Par Gilles Martin (chroniqueur exclusif) – Président du cabinet de conseil en stratégie et management PMP
Lancer un nouveau projet (un produit, une nouvelle activité, de nouveaux services, ou même une nouvelle entreprise) quand on sait où l’on va, quand on est devant un avenir prévisible, on sait faire : on met en place une « équipe projet », avec un « chef de projet ». On fait quelques analyses, on fait les analyses de marché, on construit le Business Plan. Et c’est parti.
Mais en ce moment, ce n’est pas trop un avenir prévisible qui est devant nous, quel que soit le secteur d’activité où l’on intervient. Et, dans les entreprises, comme chez les consultants, il nous faut trouver de nouvelles méthodes.
C’est précisément le sujet d’un article dans HBR de ce mois ci, par trois auteurs d’un livre à paraître en mars (Leonard A.Schlesinger, Charles F. Kiefer, Paul B. Brown – « Just start : Take Action, Embrace Uncertainty, Create the Future).
Les auteurs sont allés chercher les bonnes pratiques chez ceux qu’ils appellent les « serial entrepreneurs ».
Ceux qui réussissent ne se lancent pas dans des analyses compliquées, et des plans ; non, ils commencent par agir, à lancer quelque chose, un petit pas. Ils ne commencent pas par un but ou un objectif, en recherchant la solution parfaite pour l’atteindre ( planifier les ressources à embaucher, les processus à mettre en place dans les moindres détails) ; ils testent tout de suite ; ils transforment leur intuition en action immédiate.
Car ce qu’ils cherchent à faire, ce n’est pas de prévoir le futur, mais de créer le futur. Et pour créer le futur, il faut agir.
Une fois cette première étape, qui peut être un petit pas, effectuée, que font les « serial entrepreneurs » ?
Ils apprennent.
Ils évaluent ce qu’ils ont créé. Ils cherchent les preuves. Ils dissèquent les faits.
C’est par une succession de séquences Agir + Apprendre, qu’ils renouvellent constamment, que les choses avancent, que le projet prend corps ; parfois il change en cours de route, grâce justement aux preuves identifiées. Et la troisième étape, après Agir et Apprendre, c’est Construire : le projet se met en place ; on ne revient plus en arrière ; les premiers succès encouragent la suite ; le momentum est là.
Les leçons de cette comparaison sont loin d’être évidentes : Agir avant d’analyser, apprendre au lieu de prévoir : on pourrait imaginer que cela conduit au gros bazar ; eh bien non justement, c’est au contraire ce qui permet de réussir dans l’incertain. Car analyser ou chercher à prévoir dans l’incertain est une tâche impossible ; alors autant foncer, en se dépêchant lentement, petit pas après petit pas, et en apprenant, apprenant, apprenant.
C’est pourquoi tous les porteurs de projets, et les apprentis entrepreneurs qui se lancent avec des plans, qui veulent tout prévoir, tout expliquer cinq ans à l’avance, pour convaincre, vont surtout convaincre de leur naïveté, et de leur manque d’écoute.
Dans un projet, quel qu’il soit, on croise différents types de gens : Ceux qui croient en votre projet, ceux qui veulent aider pour le faire réussir, ceux qui laisseront faire, ceux qui l’empêcheront. Dans une vision normale, on cherche à convaincre tout le monde ; dans le monde incertain, inutile de s’attarder sur les deux dernières catégories ; faites les premiers pas, éventuellement avec moins de moyens, mais plus d’audace, avec ceux qui sont à bord les premiers. La seule question c’est : de combien au minimum ais-je besoin de supporters ? Et, avec ce minimum, on y va.
Cette théorie toute simple, on dirait presque trop simple (mais c’est ce bon sens que l’on oublie parfois dans nos entreprises et projets), est un bon aide-mémoire : Agir – Apprendre – Construire.
Elle vaut pour les entrepreneurs, et tous les projets que l’on lance à l’intérieur des organisations, et aussi pour les démarches des consultants.
Dans l’incertain, agir vaut mieux que trop réfléchir.
Cela donne envie …de réfléchir ?….Non, d’agir !