Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Bien évidemment, personne n’a oublié la grande crise financière des années 2007-08. Et ce, pour la bonne raison que nous n’en avons pas encore évacué toutes les conséquences délétères. Mais qu’en est-il au juste de la dette dont les excès à l’époque, en particulier dans le secteur immobilier américain, avaient été le déclencheur de cette crise ?
Force est de constater que rien n’est réglé. Il y a aujourd’hui dans l’économie mondiale plus de dette qu’en 2007 : à l’échelle de la planète, la dette représente ainsi quelque 300% du PIB (contre 270% en 2007). Sans surprise, ce sont les Etats qui, pour éviter une grave crise économique, ont le plus participé à cette croissance. Mais les entreprises ont également contribué au phénomène.
Ainsi, aux Etats-Unis, la dette des compagnies non financières a plus que doublé de 2007 à 2015 pour atteindre 6600 milliards de dollars. Dans un contexte de taux d’intérêt très bas, les entreprises ont naturellement opté pour ce mode de financement bien accueilli par les investisseurs en quête du moindre rendement. Cet argent a-t-il été bien utilisé ? Certes, il a servi à financer des investissements mais aussi des opérations de fusion & acquisition (typiques des situations de fin de cycle économique et souvent peu performantes, ainsi que l’histoire l’a montré) et des rachats d’actions (parfois à des niveaux de cours trop élevés).
Il y a pire. Ces dernières années, les prêts à caractère spéculatif , pour des projets de qualité douteuse (notamment dans les secteurs de l’énergie et des mines), se sont multipliés. Si, à l’avenir, la croissance économique reste globalement faible et si des tensions reviennent graduellement sur les taux d’intérêt, ce que laissent à penser les dernières déclarations de la direction de la Banque Centrale américaine, cet amas de dette pourrait poser problème.
Soyons clairs. Je ne condamne pas la dette en tant que telle. Raisonnablement employée, elle peut servir le développement des entreprises et l’enrichissement des actionnaires. Mais gare aux excès ! Il n’y a, certes, pas (encore) lieu de tirer le signal d’alarme à l’échelle mondiale. Il reste tout de même difficile d’imaginer comment le système économique mondial parviendra à réduire son recours systématique à cette dette qui s’est avérée indispensable à la croissance économique depuis une trentaine d’années. Et si encore, cette dette servait essentiellement aux investissements productifs à moyen et long terme ! En fait, elle est surtout là pour la consommation et les dépenses de fonctionnement … Un constat se détache dans le contexte actuel : les entreprises qui se sont trop endettées, profitant des conditions financières favorables, pourraient le regretter. C’est pourquoi, aujourd’hui plus que jamais, contrôlez le niveau d’endettement des entreprises dont vous convoitez les actions. Dans le pire des cas, ce ne sera pas suffisant : des faillites en chaîne risqueraient de fragiliser à nouveau le système bancaire national et international, faisant craindre une nouvelle déflagration économique mondiale. Et cette fois, il ne resterait plus guère de munitions budgétaires ou monétaires pour en atténuer les effets …