Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Depuis quelques mois et, singulièrement, depuis le début de l’année nous assistons au retour du risque sur les marchés financiers. Il est vrai que les éléments perturbateurs ne manquent pas. L’économie mondiale reste très fragile, notamment avec des inquiétudes du côté de la Chine et des Etats-Unis que l’on espérait, il y a peu, en meilleure forme qu’aujourd’hui. La chute rapide des cours du pétrole, même si elle permet aux consommateurs de retrouver du pouvoir d’achat, entraîne des disruptions aux conséquences encore inconnues. Plus généralement, il s’agit d’observer les évolutions concernant le terrorisme et l’équilibre géostratégique de régions entières (Moyen-Orient, mer de Chine, etc.).
Dans ce contexte, le petit investisseur redécouvre donc la réalité du risque.
Mais qu’appelle-t-on « risque » exactement ? Il me semble qu’il faudrait séparer deux notions de risque selon que nous parlons de sicav actions (pour lesquelles on parlerait principalement de volatilité) ou d’actions individuelles (pour lesquelles le risque serait élargi à la perte en capital – sans grand espoir de rebond à un horizon raisonnable). La probabilité de perte en capital pour une sicav actions me semble largement réduite, si l’object de la sicav est suffisamment large, si la valorisation de départ n’est pas excessive et si l’horizon est suffisamment long tandis que, pour une action individuelle, cette perte durable en capital, outre une volatilité (absolue) quasiment inévitable, fait nettement davantage partie des possibilités, quel que soit l’horizon d’investissement. Plus on passe d’un investissement de quelques actions à un investissement constitué de plusieurs dizaines d’actions ou de sicav actions, plus on réduit le risque de perte en capital (dilué par la diversification) pour ne plus s’exposer qu’à la volatilité du marché.
Récemment, une amie, effrayée par les récents soubresauts boursiers et ayant besoin de son argent à l’horizon mi-2017, me demandait de la conseiller sur son portefeuille actions qu’elle possède depuis plusieurs années. Je le reproduis ici :
Air France – KLM 141 EUR
Crédit Agricole 5665 EUR
DL Software 374 EUR
Renault 31453 EUR
Orange 2182 EUR
Technicolor 26 EUR
Veolia Env. 597 EUR
Vivendi 1184 EUR
Airbus Group 5447 EUR
Soit un portefeuille de 47069 EUR, représentant, par rapport à un prix de revient de 56570 EUR, une moins-value de 9501 EUR.
Une curiosité : certaines lignes très réduites (Air France-KLM, DL Software et Technicolor) proviennent d’investissements marginaux à l’origine, dont l’utilité est contestable.
Je lui fis remarquer que, pour près de 2/3, son portefeuille n’était constitué que d’actions Renault (le groupe où elle travaille). Le moins que l’on puisse dire est qu’elle ne possède pas un portefeuille suffisamment diversifié (9 actions, toutes françaises et pour des montant déséquilibrés) et, vu qu’elle aura besoin de son argent au plus tard à la mi-2017, elle se retrouve dans une situation hautement spéculative, d’autant plus dans l’actuel environnement de grande volatilité. De plus, dans ce cas, malgré une détention de plusieurs années, elle se retrouve en perte par rapport à son investissement initial (une perte globale de 16,8%, hors dividendes). Il se peut, bien entendu, que ce portefeuille retrouve une meilleure valorisation d’ici à la mi-2017. Mais la probabilité d’une perte plus grave n’est certainement pas nulle. Quid, notamment, si une fraude de grande ampleur est finalement confirmée chez Renault ? Quel que soit le verdict de l’analyste financier concernant ces différentes positions, tenter des recommandations d’ici à la mi-2017 n’est guère sérieux. Ce que l’on peut dire (certes, en regardant dans le rétroviseur) est que ce portefeuille n’était pas des mieux constitués dès le départ et qu’il est sans doute resté trop statique tout au long de la période de détention. Cette amie se trouve aujourd’hui, au mieux, dans une partie de poker. Dès lors, si son capital est aujourd’hui suffisant pour envisager sa dépense de 2017, alors le meilleur conseil serait de vendre.
Ce qui précède est un cas extrême. Il n’empêche : quel que soit l’horizon de placement, investir sur une dizaine d’actions fait encourir un risque réel de perte en capital. Quel intérêt dès lors investir dans des actions individuelles ? Parce qu’il est plus fréquent de trouver des actions individuelles bon marché que des Bourses bon marché. Celui qui accepte les risques liés aux actions individuelles a donc plus de chance de réaliser une bonne affaire, s’il parvient à séparer le bon grain de l’ivraie, que celui qui investit dans une sicav indicée sur une Bourse. Un portefeuille d’actions bon marché est donc un bon compromis entre espoir de gain (plus important que celui de la Bourse) et réduction du risque. Mais un portefeuille de sicav d’actions (selon leur géographie ou selon leur secteur) reste une option intéressante : par la diversification (postes actions éventuellement complétés par d’autres actifs, comme les obligations), un tel portefeuille permet de réduire le risque sans altérer l’espoir de rendement. Il reste la base de toute stratégie de patrimoine financier.