Par Philippe Cazaban (chroniqueur exclusif) – Trouveur de solutions pragmatiques
Nous tous, entrepreneurs ou porteurs de projet, savons bien qu’avec la multiplicité des tâches qui nous incombent (toutes plus urgentes les unes que les autres), nous sommes en permanence “la tête dans le guidon”. D’ailleurs la tension générée par cette situation est comme une drogue dont nous avons bien du mal à nous passer ! Nous savons aussi que l’urgence permanente qui nous fait sauter d’un sujet à l’autre n’est pas propice à la réflexion, à la mise en place de méthode, à la mise en perspective de ces actions quotidiennes. Et c’est l’efficacité, la nôtre et celle de l’entreprise, qui pâtit de ce manque de prévision. Cela peut avoir des conséquences parfois lourdes…
Je ne développerai pas le manque de vision d’avenir pour l’entreprise, l’absence de “stratégie” ou les questions de fond qui passent à la trappe. Je veux évoquer les conséquences de cette situation de crise permanente par rapport au système d’information de l’entreprise.
Ne pas prendre le temps d’une réflexion sur son système d’information peut avoir des conséquences fâcheuses dont certaines ont été explicitées dans mes précédentes chroniques (vous pouvez utilement vous y reportez !). Sous différentes formes, on constate que le résultat d’un manque d’examen à froid des décisions à prendre aboutit à une mauvaise adéquation du système d’information qui peut aller jusqu’à pénaliser la rentabilité de l’entreprise, à des dépenses inadaptées (soit trop soit trop peu), à des choix peu judicieux.
Mais il y a aussi un aspect de cette problématique qui me frappe souvent lorsque j’aborde une mission chez un nouveau client. Cet aspect est synthétisé par une phrase toujours identique que j’entends rapidement, dès les premières conversations :
“Chez nous, c’est pas pareil !”
Le problème de cette phrase qui exprime souvent un vrai
sentiment profond, c’est que si je me crois vraiment spécifique et différent
des autres, les solutions qui existent sur le marché pour répondre aux besoins
des autres ne peuvent pas me convenir. Je vous accorde que je force un peu le
trait, mais je ne suis pas marseillais (ils voudront bien me pardonner !)
et je n’exagère donc pas beaucoup mon propos.
Et pourtant, il y a de grandes ressemblances dans des
entreprises ou des secteurs d’activité très différents. Voici trois exemples.
Telle PME fabrique des articles de salle de bain. Son
produit phare est une poubelle en métal qui existe en trois tailles (la grande,
la moyenne et la petite) et se décline en quatre ou cinq couleurs. Lorsque
cette entreprise me parle de son problème de planification et d’ordonnancement
de la production, elle est étonnée que je lui demande si elle s’est intéressée à
l’industrie textile ! Et pourtant, cette PME a une problématique de
production taille/couleur, sujet largement traité par l’industrie de la
confection.
Telle pépinière me demande de l’aider à réfléchir sur la
manière d’organiser le travail sur certains types de plante. Comment provoquer
l’arrachage en fonction des commandes ? Quelle quantité arrachée pour
rentabiliser au mieux l’utilisation d’une arracheuse automatique ? Comment
traiter les stocks ? Pour répondre au chef d’entreprise, je lui explique
les grandes lignes d’un processus de fabrication industrielle en petite et
moyenne série. Réaction : “C’est ça qu’il nous faut !”
Tel établissement de soins privés m’explique toutes ses
spécificités mais, dans certains documents qui me sont remis, présente à juste
titre, les actes de soins comme sa production.
Intéressant, n’est-ce pas ? Je ne nie pas qu’il y ait
des aspects spécifiques à certains métiers. Pour reprendre les deux derniers
exemples, il faut bien voir que dans une pépinière, la gestion du stock n’est
pas banale. Celui-ci se modifie tout seul et inexorablement (les plantes sont
catégorisées en fonction de leur taille). L’inventaire de début de saison est
rapidement faux puisqu’une plante passe inévitablement dans la catégorie
supérieure sans vous prévenir ! De même, pour l’établissement de soins,
son cadre d’exercice extrêmement réglementé (c’est paradoxal pour une activité
dite “libérale” !) avec un client unique (la sécurité sociale puisque
c’est elle qui paye directement l’établissement dans la majorité des cas) est
une situation particulière par rapport à la plupart des activités économiques
libres.
Il me semble que le chef d’entreprise voit très facilement
ce qui le différencie des autres secteurs d’activité (voire de ses concurrents
et néanmoins confrères), qu’il a même tendance à en rajouter dans ce sens, mais
il ne voit pas facilement que sa problématique peut être similaire à ce qui se
passe ailleurs. Ce n’est pas qu’il faille prendre des recettes chez les autres,
mais on peut largement s’en inspirer, transposer ce qui se fait de bien dans un
autre secteur d’activité.
Donc, mesdames et messieurs les entrepreneur(e)s, prenez le
temps de réfléchir, prenez du recul ou sollicitez une aide extérieure qui vous
y aidera !