Par Jérôme Delacroix (chroniqueur exclusif) – Coopératique – Nearbee
La sociabilité en ligne ne date pas d’aujourd’hui puisque
l’une des plus anciennes communautés virtuelles, The Well,
est apparue…en 1985 ! Pourtant, sous l’effet des réseaux sociaux, elle
fascine de plus en plus. A tel point que les financiers se mettent à nouveau à
fantasmer, jusqu’à valoriser Facebook à 15 milliards de dollars !.
Dix ans plus tôt, au démarrage de l’Internet grand public, c’étaient les
portails thématiques qui faisaient rêver. Un ouvrage comme Net gain expliquait, entre autres, comment le contenu était la
brique de base qui faisait venir des membres dans la communauté.
Un rêve chasse l’autre…Mais qu’est-ce qui prime vraiment,
dans la nouvelle net-économie : le contenu ou le lien social ? Et
quels choix, dans ce contexte, doivent faire les entreprises ?
Force est de constater que ce n’est pas, aujourd’hui, le
contenu qui pousse des millions d’internautes à s’inscrire sur la star des
réseaux sociaux, Facebook. Ce site est l’emblème d’une communauté dans laquelle
le lien social est si fort qu’il suffit à lui seul pour attirer les foules.
Néanmoins, c’est peut-être l’arbre qui cache la forêt. Sur la plupart des
autres réseaux, contenu et lien social sont étroitement liés. Quelques
exemples :
– LinkedIn
associe le contenu professionnel représenté par les CV des membres et la
dynamique virale.
– MySpace
a connu une forte notoriété grâce aux pages d’artistes et de musiciens
– Ning
se développe aujourd’hui en permettant à des communautés thématiques de
s’organiser et de se rassembler.
L’hypothèse de « Net gain » qui semble aujourd’hui
invalidée, ce n’est donc pas
l’importance du contenu mais plutôt le fait qu’un contenu préexistant doive
être apporté par l’animateur de la communauté. En effet, dans les trois
exemples ci-dessus, le contenu est intégralement apporté, dès l’origine, par
les membres eux-mêmes.
Le lien social semble donc bien être un « attracteur
étrange », capable de constituer rapidement une forte communauté. Mais le
nombre n’est pas tout. Une communauté digne de ce nom rassemble des gens
actifs, qui échangent entre eux. Et là, le lien social ne suffit plus. Les récents déboires d’audience
de Facebook (qui restent quand même à confirmer avant de pouvoir tirer
des conclusions définitives) sont peut-être un indicateur que les gens se lassent
d’un réseau social qui ne s’appuie pas, ou trop peu, sur du contenu. D’autant que les autres réseaux, au premier rang desquels
LinkedIn, continuent, eux, à progresser.
Quelles leçons les entreprises peuvent-elles en tirer dans
l’utilisation de réseaux sociaux, tant en interne que vers l’externe ? Il y en
a au moins quatre.
1. Tout d’abord, il ne fait à mon avis aucun doute que les
réseaux sociaux vont percer dans l’univers professionnel. D’autres
technologies, comme la téléphonie intelligente en VoIP, ou les outils 2.0 que
sont les blogs ou les wikis, ont d’abord conquis le grand public. Plus tard,
les salariés se sont étonnés de ne pas retrouver ces outils puissants utilisés
à la maison dans leur quotidien professionnel. Ils ont été les premiers à les réclamer,
à en parler à leurs managers, et aujourd’hui les usages professionnels
s’imposent peu à peu. Je suis convaincu que les réseaux sociaux suivront le
même chemin. Ils commencent déjà à pointer le bout de leur nez dans les
entreprises (voir ma chronique de mai).
2. Si les réseaux
sociaux sont un extraordinaire atout pour fidéliser ses collaborateurs,
améliorer le climat social et véhiculer une image de modernité, ils doivent
s’appuyer sur un contenu. Pour être réellement efficaces, ils ont intérêt à se
fonder sur le patrimoine intellectuel de l’entreprise. Des forums thématiques
sur la culture d’entreprise, les opportunités de carrière offertes, les bonnes
pratiques, peuvent être alimentés par les membres de la communauté. Dans ce
cadre, il est intéressant d’associer à la fois les « experts » de tel
ou tel sujet (par exemples les équipes RH) et la participation de tout un
chacun. Cela contribue à redéfinir le rôle de l’expertise dans un nouveau
contexte plus ouvert, et permet également de repérer des talents ou des
compétences insoupçonnés.
3. De tels réseaux
sont de nature à dépasser le simple effet de mode. Leurs membres verront en
effet le bénéfice qu’ils peuvent en tirer dans leur travail ou pour évoluer
professionnellement.
4. Utilisés de cette manière, les réseaux sociaux en
entreprise sont de nature non seulement à fidéliser les collaborateurs en
renforçant le lien social, la sympathie et la convivialité, mais aussi à
faciliter le recrutement par cooptation. Tout simplement parce que les salariés
pourront en parler à leur entourage et que ce dynamisme social sera un atout de
séduction supplémentaire au service de l’image de marque de l’entreprise.
Cette combinaison du contenu et du lien social peut aussi
être utilisée par la société dans ses relations avec ses clients. Une société
de presse pourrait par exemple créer une réelle communauté de lecteurs, dans
lesquels ceux-ci ne posteraient pas seulement des commentaires sur les
articles, mais pourraient apprendre à se connaître et à s’apprécier, gérer une
véritable réputation en ligne et recruter de nouveaux membres. C’est déjà ce
qui existe sur des médias citoyens 100% participatifs comme AgoraVox. Quel sera le premier grand titre français à
lancer un réseau social digne de ce nom ?
Enfin, dans le domaine de la relation client, un réseau
social pourrait contribuer à créer un esprit « club ». Les
consommateurs viendraient sur le site du e-commerçant non seulement pour
laisser des commentaires ou des critiques sur les produits, mais aussi pour
échanger entre eux, pour le plaisir de se retrouver entre fans d’une marque.
A ma connaissance, aucune marque, même Amazon pourtant très
en pointe dans ce domaine, n’est allée jusque là. Serez-vous les
premiers ?