Création d’entreprise, création d’emploi : la part de l’illusion

 Photo Patrick Rey by JLChaumet 600pixPar Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-Délégué ITG, premier groupe de portage salarial.

Le Gouvernement mise sur les nouvelles formes d’activité, d’emploi et de création pour redonner espoir et tenter de redresser une courbe qui penche du mauvais côté. Micro-entreprise (ex-auto-entreprise) et portage salarial sont présentés comme des dispositifs pouvant améliorer l’horizon bien bouché que nous connaissons en France. Parmi les projets, il est question d’alléger les conditions d’accès à ces deux régimes ou statuts. Quelle incidence sur l’emploi et la création ? Un tremplin amélioré, un vrai mouvement de libération des énergie ou une nouvelle illusion ?

François Hollande présentait le mois dernier les modalités de son "plan d'urgence" contre le chômage, parmi lesquelles favoriser la création d’entreprise, avec un nouveau régime pour les auto-entrepreneurs ainsi qu’un assouplissement de celui du portage salarial. Emmanuel Macron est évidemment l’inspirateur de ces déclarations. Il faut dire que les mesures passées ont fait flop : les emplois dits d’avenir se sont soldés par moins de 300.000 emplois provisoires, à 80% dans le public ; quant aux contrats de génération, 50.000 seulement ont été signés. Plutôt que des mesures coûteuses pour les finances publiques et peu ou pas efficaces, le ministre préfère assouplir les règles de l’économie.

C’est le pari de faire confiance au processus de destruction créatrice que décrivait Joseph Schumpeter, il y a plus de 70 ans, comme une “mutation industrielle qui révolutionne incessamment de l'intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs”. Sauf que les mutations ne sont plus nécessairement industrielles : les services sont maintenant fortement chamboulés. Si jadis les emplois agricoles se sont considérablement réduits au profit des emplois industriels, lesquels naguère ont fortement diminué à leur tour pour se transférer vers des emplois tertiaires, qu’en sera-t-il bientôt des emplois tertiaires ? C’est là que l’innovation peut apporter le meilleur comme le pire.

Combien de startups décollent ? Combien perdurent et se développent ? Les startups investissent sur un développement productif de type industriel et/ou informatique. Elles ont besoin de ressources financières ou humaines, souvent les deux, car ce sont de vraies entreprises, au contraire des indépendants qui au mieux s’auto-emploient. De leur côté, le plus souvent, “les auto-entrepreneurs n’ont de « patron » que le nom”, comme l’écrit Jean-Luc Mélenchon sur son blog*, à propos de la petite phrase d’Emmanuel Macron ("La vie d'un entrepreneur est plus dure que celle d'un salarié"). Mélenchon ajoute que “ce sont des travailleurs à la pièce, mal payés et sans couverture sociale. Ils sont un million ! Oui, leur vie est plus dure que celle des salariés parce que ce sont des auto-exploités. Leur condition sociale est celle des ouvriers à la tâche du 19ème siècle.”

Le Gouvernement veut maintenant attirer à nouveau les auto-entrepreneurs, ce qui va attiser à nouveau la colère des artisans, pour qui c'est favoriser une concurrence déloyale. Le même phénomène se produit pour les sociétés de service, cabinets conseil, organismes de formation, voyant un nivellement par le bas des tarifs de prestations intellectuelles, et donc tentés de sous-traiter à des faux indépendants précarisés. Une partie de ces sous-traitants maltraités opte pour la micro-entreprise, une autre pour le portage salarial. Longtemps boudé en France, ce dernier a aujourd’hui le vent en poupe, même du côté des entreprises ayant besoin de prestataires pour des missions ponctuelles. Cela suffira-t-il à booster l’emploi ?

(*) Mélenchon confond patron et entrepreneur : les mots sont le plus souvent très différents, puisque la grande majorité des entrepreneurs sont seuls, en entreprise individuelle, quel que soit le statut, alors qu’un patron est un chef d’entreprise avec des salariés, et un grand patron un manager avec plein de salariés qui peut passer d’une entreprise à une autre, puisqu’il n’en est ni le créateur ni l’actionnaire, tout en restant salarié.

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