Par Didier Thebaut (chroniqueur exclusif) – Fondateur de joujou de Paris
A quoi sert la « commédiologie » au quotidien ?
Au même titre que l’histoire, la « commédiologie » peut servir à
anticiper l’avenir. Bien plus fiable
que le marc de café, la « commédiologie » utilise le décodage et
ensuite procède par extrapolation.
Ancrée dans la
société, la commédiologie devient sa principale composante, car la société a
besoin d’imaginer les choses qui llui permettent d’exister et ainsi de faire
sens. Voilà pourquoi elle crée les représentations du monde dont elle a besoin.
Et c’est sur ces mêmes représentations que se base notre savoir. Le danger du virtuel est indiscutable, avec lui viendra le
règne de l’obscurantisme.
Certes nous ne
brûlerons pas des vierges et des enfants, nous n’assassinerons pas les adeptes
de Darwin, nous ne nous battrons plus pour savoir si la terre est bien plate.
Mais nous vivrons dans le déni du réel, ce qui est très dangereux.
Il me vient cette
phrase pour illustrer le caractère inéluctable de cette prédiction :
« le réel c’est le pire du virtuel, alors que le virtuel c’est le pire du
réel ». En effet, rien n’est plus problématique et frustrant que de se
débattre avec des problèmes de connexion, de FAI et de bandes passantes pour accéder
au virtuel. Et dans le même ordre d’esprit, si le réel ne propose que du
virtuel à des enjeux réel, on peut aisément imaginer les dégâts qui en
découlent.
Aujourd’hui, il est facile de
constater que le virtuel apporte un relais de bien être. Nous sommes dans un
monde largement plus intéressant que celui du réel pour les nouvelles
générations. Ayant la chance d’avoir dans mon entourage deux nièces,
une console de jeu et un chien, j’ai pu observé à loisir que le chien virtuel
était largement plus fascinant que son alter égo dans le réel. En effet, le
chien virtuel peut faire beaucoup plus de choses que celui du réel. Donc,
l’intérêt est beaucoup plus grand pour les enfants.
Ce qui me fait penser que nous sommes dans une période
charnière où après que la génération de 68 ait condamné la société de
consommation, que la notre est essayé d’en tirer le meilleur, celle-ci va
carrément construire une autre société. Qui sera de plus en plus
opportuniste et autocentré. Nous assistons à l’éclosion d’une société de
schizophrènes égoïstes. Ce qui est normal au regard de l’énergie que prend
l’entretien et la constitution de son double.
Cette mutation de
société se fait en plusieurs temps, avec d’abord l’incursion du réel dans le
virtuel, puis celle du virtuel dans le réel avec au final la prédominance du
réel dans le virtuel. Les métiers du virtuel sont déjà là. Par exemple, la
millionnaire chinoise de l’immobilier virtuel dans second life. Ou encore, ces
nouveaux ouvriers chinois dont le travail consiste à augmenter les performances
des personnages vidéos pour les vendre ensuite aux joueurs des pays développés.
C’est cette notion de réel qui constitue pour moi l’enjeu
fondamental dans nos sociétés. Et hélas, aucun homme politique ne semble s’y
intéresser. Alors que ce danger est aussi grand que celui de l’écologie dont le
combat est plus lié qu’il n’y parait.
Considéré comme
épiphénomène, l’importance croissante du virtuel est le stade ultime de nos
sociétés libérales. Il y a ceux qui ont accès au virtuel et les autres. Ce
n’est pas sans rappeler l’époque de ceux qui se battaient pour l’accès à la
propriété.
Posons simplement
l’hypothèse qu’un jour le virtuel dépassera le réel au niveau des transactions
économiques. Ce qui est déjà soit dit en passant un peu le cas pour ceux qui
possèdent des actions. Tant que vous n’avez pas vendu vos actions, tout ça
n’est que du virtuel. Ce jour là, nous serons plus très loin de Matrix.
Impossible me direz vous…Et pourquoi pas ?
Aujourd’hui, nous sommes une société qui saccage le réel,
notamment en Afrique, Guyane, Laponie, Océans…Et ce, tout simplement
parce que la vie ne représente pas une ressource suffisamment importante pour
moduler le développement économique. Economie dont le but semble de plus en de
s’auto-entretenir que de répondre à des besoins. Pour autant, faut-il condamner
le virtuel ? Tout comme la publicité qui à l’époque était le reflet de
notre société. Le virtuel est le reflet de notre réel.
Je pense que dans l’avenir très proche, le combat de la sphère
politique sera d’affirmer la supériorité du réel sur le virtuel et si possible
de le démontrer. Pour ça il faut faire du virtuel un lieu
d’expérimentation et non un lieu de vie. Car, pour reprendre Woody Allen, le
réel est le seul endroit où l’on peut savourer un bon steak. Le danger est-il
si imminent. J’entends certains d’entre vous me dire que le réel est un fait et
donc il aura toujours là comme la terre, la lune et le soleil. Certes, mais
quel réel et que représentera-t’il ? Les gens prendront toujours l’avion,
leur voiture, iront toujours tirer de l’eau au puit… Moi je pense le contraire,
les gens se déplaceront de moins en moins car tout ce qui se passe dans le réel
sera perçu comme dangereux et donc à éviter.
La tendance du repli sur soi va s’accélérer avec la hausse
de la peur du réel. Tout glisse vers le virtuel, même le sport. Et à
terme il y a fort à parier que l’objectif de nos futurs sociétés soient la
diminution de tout rapport avec le réel qui constitue un risque majeur. Déjà à
l’époque de la commedia dell’arte, l’être humain adorait les représentations du
réel. Peut-être qu’au final l’être humain
a pour principale quête la recherche de ce qu’il est sur de ne pas
trouver : lui comme dieu sur terre.
Et pour finir, une nouvelle
fois, je ferai appel à Jean Baudrillard
avec cette phrase : « Il n’ y a d’autre destin à l’image que
l’image… ».