Par Gilles Martin (chroniqueur exclusif) – Président du cabinet de conseil en stratégie et management PMP
Quand on parle de l’entreprise, d’un projet, on parle de l’équipe, des équipes.
Dans de nombreux métiers, la capacité à « travailler en équipe » est une qualité valorisée ; c’est notamment le cas dans le métier de consultant.
Et pour que ça marche bien, on parle de « l’esprit d’équipe ».
Il y a, dans ce terme d’équipe, en français, quelque chose de noble, de chevaleresque. Une équipe, c’est aussi une expression du sport, et les « sports d’équipe » véhiculent des valeurs, des comportements, qui inspirent souvent les métaphores pour parler de l’entreprise.
Alain Rey, dans le dernier numéro du « Magazine Littéraire », nous rappelle l’origine de ce mot « équipe ».
L’équipe est apparentée à « équipée », qui, en tant qu’action où l’on est pourvu en matériel, fut d’abord une expédition militaire. Le mot apparaît à la fin du XVème siècle.
Ce mot devient ensuite un mot phare de la marine, puis de sport.
Il va désigner un groupe de marins permettant à un navire de faire son office (équipage). Et l’on parlera de la noblesse du groupe « en grand équipage ».
Il va désigner aussi un groupe de joueurs dans un sport de tournois avec des chevaliers.
Cette noblesse ne se retrouve pas dans le mot anglo-saxon de team, qui vient, lui, d’un mot germanique désignant les bêtes de trait soumises au joug pour accomplir une tâche commune.
Cette différence d’origine est peut-être la signification de la différence que l’on peut parfois sentir entre les « teams » à l’anglo-saxonne, bien alignées comme les vaches sous le joug, à qui on peut faire faire du « team building » comme un dressage.
Et puis les « équipes » françaises, ces marins plus turbulents, ces chevaliers plus individualistes, qui ont besoin, pour être alignés, de grandes causes, d’une équipée, d’ambition, de grandeur.
Dès que l’on passe de la mer et de la marine à la terre, dans l’entreprise par exemple, de nouvelles images apparaissent.
On va rencontrer des versions dégradées, telle la « fine équipe », ou pire cette fameuse « équipe de bras cassés » que l’on a l’impression de rencontrer dans les couloirs de l’Administration et des organisations les moins performantes, ou sous les ordres de chefs qui n’arrivent pas à faire de leurs collaborateurs une équipe à niveau.
On a aussi les « équipes » où les équipiers et les équipières, qui sont aussi des êtres humains, vont avoir tendance, comme dans certains comités de Direction, à « jouer perso ». On en a tous connu.
Dans ce ca l’équipe devient un amalgame, un chaos agité de passions contraires.
Alain Rey retient de ce tour d’horizon que ce qui fait la qualité et le fondement de « l’équipe », celle des marins, c’est cet « objectif commun qui rend nécessaire une abnégation réciproque ».
Cet objectif commun, pour les marins, c’est celui du « combat contre la mer et les tempêtes ».
C’est vrai que ça a de la gueule non ? C’est quand même plus smart que de se comparer à un troupeau de vaches attachées par le joug.
Et pourtant, Alain Rey ne peut que se lamenter que « en prenant terre, les sports d’équipe et les équipes politiques en ont parfois perdu l’esprit ». Il pense forcément à l’équipe de France de football, et aux querelles internes des partis politiques et des organes de l’Etat, dont le gouvernement.
On pourrait continuer avec ces équipes à terre dans les entreprises qui, parfois, elles aussi, oublient cet « esprit » qui vient de la mer.
Alors, ce petit retour sur les mots et leur origine, n’est-il pas une petite voix pour nous encourager, nous, dans nos équipes, dans nos entreprises, dans nos aventures d’entrepreneurs, nos histoires d’équipes de consultants qu’on a du mal à « gérer », à repenser à ces « équipages » de marins, à retrouver cet « esprit marin », pour redonner du souffle et du vent dans les voiles de nos entreprises.
Laissons pour une fois les vaches dans leurs « teams » avec leur « team building »
Portons la fierté de nos « équipes ».