Comment se planter au Canada (2) : Conservez le même plan d’affaire

Yann Rousselot-PailleyPar Yann Rousselot-Pailley (chroniqueur exclusif)Present Profit"

Si vous trouvez que j'enfonce des portes ouvertes en vous suggérant de ne surtout pas adapter votre plan d’affaire, votre stratégie commerciale, vos produits et vos services, à la réalité Nord-Américaine, sachez qu'au Canada, les français qui sont installés là depuis quelques années, ne comptent même plus le nombre d’entreprises européennes qui se sont installés en Amérique du Nord en se contentant de transposer leurs pratiques, leurs procédures, leurs politiques sans aucune modification. Résultat ? Échecs retentissants en série. C’est affligeant pour les observateurs que nous sommes ! Mais quand ça s’inscrit dans un plan d’échec, alors là, respect et chapeau bas.

Le plan d’affaire à la française, dithyrambique, verbeux, clairsemé de néologismes et d'anglicismes, pour faire djeuns, in et branchouille, n’a vraiment pas cours au Québec. On essaye d’être  pragmatique, clair, voire transparent, pour permettre aux clients, investisseurs, employés, banquiers, fonctionnaires, et autres interlocuteurs qui ne connaissent pas forcément le jargon de notre industrie de comprendre ce qu’on fait.

Mais dans votre cas, puisque tout ce qui compte c’est que VOUS vous compreniez bien, ne changez rien à votre stratégie et vous pourrez très rapidement retourner à vos pénates, jouer au PMU, dépenser vos tickets resto, et prendre vos pauses repas entre midi et 2 en racontant de manière ostentatoire votre expérience au Québec à vos collègues impressionnés.  

Pour que le projet “Filiale au Québec” soit rapidement un fantôme du passé, n’analysez surtout pas le marché avant de vous installer. Ne fréquentez pas les salons et les foires, ne faites pas de rencontres avec des acteurs de votre marché, épargnez-vous la dépense futile de plusieurs billets d’avion. Contentez-vous de vous trouver un seul premier client, transposez vos politiques de prix en vous contentant d’appliquer le taux de change EURO – $CAD, et ne vous renseignez surtout pas sur les pratiques et les coutumes en terme de facturation, de livraison, de remboursement. Ce qui serait particulièrement dangereux pour votre échec ce serait de vous entourer de spécialistes : avocats, comptables, fiscalistes, consultants. En plus, ces experts pourraient même être des membres de votre communauté culturelle, vous comprendre, jeter des ponts, vous donner des passerelles culturelles. Mais je reviendrais sur ces empêcheurs de tourner en rond (au sens propre) !

Les patrons de PME ayant des velléités d’échec à l'international, regardent très superficiellement les grandes entreprises et restent sur l’impression que ce sont les mêmes produits qu’elles vendent, qu’elles ne s’adaptent que très peu au marché local. Si vous y regardiez de trop près vous verriez que dans tous les domaines, fast-food, sodas, mobilier en kit, automobiles, il y a toujours — sauf de rares exceptions —  des différences sur les produits (emballage, options, caractéristiques) et les services (livraison, la politique de retour, service après vente, garanties). Ces différences peuvent tenir au marché lui même, à la chaîne d’approvisionnement ou de logistique.

Bien renseignées sur les différences culturelles (contre-sens, usage habituel d’un mot, proximité visuelle ou auditive avec des références locales, acceptations sociales, tabous), sur les politiques fiscales, sur le coût de la main d’oeuvre, les grandes entreprises commettent pourtant parfois quelques erreurs. Cependant, elles ont les moyens de s’acheter une deuxième chance le cas échéant.

Pas vous ? Dans ce cas inutile gaspiller de l’argent pour vous entourer d’experts ! Budget serré, mauvaise connaissance de votre marché, idées préconçues ; n’hésitez pas une seule seconde, jetez vous dans l’arène. Ça va saigner !

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