Par Guilhem Bertholet (chroniqueur exclusif) – Incubateur HEC
La création d’entreprise est, on le répète à
qui-mieux-mieux, un sprint de la longueur d’un marathon. Ça, c’est pour l’image
un peu à l’emporte-pièce.
Lorsqu’on lance sa boite, on ne le sait pas, mais on
déclenche un compte à rebours. Celui-ci affiche 18 mois, en moyenne (aucun
caractère scientifique à ce que j’affirme, cela varie plus ou moins, mais c’est
à peu près ce que je constate dans les boites que j’accompagne à l’incubateur
HEC ou par ailleurs).
18 mois, c’est en effet le temps dont vous disposez (ou
devez disposer) avant qu’il ne se passe quelque chose de vraiment significatif
sur votre projet. Et c’est bien d’une date de péremption dont il s’agit, car
contrairement à la croyance populaire, la réalité, c’est que l’entrepreneur
n’est pas un surhomme, encore mois un super-héros.
Voici quelques exemples pour que vous preniez bien
conscience de ce dont je parle :
- Avoir
son premier client. Cela signifie qu’au cours de l’année et demie de votre
compte à rebours personnel, vous avez réussi à comprendre le besoin de
votre cible, à adapter une offre, à convaincre que cette offre est
intéressante, à passer par toutes les étapes du cycle de décision (a
fortiori pour du B2B, et encore plus si vous vous attaquez à des grands
comptes), et à finalement livrer votre produit ou votre prestation. En
fait, 18 mois c’est bien court pour faire tout cela, mais il y a de
grandes chances que si vous n’y parvenez pas, c’est soit qu’il n’y a pas
de marché, soit que vous n’êtes pas fait pour faire ce métier et que vous
êtes trop lent…
- Commencer
à vivre de son projet. Si vous êtes normalement constitué(e), il vous faut
un salaire pour vivre. Et en général, que ce soit grâce aux ASSEDIC ou
grâce à un pécule durement accumulé, vous n’avez pas beaucoup plus de
temps qu’une année et demie devant vous avant d’être sérieusement dans le
dur.
- Penser
à lever le pied. Le marathon au rythme du sprint, il n’y a rien de moins
naturel. Le corps et l’esprit ont leurs limites et en général c’est au
bout de 18 mois que l’on ressent les effets de la fatigue et de la
lassitude. Si vous êtes toujours obligé de cravacher comme un dératé au
bout de ces fameux 18 mois, c’est que vous allez vous mettre en danger. Et
quand on commence à rentrer dans la zone rouge, on réfléchit beaucoup
moins bien et on est à deux doigts de faire de belles bêtises…
- Retrouver
une vie sociale. L’entrepreneur a tendance à être très fort pour remplir
son carnet d’adresses. Professionnelles, les adresses. En effet, côté vie
privée, amicale, sociale… c’est très vite le désert. Les amis sont sympa,
ils comprennent qu’on puisse se consacrer au lancement de sa boite pendant
un moment. Mais il ne faut pas trop tirer sur la corde quand même, sinon
au moment où l’on risque d’avoir besoin du support de ses amis et
connaissances, il y a fort à parier que l’on se retrouve tout seul…
- Éventuellement,
lever des fonds. Là encore, la date de péremption s’applique à plein. Il
ne faut en effet pas trop tarder pour trouver ses investisseurs, au risque
d’être catalogué comme un « vieux » projet, qui rame à
convaincre… Ce qui est bien entendu une super façon de faire fuir les
prétendants au tour de table.
Quand vous commencez votre projet, il est important d’avoir
en tête que certaines étapes doivent être franchies, parfois au forceps, pour
assurer la continuation de l’entreprise et de votre motivation. L’important est
d’en être conscient et de tout faire pour accélérer certaines tâches, et
conserver ainsi le positif et rester sur le haut de la vague !