Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
En cette rentrée de septembre, le sujet s’invite décidément partout, de la table du repas de famille le dimanche midi à la tribune des Nations-Unies dans la foulée du jeune Président français, en passant par les plateaux de débats télévisés des chaînes d’info continue. L’écologie (l’écologisme ?), et singulièrement la question du dérèglement climatique, est sur toutes les lèvres. La jeunesse, avec l’adolescente Greta Thunberg en figure de proue, est présentée comme le fer de lance d’une contestation planétaire visant à réclamer plus d’actions décisives des grands de ce monde, qu’ils relèvent de la sphère publique (les chefs d’Etat) ou privée (les dirigeants des grandes entreprises). Complication supplémentaire : les populations revendiquent de plus en plus que soient prises en compte simultanément les questions sociales et environnementales.
Toute polémique mise à part concernant la jeune Suédoise, force est de constater un écart énorme entre la gesticulation politique (répondant souvent à des considérations électoralistes) et les avancées concrètes et réellement significatives en matière de restrictions des émissions de gaz à effet de serre (à l’origine supposée de la modification climatique).
En fait, c’est “greenwashing” à tous les étages. Y compris dans les salons feutrés de la haute finance et des multinationales. Reconnaissons l’évidence là aussi : sauf rares exceptions, les milieux économiques ne se sont saisi jusqu’ici de la question environnementale que lorsqu’il y avait de l’argent à gagner (subsides publics à glâner, marketing vert pour attirer le bobo, etc.).
Or, toujours plus de croissance et de profits, même sous une couche de peinture verte, est-ce possible sans hypothéquer l’avenir de la planète et de l’homme sur celle-ci ? Je ne vais pas, ici, trancher définitivement cette question (Vraiment désolé !). Mais si un début de solution provenait d’un des endroits les plus improbables en la matière, à savoir … Wall Street ?
Cet été, une association de dirigeants de grands groupes américains (“The Business Roundtable”) a en effet pris publiquement position en faveur d’un capitalisme qui équilibre les intérêts de toutes les parties prenantes (directes et indirectes) des entreprises : clients, salariés, fournisseurs, communautés locales (et société au sens large, y compris donc dans sa composante environnementale) et actionnaires. Ce faisant, ils ont remis clairement en cause la création de richesse pour l’actionnaire comme objectif central, voire unique, des entreprises.
Seule la suite des événements nous dira si leur démarche est sincère. Objectivement, il est permis de douter …. Mais sur le fond, et sauf si on adopte une position favorable à la décroissance, il s’agit de se demander ce qui favorise le meilleur développement possible (et donc durable) de nos économies de marché.
Une autre évidence : ce sont les entreprises (privées) qui sont les pierres angulaires de nos sociétés. Dès lors, lorsqu’on gère une entreprise, est-il raisonnable de chercher à contenter tout le monde en même temps, en sachant que les intérêts des différentes parties prenantes peuvent être conflictuels ? A titre d’exemple, multiplier les avantages salariaux au sein d’une entreprise pourra amener la paix sociale, mais il ne faut pas que cela menace sa viabilité, ce qui ne contenterait ni les actionnaires ni bien entendu les salariés menacés à terme d’être licenciés. On voit poindre la quadrature du cercle : des débats interminables là où des décisions rapides doivent être prises, des retards dans les investissements à opérer et donc dans les emplois à pourvoir, etc.
La rentabilité d’une entreprise, et donc la création de richesse pour l’actionnaire, petit ou grand, doivent donc sans doute rester l’objectif principal. Mais, et c’est très important, avec tous les garde-fous qu’impose la loi. C’est bien aux gouvernements et parlements nationaux qu’il revient de renforcer l’arsenal législatif en matières sociale et environnementale. Rien n’empêche, bien entendu, les entreprises de prendre intelligemment les devants au cas par cas si elles décèlent des demandes solvables et rentables. Et de mettre en avant de concrètes avancées vertes allant au-delà du simple effet d’annonce. Au profit donc des clients, du personnel, de l’environnement et… de l’actionnaire.