Par Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-formateur, Délégué Régional ITG (Institut du Temps Géré), premier groupe de conseil en portage salarial.
Les français sont fiers de leur système de protection sociale, les étrangers (même proches, comme les anglais) savent en profiter pour bénéficier des nos hôpitaux par exemple. Même les expatriés fiscaux savent utiliser les prestations financées par les impôts … payés par les français moyens ! Il ne faut surtout pas toucher au système mais il est de bon ton de chercher à bénéficier du maximum possible d'exonérations, de réductions de charges ou d'aides diverses. Telle était la promesse du régime “light” de l'auto-entrepreneur.
L'enquête réalisée en septembre par KPMG et Opinon Way (La génération Y face à l'entreprise) auprès de 500 étudiants et 500 jeunes actifs montre quelques enseignements intéressants : désillusion quant au marché du travail, stagnation des revenus, recherche d'épanouissement personnel plutôt que de rémunération satisfaisante, mélange et/ou équilibre vie pro/vie perso, et une attirance pour l'entreprenariat mais avec un fort besoin de sécurité. Or, les grands groupes, toujours très attractifs même pour les jeunes, n'offrent pas de possibilités pour tout le monde. Aussi, l'idée d'entreprendre devient pour certains l'envie d'entreprendre.
De l'autre côté du plateau des générations, il y a les “plus ou moins quinquas”, vaste palette d'âges où se retrouvent des profils assez différents. Souvent dotés d'une forte expérience, mais parfois mono-culture ou mono-entreprise, ils n'ont plus à faire leurs preuves. Parfois très déçus de l'entreprise, leur motivation risque d'être négative ou revancharde : comment convaincre d'autres responsables de mettre en place les solutions qui n'ont pas pu l'être dans le contexte antérieur de cadre salarié ? Dans d'autres cas, leur envie de créer vient de loin : ils veulent se réaliser, accomplir des missions nouvelles, ou simplement transmettre.
Ces deux générations ont gonflé les bataillons des nouveaux entrepreneurs, notamment depuis le lancement très médiatisé du régime d'auto-entrepreneur. C'est ainsi que la presse quotidienne (régionale surtout) relate tous les jours le lancement d'une idée de création. Beaucoup se ressemblent : chez les plus jeunes, il y a par exemple les prestations en lien avec l'informatique, chez les plus seniors, il y a par exemple les services à la personne.
Quelles sont les économies recherchées avec l'auto entrepreneur ? L'inscription est gratuite contrairement à l'entreprise individuelle classique, l'appel à un comptable n'est pas nécessaire, puisque la comptabilité est très simplifiée, les cotisations sociales sont censées coûter moins cher. Pour autant, certains ne sont pas gagnants, car le taux de cotisations est calculé sur le chiffre d'affaires et non sur le bénéfice. C'est là que se niche le raccourci simplificateur qui conforte ceux qui confondent chiffre d'affaires et bénéfices.
Par ailleurs, beaucoup ont investi dans du matériel (informatique ou de production), et d'autres dans un véhicule ou dans du conseil (juridique, marketing, paye, secrétariat, etc.). Naturellement, ces dépenses viennent en déduction de leur chiffre d'affaires, sans qu'il soit possible de l'affecter aux résultats, comme pour une entreprise classique, ni de récupérer la TVA sur ces achats d'équipements ou de services. D'où l'intérêt de se renseigner avant de choisir le statut ! Avec le portage salarial, l'entreprise du créateur est celle qui porte son activité. Par conséquent, les achats et les frais professionnels sont déductibles du chiffre d'affaires et vont permettre d'économiser des cotisations sociales et des impôts sur le revenu.
Autres aides ou exonérations visées par le régime d'auto-entrepreneur : l'Aide aux chômeurs et créateurs d'entreprises (ACCRE), l'exonération des cotisations sociales la première année, avec le versement d'allocations au départ. Là aussi, le revers de la médaille est que l'activité d'auto-entrepreneur ne donne pas lieu à des cotisations chômage et que la sortie se fera sans parachute, en cas d'échec.
Pour illustrer les choses, un consultant sous statut salarié (“porté”) me racontait récemment le cas d'un de ses collègues quinqua ayant créé il y a 4 ou 5 ans son activité en EI (Entreprise Individuelle). Ce dernier a connu une baisse d'activité depuis 2009, et s'est vu contraint de puiser dans son bas de laine, n'ayant plus de droits Assedic et ne pouvant en faire valoir de nouveaux. S'il avait lancé son activité avec une société de portage salarial, justifiant des critères requis, il aurait eu son parachute (voir le cas d'ITG, récemment commenté par le SNEPS). Le premier, au contraire, a sagement combiné son activité partielle, lui donnant des salaires, avec des compléments Assedic.
Comme quoi, ce qui est apparemment moins cher au départ peut se révéler très coûteux au final ! Sans parler de la faiblesse des cotisations retraite, entre autres choses. Comme partout, il faut payer l'addition… tôt ou tard… ou au fur et à mesure ! C'est bien là le mérite du statut de salarié que même les patrons de sociétés préfèrent avoir, contrairement à l'entrepreneur individuel qui doit se payer sa protection sociale s'il veut bénéficier des prestations si “chères” aux yeux de tous les français…