Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Un ami qui venait de s’inscrire à un concours boursier, organisé par un site internet, m’a récemment demandé si je voulais bien l’aider. Par « concours boursier », il faut entendre une compétition entre investisseurs basée sur un capital fictif à faire fructifier en Bourse en conditions réelles. Celui ou celle qui obtient le meilleur rendement à l’issue d’une période déterminée l’emporte. En l’occurrence, dans le cas qui nous occupe, les participants au concours avaient à leur disposition une large gamme d’actions tant européennes que nord-américaines.
Souvent présenté comme une opportunité pour le néophyte d’en apprendre plus sur la Bourse et son fonctionnement, ce genre de concours rate systématiquement cette ambition. Car, quand on participe à un tel concours, c’est bien entendu avec l’idée de le gagner .Et comment le gagner ? En prenant un maximum de risque sur l’un ou l’autre titre ou secteur. Après tout, un portefeuille diversifié sur des titres de qualité acquis à un prix raisonnable ne peut conduire qu’à un rendement tout aussi … raisonnable et, en tous cas, sans doute insuffisant pour l’emporter. Et puis, la défaite ne porte guère à conséquence vu qu’il n’y a pas de réel enjeu financier. Les perdants, et, parmi eux, les investisseurs vertueux, retiendront juste que le gagnant a mieux « deviné »qu’eux et que c’était donc possible. En réalité, la chance aura seule présidé à désigner le vainqueur.
Bien entendu, des garde-fous peuvent être envisagés dans les règles du concours pour décourager toute prise de risque excessive: interdire le recours à l’endettement, limiter le trading, exiger un nombre minimum de titres en portefeuille, éviter les trop petites capitalisations, etc. Mais il est une caractéristique délétère inhérente à ce genre de concours : le court-termisme du fait d’une période de temps limitée, souvent à moins d’un an. Or, toute bonne stratégie de placement demande de l’abnégation et donc du temps (plusieurs années) pour porter pleinement ses fruits. Le temps d’un concours boursier, tout peut arriver et surtout l’imprévisible. Et même si l’investisseur voyait juste quant à l’évolution économique des prochains trimestres, encore faudrait-il qu’il en tire les conclusions correctes en matière de réactions des marchés. Or, celles-ci sont régulièrement étonnantes, voire irrationnelles. C’est d’ailleurs également la raison pour laquelle tout investisseur doit se méfier comme la peste des sélections d’actions « pour 2016 » qui fleurissent ces jours-ci. Ce n’est que de la communication et en aucun cas une recommandation sérieuse.
On le voit bien : un concours boursier flatte l’instinct du pur spéculateur et décourage les bonnes pratiques de l’investisseur. Notamment celle de tout mettre en œuvre pour éviter de perdre une partie substantielle de son capital. Celui qui est bien conscient des lacunes d’un tel concours peut toujours se laisser aller à jouer. Mais s’il gagne, qu’il ne s’avise pas de se croire plus intelligent que les autres et qu’il ne réplique pas avec ses propres économies les recettes qu’il aurait alors utilisées.