Par Gilles Martin (chroniqueur exclusif) – Président fondateur de PMP et fondateur de Youmeo
Ce qui fait la réussite d’un business, d’un nouveau produit ou service, mais aussi d’un individu en recherche de job, ou d’un consultant en recherche de clients et de commandes, c’est toujours la différentiation. « Qu’as-tu de différent ? » : voilà la question qui tue. Et c’est quoi « être différent » ?
Rien de tel pour s’y plonger que de relire le best-seller de Seth Godin, « La vache pourpre ».
Le titre vient d’un voyage en France de l’auteur : en parcourant le territoire il est impressionné de voir autant de vaches, mais, au bout d’un moment, toutes les vaches finissent par se ressembler, elles sont toutes ordinaires, voire ennuyeuses. Elles sont parfaites, superbes, mais ennuyeuses. Ce qui susciterait l’intérêt serait une vache pourpre. Pourquoi ? Parce qu’elle serait alors remarquable.
Mais la question est alors : Comment être remarquable ? Quelle est ma vache pourpre ?
On l’imagine facilement, pour être remarquable, il ne faut pas copier les autres, et encore moins suivre le leader, car si le leader fait une chose remarquable, il n’a plus rien de remarquable quand d’autres se mettent à faire comme lui.
Il est également non recommandé de tenter de satisfaire tout le monde, en croyant ainsi s’adresser à un marché potentiel plus grand. Grave erreur, car le gros des ventes d’un produit de vient pas tout seul, mais après l’adoption du produit par des consommateurs prêts à essayer une nouveauté. Les premiers adeptes créent ainsi un environnement rassurant pour majorité précoce et tardive qui représente le gros du marché. Mais encore faut-il trouver ces premiers adeptes qui prendront le risque de votre produit ou de travailler avec vous alors que personne ou presque ne vous connaît, et que la majorité vous ignore. La seule chance est donc de trouver les clients qui aiment le changement, qui ont envie de nouveautés, qui recherchent justement ce que le nouveau venu a à vendre : du nouveau. A condition bien sûr d’avoir vraiment trouvé du nouveau. Alors, une fois que les premiers adeptes auront achetés le produit ou le service, ce sont eux qui iront le vendre, notamment par bouche à oreille ou recommandation, à la majorité précoce, puis à de plus en plus de clients.
Mais comment trouver cette nouveauté vache pourpre qui va plaire à ces premiers adeptes ?
Ce qu’il faut, pour Seth Godin, c’est trouver « l’idée virus » : Un nouveau produit, un nouveau service, c’est d’abord une idée. L’idée virus, c’est celle qui se propage. Et pour qu’elle se propage, il faut rencontrer les contaminateurs. Ce ne sont pas forcément les premiers adeptes de votre service ; ceux-là n’ont peut-être pas envie d’en parler. Alors que les contaminateurs, ce sont les bavards, ceux qui parlent des nouveautés à leurs collègues, à leurs amis, à tout le monde. Ce sont ces contaminateurs qui vont transformer vos idées en virus. Ce sont donc ces contaminateurs qu’il faut dénicher et les séduire. Il ne faut surtout pas chercher à plaire à tout le monde (les contaminateurs n’aiment pas ceux qui font comme tout le monde). Il faut chasser les contaminateurs. Il ne faut pas forcer les gens à vous écouter (c’est mission impossible), mais repérer les gens qui vous écoutent et ne plus les lâcher. Et si personne ne vous écoute, cherchez la vache pourpre ailleurs. Cherchez le groupe de clients le plus à même de propager vos idées, vos produits, vos services et trouver les moyens de vous faire connaître auprès d’eux : voilà le début pour être remarquable.
En effet quoi de plus simple pour être remarquable que de se faire remarquer ?
Mais alors, si c’est si simple, pourquoi est-ce si difficile de lancer une vache pourpre ?
La réponse est aussi très simple : ce qui empêche de lancer une vache pourpre, c’est la peur !
Car si l’on est remarquable, c’est sûr, certaines personnes, et peut-être même beaucoup, ne nous aimeront pas. C’est le prix à payer. Et le timide, lui, a trop peur de déplaire, et préfère passer inaperçu, tranquille. Car forcément les pires critiques vont aux personnes remarquables, elles prennent tous les coups. Et on a compris, surtout les « bons élèves », dès l’école, qu’il valait mieux respecter gentiment les règles que de se faire remarquer. Se faire remarquer, c’est mal. On a appris à se mettre en rang, à apprendre les leçons. Alors que pour lancer la vache pourpre, il ne va plus falloir apprendre et obéir, mais désapprendre et désobéir. C’est l’histoire de ce fabricant de chaussettes qui a désappris à les vendre par deux et pareilles ; il a inventé les chaussettes dépareillées par trois : Bingo « Little Miss Matched » !
Il y a un autre danger qui empêche de trouver la vache pourpre : Ce danger, c’est d’être le contraire de remarquable.
Et c’est quoi le contraire de « remarquable » ? Le contraire de remarquable, c’est : « Très bon ».
Oui, quand on se sent très bon, que les affaires ne marchent « pas si mal », que l’on s’est habitué à un certain confort, pourquoi se casser la tête à chercher la vache pourpre ? Pourtant, quand on est une compagnie aérienne qui amène ses passagers à destination à l’heure et en sécurité on n’en parle pas car elle n’est pas remarquable. On parlera plutôt d’elle si elle est mauvaise, et si elle est remarquable par ce « plus » qui rend accro : elle arrive en avance, elle sert des repas formidables à bord, etc.
Tout le monde peut faire ça. Vous avez les adresses mails des clients qui aiment ce que vous faites ? Si non, allez les chercher. Une fois que vous les avez, trouvez le truc génial que vous pouvez faire là maintenant pour eux…Et si vous manquez d’idées lisez le blog de Seth Godin régulièrement.
Et pour trouver les meilleures idées le conseil de de Seth Godin, ce n’est pas de voir grand (le grand nombre, la masse), mais au contraire de penser petit : Pensez au plus petit marché concevable et pensez à un produit, un service, qui pourra le séduire par son côté remarquable, puis foncez et parlez-en aux contaminateurs.
Dernier conseil : quand on a trouvé la vache pourpre, et qu’elle est devenue une idée rentable, il faut alors en créer des variantes, rendre le service encore plus productif, bref tirer le maximum de la vache pourpre. Mais rapidement, car elle ne va pas rester vache pourpre très longtemps, et se fondre dans les vaches ordinaires. Il faudra alors, et même avant, trouver une autre vache pourpre. Cela ne s’arrête jamais. Il faut réinvestir, créer une autre vache pourpre pour les mêmes clients, et échouer, échouer encore, car on doit accepter que ce qui était remarquable la dernière fois ne l’est pas cette fois-ci.
Alors pour démarrer, on fait quoi ?
Pas besoin de tout changer, ni de chercher l’idée du siècle, pour trouver la vache pourpre. Cela peut venir de notre façon de répondre au téléphone, de fixer le prix d’un produit, n’importe. Le tout est de prendre l’habitude de faire une chose « dangereuse » chaque fois que l’on en a l’occasion. C’est ce qui permet de s’exercer à voir ce qui marche et ce qui ne marche pas.
Alors, au lieu de chasser les Pokémons, on peut aussi chercher les vaches pourpres. La vache pourpre Pokémon a déjà été inventée…