Par Patrick Rey (chroniqueur exclusif) – Consultant, Délégué Régional du Groupe ITG
L'envie d'entreprendre n'est pas toujours la plus forte chez les créateurs d'activité solo. Les hasards de la vie, des rencontres, des projets clients font que des opportunités se présentent. Et qui sont parfois bien différentes de ce qu'on avait imaginé. C'est ce que je note en ce moment avec un certain nombre de personnes avec qui je suis en contact.
Exemple récent : cette consultante à qui un donneur d'ordre avait dit, il y a quelques mois, qu'il préférait qu'elle facture ses missions. Se prenant au jeu, elle a découvert le portage salarial et a réalisé sa première mission. Puis, avant de mener à bien la seconde, elle a suivi les conseils de ses collègues (et les miens, un peu), en développant ses actions "réseau". Elle vient à la réunion de notre Club régional, où chacun se présente aux nouveaux membres et partage son actualité. Or la sienne — au dernier moment — venait de changer : son client allait se muer en employeur, car elle venait d'accepter un contrat de travail avec lui. ENVIES, OPPORTUNITES ?
Autre cas récent : ce consultant SAP à qui une société de service venait de proposer un contrat de mission, en sous-traitance pour une très grosse entreprise française, sur 8 mois à temps plein. Ne voulant surtout pas s'occuper de la gestion administrative, venant d'un pays où les choses sont plus légères qu'en France (mais qui au juste fait plus lourd que dans notre beau pays ?), il a fait appel à nos services pour "porter" sa mission (contrat commercial, contrat de travail, factures, déclarations, etc.). Lors de notre rencontre, son mobile a sonné plusieurs fois : d'autres clients lui demandaient s'il était libre pour une mission urgente, longue et bien payée ! Forcé de décliner, car il avait dit "oui" par ailleurs, je l'ai senti au fond très content. HASARDS, OPPORTUNITES ?
Que conclure de ces exemples ? Le Guide du Portage faisait état d'une enquête en ligne, finalisée il y a 2 ans maintenant, qui demandait "Quelle est votre principale motivation de recours au portage salarial ?". Les 3 premières motivations des 1544 répondants étaient :
• Être autonome en évitant les charges administratives (33,5%)
• Tester une nouvelle activité avant de s'installer à son compte (24,4%)
• Sortir du chômage et retrouver une activité professionnelle (23,6%)
Loin derrière, il y avait : le cumul d'emploi (complément de salaire ou activité partielle en retraite).
En regardant les 3 moteurs principaux, force est de constater qu'ils se situent dans des champs assez différents. Vouloir l'autonomie, sans la création d'entreprise ou l'activité libérale, n'a rien à voir avec sortir du chômage pour retravailler, "faire bouillir la marmite" et peut-être retrouver un emploi stable. De même, faire son étude de marché en grandeur réelle, développer sa clientèle puis s'installer à son compte, voilà une motivation encore différente.
Les choses sont-elles figées ? Non, je ne crois pas. Chez la plupart des personnes en mobilité professionnelle que je rencontre, j'observe que l'envie d'entreprendre n'est peut-être pas forcément la première, mais c'est elle qui fait la différence ensuite lorsque se présentent des opportunités professionnelles. Si cette envie est la plus forte, alors la personne saisira les opportunités qui la font avancer dans ce projet de création, pour que son activité solo réussisse, comme salarié autonome (en portage) ou comme indépendant (en s'inscrivant au RC). Les deux pouvant se compléter, comme c'est l'idée de départ d'un quart des "portés". En revanche, si l'envie d'entreprendre n'est pas la plus forte, ou si elle n'est pas "dans les gênes" de la personne, alors elle s'appuiera davantage sur les hasards et les opportunités.