Par Laurent Samuel (chroniqueur exclusif) – Consultant secteur associatif
Alors que l’on commence à enregistrer les premiers effets de la crise bancaire et financière sur l’économie soi distant réelle, il n’est pas inutile de se demander quelles pourraient être ses conséquences à terme sur le secteur associatif en France.
En simple observateur du terrain, je vais essayer de lire un peu “dans ma boule de cristal” et d’envisager, certainement de manière un peu naïve et idéaliste, ce nouveau contexte pour les associations 1901.
Ménages et secteur public, principales sources de revenus des organismes à but non lucratif
Depuis plus de 10 ans, la croissance du budget global des associations est supérieure est celle du PIB. Pourtant on peut difficilement croire que les deux soient totalement déconnectés. La récession abordée par l’économie pèsera nécessairement sur les budgets associatifs et on peut craindre que l’actuel mouvement de contraction des budgets s’en trouve amplifié.
Dans les secteurs traditionnellement tributaires des recettes publiques (santé, action sociale, culture), la tendance au désengagement de l’Etat va s’en trouver renforcée par la disette budgétaire qui se profile pour les prochaines années. Face à la réduction drastique et inéluctable des interventions étatiques, les associations ne pourront pas se retourner vers la collectivités locales dont les capacités contributives seront désormais plus fortement contraintes par la restriction du crédit et l’extension déjà programmée de leurs compétences obligatoires.
Les associations tributaires des ménages et des particuliers seront également confrontées à la récession économique et à la contraction de la consommation. Les services à la personne (sport et activités de loisirs, service à domicile, soutien scolaire) et autres dépenses réputées accessoires pourraient pâtir en premier lieu de cette conjoncture morose. Les associations du secteur caritatif et humanitaire peuvent également se faire quelques soucis. Dans un contexte de contraction du pouvoir d’achat, l’appel à la générosité du public ne peut manquer de devenir plus sélectif.
L’accélération prévisible de la restructuration des secteurs associatifs
Dans les secteurs associatifs très dépendants des subventions publiques (emploi, insertion, culture,…), on peut supposer que la tendance à la restructuration va s’amplifier. Les structures seront dans l’obligation de se regrouper pour mutualiser leurs moyens et valoriser au mieux des aides publiques de plus en plus rares.
Les associations auront tendance à fusionner mais on verra également s’accentuer l’augmentation du nombre de fermetures
Les associations en charge de missions de service public auront à affronter le renforcement des exigences de l’administration dans le cadre du partenariat avec les pouvoirs publics.la tendance à une contractualisation toujours plus rigoureuse ne manquera d’avoir un effet d’éviction sur les structures les moins rompues à la rédaction des dossiers.
Les associations faisant appel à la générosité ou bénéficiant de régimes fiscaux avantageux feront également l’objet d’exigences renforcées. La confiance du public se gagnera au prix d’une sélectivité accrue, qui incitera les dirigeants à faire évoluer les pratiques en matière de gouvernance et de transparence.
Sur le plan des financements, on peut supposer que le “credit crunch” qui va sévir dans les prochaines années touchera les associations, autant que tous les autres emprunteurs. Il pénalisera les associations gestionnaires d’équipements collectifs ou d’infrastructures (services publics municipaux, médico-social, sports, spectacle) pour le financement de leurs investissements. Toutefois, la clientèle des associations structurellement épargnantes sera recherchée par les banques pour améliorer leurs ressources
La crise de l’économie financière et l’échec du modèle « top-down », un catalyseur pour le modèle associatif et l’ESS
Si la crise et ses conséquences funestes ne peuvent pas manquer d’atteindre le tiers secteur dans sa dimension économique, on peut à l’inverse se demander si l’ampleur de la crise ne peut pas provoquer une remise en cause du modèle économique dominant.
Aujourd’hui, l’économie mondiale parce que la mondialisation et la financiarisation de l’économie ont rendu possible la confiscation du pouvoir par des élites soit disant éclairées.. C’est l’échec du modèle « Top Down » (toutes les explication à propos du top-down et du bottom-up sur le blog le peuple des connecteurs). Depuis son invention par l’Etat bismarckien, ce modèle- par lequel une minorité agit et décide pour le compte de la masse des citoyens- est en fait devenu celui du capitalisme triomphant et des firmes multi-nationales.
Dominant d’est en ouest depuis 1991, le libéralisme le plus sauvage impose partout la logique du profit et l’arrogance des firmes multinationales n’a plus de limites. L’irresponsabilité de la filière agro-alimentaire nous a donné une catastrophe sanitaire sans précédent : la crise de la vache folle. On peut également citer les mensonges à propos du tabac et de l’amiante, du sang contaminé.
Aujourd’hui, c’est la finance internationale qui coûte à la planète une somme astronomique, suffisante pour éradiquer plusieurs fois la malnutrition à l’échelle mondiale.
Demain, c’est à propos des questions écologiques ou biotechnologiques qu’on nous présentera une nouvelle facture démesurée. Bientôt l’industrie nucléaire et ses déchets, les semenciers et les OGM, les laboratoires pharmaceutiques et les vaccins…. Et là encore on constatera que quelques uns, couverts par de prétendus experts, ont agi dans l’ombre, dans le seul but de préserver les intérêts égoïstes d’une infime minorité.
La loi de 1901 et le modèle « bottom-up »
Face à ces défis sans précédent, on voit bien la réponse politique n’est plus suffisante ; elle ne peut que constater les dégâts a posteriori et organiser la mutualisation forcée des conséquences catastrophiques. Mais on peut rêver et croire que les circonstances actuelles seront l’occasion d’une prise de conscience. Les récents développements peuvent servir de prélude à une réappropriation collective des objectifs et des moyens de la politique économique
Reposant sur les valeurs humanistes de notre civilisation, l’esprit associatif propose un modèle alternatif, le « bottom-up ». En permettant aux personnes de se regrouper pour conduire des actions collectives, la loi de 1901 donne à l’initiative militante et la réaction citoyenne un puissant outil de contrepouvoir.
Dans de nombreux secteurs déjà (environnement, droits de l’homme, action sociale, aides à l’insertion), les organismes à but non lucratif-en France, les associations 1901- conjuguent sur le terrain initiative collective et contrôle citoyen.
Face à la mondialisation et à l’irresponsabilité généralisée des experts et des politiques, les associations peuvent constituer un réel contre-pouvoir pour assurer la transparence et prévenir de nouveaux dérapages, voire (on peut rêver) accompagner une réforme en profondeur de notre modèle de développement.
Les associations de défense, celles qui se chargent de surveiller et de protéger les intérêts des personnes dans le domaine des droits fondamentaux, de la santé, de l’éducation, des libertés individuelles, sont rompues à l’action collective et à la surveillance citoyenne. Qu’elles défendent les intérêts des consommateurs ou protégent l’environnement contre les nuisances industrielles, des milliers d’associations citoyennes surveillent sur le terrain des activités des pouvoirs publics et des entreprises. Elles doivent s’emparer de toutes les questions fondamentales de notre société et pas seulement des causes urgentes ou humanitaires, pour informer les citoyens, de manière transparente et objective. Les associations de défense doivent renforcer leurs moyens de contrôle pour assurer la transparence des principaux choix politiques et industriels, en jouant le rôle de lanceurs d’alerte.
Le secteur associatif accueille également de nombreuses expérimentations en rapport avec la production et la circulation des richesses. Des associations sont impliquées dans le secteur marchand (Economie Sociale et Solidaire) et elles expérimentent avec succès depuis plusieurs dizaines d’années des modèles économiques alternatifs. Ces structures inventent de nouveaux modes de production et de distribution des biens ou des services, reposant sur le respect des personnes, la préservation de l’environnement ou l’instauration de relations économiques éthiques. Dans le domaine agricole, par exemple, les AMAP proposent aux particuliers des produits frais en provenance directe des producteurs locaux. La filière du commerce équitable est également fortement représentée par de nombreuses ONG associatives –souvent des micro-structures- qui écoulent des produits artisanaux en provenance du sud.
A travers des structures juridiques adaptées et la recherche d’une gouvernance de qualité, les organismes à but non lucratif sont nombreux à proposer des façons de produire et de consommer plus respectueuses des besoins fondamentaux des êtres humains.
Le moment est peut-être venu de commencer à s’en inspirer …