Par Yves Gambart de Lignières (chroniqueur exclusif) – Conseil Financier et Conseil en Gestion de Patrimoine Indépendant
Dans cet environnement d’instabilité fiscale permanente, il me semble pertinent de s’intéresser aux préconisations d’ordre civil dont la pérennité semble mieux assurée.
A ce sujet, il existe un objectif récurrent de la part des clients qui consiste à protéger leur conjoint en cas de décès.
Hormis le droit au logement, la donation de biens présents, un aménagement du régime matrimonial, la rédaction d’un mandat de protection future, la souscription d’une assurance décès, l’abondement dans un contrat d’assurance-vie au profit de son conjoint… il existe une disposition connue mais trop peu mise en place alors qu’elle est très simple et peu coûteuse (environ 350€). Il s’agit de la donation entre époux de biens à venir, souvent appelée « donation au dernier vivant » (ou DDV chez les professionnels).
Pour accroître les droits du conjoint
La donation entre époux est une convention par laquelle les époux expriment leur volonté de laisser au dernier vivant d'entre eux, tout ou partie de leurs biens présents et futurs, dans les limites permises par la loi. Elle ne prend, donc, effet qu’au décès de l’un des époux.
Cette donation permet d'améliorer les droits du conjoint survivant, en franchise de droits de succession, ce dernier en étant exonéré.
Et l’erreur serait de mélanger le fiscal et le civil : ce n’est pas parce que le conjoint est exonéré de droits de succession que la donation au dernier vivant est inutile.
En effet, la donation entre époux (et testament entre époux) bénéficie du régime spécifique de la quotité disponible spéciale entre époux qui permet au conjoint survivant, en présence de descendants, de prétendre à un peu plus que la quotité disponible et, en l’absence de descendants, de pouvoir recueillir l’intégralité de la succession.
Par exemple, comme indiqué ci-dessous, en présence de deux enfants, le conjoint survivant pourra opter pour 1/3 en pleine propriété contre ¼ en pleine propriété en l’absence de donation au dernier vivant.
La donation entre époux permet de cumuler des droits en propriété et des droits en usufruit sachant que les époux peuvent déterminer les biens qui composeront la part du conjoint survivant pour éviter l'indivision avec les héritiers réservataires de certains biens.
Par ailleurs, la donation au dernier vivant permet de donner des biens à venir, ce qui n’est possible qu’entre époux, et elle peut être révoquée.
Pour bénéficier du cantonnement (au lieu du « tout ou rien »)
Elle offre, également, au conjoint survivant le mécanisme du cantonnement de son émolument qui lui permet de disposer de certains biens et pas de la totalité de ce à quoi il a droit. Par exemple, le conjoint survivant peut opter pour la totalité en usufruit mais cantonner ce choix à la résidence principale et à l’immobilier de rapport afin de laisser les comptes-titres et l’entreprise familiale aux enfants.
La loi précise que ce cantonnement ne constitue pas une libéralité en faveur des autres successibles.
Fiscalement, l’avantage qui se reporte alors aux autres successibles est taxé selon leur lien de parenté avec le défunt.
Pour protéger les enfants
Outre le cantonnement qui permet, si le conjoint survivant est bien conseillé, de limiter son option aux biens dont il a vraiment besoin pour maintenir son niveau de vie et son cadre de vie, il est possible d’insérer des clauses offrant une certaine protection aux autres héritiers.
Par exemple, la donation entre époux peut être assortie d’une clause de libéralité graduelle ou résiduelle. Dans le premier cas, le bien est transmis au conjoint survivant à charge de le conserver et le transmettre au second bénéficiaire. Dans le deuxième cas, le bien est transmis s’il n’a pas été vendu. Ces clauses sont intéressantes lorsque, par exemple, l’époux donateur a des enfants qui ne sont pas communs.
En conclusion, la donation entre époux est un bel outil pour protéger le conjoint survivant.
Les époux préféreront la donation à un testament entre époux olographe afin d’éviter d’éventuelles contestations des héritiers et un risque de perte ou détérioration.