Par Bertrand Duperrin (chroniqueur exclusif) – Consultant en Management
C’est dans les périodes de vaches maigres qu’on répète souvent qu’à
défaut d’avoir du pétrole on a des idées. Soit. Mais qui est vraiment
ce "on" paré de toutes les qualités mais qu’on a tant de mal à trouver
lorsqu’on a besoin de lui ? Et puis avoir des idées c’est bien. Avoir
des idées utiles et applicables c’est mieux. Mais ça bien sur on ne
s’en rend compte que trop tard, après avoir identifié le "on",
justement.
Soyons réalistes, votre entreprise en tant que telle n’a aucune idée.
Par contre elle a celles des autres, ce qui est plutôt une bonne chose
car "les autres" cela fait tout de même du monde. Ou plutôt elle peut
avoir les idées des autres si elle s’en donne la peine. Ce qui
signifie d’y penser en amont afin de mobiliser les bonnes ressources
et disposer d’un réservoir exploitable plutôt que courir après l’"idée
magique" dans la précipitation et avec le couteau sous la gorge
lorsqu’il s’agit de faire face à un contexte difficile.
Identifier "les autres"
Au delà de l’identification c’est davantage d’une prise de conscience
qu’il s’agit. Bien sur vos collaborateurs en font partie et nombre
d’entreprises l’ont compris qui mettent en place des démarches
d’innovation "participative" ou "distribuée" plutôt que d’en faire la
chasse gardée d’un groupe restreint.
Mais il y a une foule de personnes qui ont à vous apprendre hors de
l’entreprise. Tout d’abord vos clients, qui utilisent vos produits,
vos services, et sont les mieux placés pour vous dire quelles
évolutions ils sont prêts à valoriser. Mais il y a également le
"marché" au sens large : tous ceux qui pourraient être vos clients et
ne le sont pas. Eux aussi peuvent vous dire ce qu’ils attendent pour
suivre.
Mobiliser "les autres" et formaliser les propositions
Nous avons identifié des gisements. Mais un gisement inexploité ne
produit pas de valeur. Il s’agit donc de mobiliser tout ce monde afin
qu’ils vous fassent don de leurs idées, suggestions, feedback… Alors
bien sur, on œuvrera différemment selon qu’il s’agisse des
collaborateurs ou des externes.
Pour les premiers, même s’il n’est jamais aidé de déclencher une
dynamique de participation en interne, et si chaque cas est
spécifique, il y a des étapes clé dont on ne peut faire l’économie.
Tout d’abord faire en sorte qu’il s’agisse d’un élément de la culture
d’entreprise en portant le message au plus haut niveau, valoriser la
participation et, cerise sur le gâteau, récompenser les idées qui
seront mises en applications et serviront donc l’organisation.
Pour les seconds il s’agit de surfer sur une vague qui, aujourd’hui,
veut que ceux qui s’intéressent à vous saisissent toutes les occasions
possibles de donner leur avis sur vous. A grande échelle cela peut
donner quelque chose comme mystarbucksidea.com, un exemple qui se
passe de commentaires et d’explications. Un exemple parmi d’autres
d’une tendance dont le développement est aujourd’hui une tendance
forte. Pour les clients un traitement spécifique s’impose, surtout si
votre activité est en B2B : un canal plus "privatif" peut être un
outil idéal pour recueillir du feedback en temps réel. A condition que
ce feedback soit effectivement pris en compte vous vous rendrez compte
que vos clients se feront un plaisir de vous aider à progresser et ce
pour deux raisons : ils sont écoutés donc valorisés, ont une oreille à
leur écoute, et ils sentent qu’ils peuvent influer sur l’évolution des
produits / services qu’ils consomment.
Ce qui nous amène au point suivant : un flux d’information submerge
vite et il faut pouvoir capitaliser tout cela pour l’analyser avec du
recul, revenir sur des "anciens" retours le jour où cela est
pertinent. Il devient donc nécessaire de mettre en place une
plateforme permettant ces échanges et leur capitalisation. Attention :
l’outil ne fait pas le moine et il n’est que la touche finale d’un
projet de plus grande ampleur. Mais à l’heure d’internet il faut
réagir "globalement" donc pouvoir s’adresser et intéragir avec
quiconque veut s’impliquer. Indispensable pour formaliser et
réutiliser…mais inutile sans vraie envie d’être à l’écoute et de
s’en servir. En la matière 99% du succès est dans l’approche et la
culture, 1% dans les outils.
Cadrer les idées
Mieux qu’une idée, nous recherchons des idées utiles. Donc répondant à
un besoin. Bien sur une proposition sortie de nulle part peut faire
mouche et ouvrir tout un champ d’opportunités. Mais s’il faut savoir
profiter du hasard, il est quand même utile de faire en sorte que
l’essentiel des contributions servent à répondre à des besoins
effectifs. D’où la nécessité, pour l’entreprise, de ne pas être
spectateur mais acteur de ces échanges afin de stimuler la réflexion
sur des sujets identifiés comme clé. Cela suppose un peu de
transparence, savoir exposer les domaines sur lesquels on est
principalement en attente de propositions. On a plus de chances
d’obtenir des choses pertinentes, exploitables, en diminuant ainsi le
rapport signal /bruit.
Rendre les idées exploitables
Toute utile qu’elle soit, une idée ne vaut que par sa mise en œuvre.
Il est donc essentiel de prévoir dès le départ le processus qui fera
que, dans la masse des propositions, certaines seront étudiées, et
quelques unes se transformeront en vrais projets. Rien ne sert en
effet d’avoir l’idée d’un nouveau produit, d’une amélioration même
minime mais qui sera largement valorisé, si les personnes qui ont le
pouvoir de décider d’agir ne savent pas qu’une telle information est
disponible et ne vont pas, à l’occasion, voir ce qui peut en sortir.
Entre ceux qui "phosphorent" et ceux qui réalisent il doit exister une
porte ouverte sinon tout ne sera que gaspillage de temps, de
ressources, donc d’argent.
Le fait même que ce processus existe et qu’il permette, au bout d’un
certain temps, de mettre en œuvre des propositions ainsi récoltées,
démontre qu’au delà des mots il y a des actes et renforce la
participation.
Bien sur on ne se lance pas dans de telles démarches le jour où on est
à la recherche de tout ce qui peut permettre de changer le cours des
choses. Dans ce cas il est souvent trop tard car il faut du temps pour
que ces mécanismes démarrent, que la pompe s’amorce. C’est justement
quand tout va bien qu’il faut se lancer, afin de ne pas être pris au
dépourvu le jour où le contexte fera de l’innovation une question de
survie.