. C’est là que l’on va abandonner les mauvaises habitudes, les activités, tout ce qui nous empêche de nous transformer, car elles ne sont plus pertinentes dans un environnement qui a ou qui va changer.

La boîte numéro 3, c’est celle où l’on va générer les idées en rupture, et surtout les convertir en produits, services, et business pour demain.

Le succès dans chaque boîte demande des attitudes, des pratiques, et des formes de leadership différentes.

La démarche est inspirée par la philosophie indienne Hindu à laquelle l’auteur se réfère : elle consiste à manager la tension entre les valeurs de préservation (boîte 1), destruction (boîte 2) et création (boîte 3).

Il faut tout mener en même temps, mais l’auteur propose un ordre.

Le point de départ est de diagnostiquer son business actuel et les difficultés à générer, incuber, et lancer de nouvelles idées. Et aussi d’identifier comment l’équipe de management répartit son temps entre chacune des boîtes du modèle.

Ensuite, il convient de rechercher les signaux faibles qui pourraient potentiellement transformer notre industrie dans le futur. Ce sont ces signaux qui orienteront les conversations de la boîte 3.

Parmi ces signaux faibles, l’auteur cite les discontinuités de comportements des consommateurs et des clients, les discontinuités technologiques, l’apparition de compétiteurs inhabituels, les changements règlementaires, les nouveaux canaux de distribution.

C’est à partir de là que va être alimentée la boîte numéro 3, celle où l’on va créer le futur. La démarche est à l’inverse d’une planification classique. On ne va pas chercher à tout prévoir, et à planifier le futur, mais au contraire fonctionner par expérimentation, essai-erreur. Il s’agit plus de se préparer à se mouvoir et à agir dans l’incertain plutôt que de chercher les réponses à tout. Et pour cela il va falloir créer une « culture de la boîte 3 » dans toute l’organisation.

Pour que toutes les idées et expérimentations de la boîte 3 puissent se développer, il va falloir s’occuper aussi de la boîte numéro 2. Cette boîte numéro 2, c’est celle où viennent mourir les idées de la boîte numéro 3 : « On l’a déjà fait », « ça ne marchera pas chez nous », « on a toujours fait comme ça, pourquoi changer ? », on connaît toutes ces expressions que l’on entend régulièrement.

Pour s’en sortir, l’auteur recommande de pratiquer ce qu’il appelle « l’oubli sélectif », et pour cela éviter les pièges, tels que le piège de la compétence de ceux qui ont réussi dans le passé, et qui sont convaincus que ce sont les mêmes compétences qu’il faut continuer à développer dans le futur. Cela fait penser à toutes les bêtises qu’ont fait faire aux entreprises toutes ces planifications de GPEC (gestion prévisionnelle des Emplois et des Compétences), qui ont précisément enfermé le management dans la reproduction trop fidèles des schémas du passé.

Mais aussi le piège de la cannibalisation : ce piège qui fait croire aux dirigeants que de nouveaux business models risquent de mettre en danger le modèle actuel avec les clients actuels. C’est finalement la peur qui empêche de voir les changements, cette peur qui n’a pas vu venir le danger des nouveaux entrants qui « Ubérisent » les modèles traditionnels.

C’est pourquoi il est indispensable de s’attaquer à cette boîte numéro 2 avant de remplir la boîte numéro 3. Pour cela, il faut abandonner les process traditionnels de « planification stratégique », fondés sur la continuation des croyances du passé.

Mais la réussite de la boîte numéro 3 passe aussi par la bonne gestion de la boîte numéro 1. Car c’est la boîte numéro 1 est celle qui fournit le cash, les clients, qui vont financer les expérimentations de la boîte numéro 3. Il est donc indispensable d’avoir une boîte numéro 1 en bonne santé pour créer le futur dans la boîte numéro 3. Et donc de ne pas négliger les plans de performance qui maintiennent la boîte numéro 1 en bonne forme.

Alors, en cette rentrée, peut-être pouvons-nous se faire un petit « check-up » de nos trois boîtes, pour aborder le futur et l’innovation sans se tromper.

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