Par Gilles Martin (chroniqueur exclusif) – Président du cabinet de conseil en stratégie et management PMP
En cette période de vœux, je reçois ça :
« Notre entreprise poursuit sa transformation et nous avons besoin de nouvelles idées pour soutenir notre offre de service. Nous en reparlerons en 2011 ».
Un autre client m’adresse une demande pour monter ce qu’il appelle « une séminaire Innovation » ; le but, c’est de devenir l’entreprise la plus innovante de son secteur.
Serait-ce le signe d’une tendance pour 2011 : la recherche de « nouvelles idées » devient le nouveau graal.
L’innovation, les nouvelles idées, on pourrait penser que ça vient comme ça ; et pourquoi pas dans un séminaire Innovation ?
Archimède est bien réputé avoir découvert son fameux principe dans sa baignoire ; Newton la loi de la gravitation universelle en recevant une pomme sur la tête.
Et on entend encore des histoires d’idées qui sont venues comme ça, à un comptoir de bistrot, autour d’une bière, ou en prenant un bain. Le problème de ce genre de méthodes c’est que, si l’on cherche, là, maintenant, une idée, on n’a pas forcément une baignoire à portée ; et, en plus, on ne sait pas trop combien de temps il va falloir rester dans la baignoire, ou combien de verres ou de litres de bière il va falloir absorber le temps que l’idée arrive.
En fait, aujourd’hui, les entreprises cherchent des méthodes, des process, pour faire émerger les idées et l’innovation.
En bon consultant, on cherche toujours, pour apporter de l’aide, à apprendre à pêcher plutôt qu’à livrer directement les poissons (les idées).
Alors, pour apprendre à pêcher l’innovation, que faut-il faire ?
Trois composantes, complémentaires, mais indissociables, me semblent, à l’usage, faire partie de la prescription. Et c’est précisément en oubliant l’une des trois que les entreprises sont déçues par les approches que leur proposent les uns ou les autres.
Quelles sont ces trois composantes ?
1. L’envie d’un autre monde
2. Des idées fortes
3. Les process pour l’équipe Innovation
Reprenons les toutes les trois.
1. L’envie d’un autre monde
L’entreprise qui se veut « la plus innovante », c’est d’abord une histoire d’envie ; et d’avoir des dirigeants qui ont cette envie, cette curiosité. Des dirigeants, ce n’est pas seulement le patron, mais tous les dirigeants managers intermédiaires.
Cela aussi se travaille. C’est ce qu’on appelle le « personnal branding » : les dirigeants et managers qui vont faire entrer les idées et l’innovation sont ceux qui savent fréquenter les milieux les plus divers ; qui connaissent et fréquentent des gens de générations différentes, qui s’intéressent à des disciplines aux frontières de leur compétence de base ; rien de pire quand on est spécialiste en Marketing, que de ne fréquenter que les clubs pleins d’experts Marketing ; c’est la meilleure façon de se conforter dans les mêmes modèles mentaux, et de se copier les uns les autres ; plus rien d’innovant là-dedans.
Autre bonne façon de créer cet appel d’air et ces envies, faire entrer dans les évènements de l’entreprise des personnes inhabituelles ; oui, bien sûr, on pense aux consultants (merci pour moi et mes équipes !), mais il faut oser plus ; des adolescents, des personnes d’une culture complètement différente ; Et puis, avec les médias sociaux, maintenant, on peut se créer et participer à des tas de communautés virtuelles, qui rendent la plus petite entreprise ouverte sur le monde. La mondialisation est facile à comprendre quand on se trouve inséré dans de tels réseaux planétaires. Les entreprises dont les managers et dirigeants ne s’y intéressent pas ont très peu de chances d’être « la plus innovante », ni de trouver ces « nouvelles idées pour soutenir leur offre de services ».
Rien que sur ce sujet de la confrontation à « un autre monde », on peut imaginer toute une série de « séminaires Innovation » adaptés ; le tout est d’oser et de se lâcher.
D’où la deuxième composante : des idées fortes.
2. Des idées fortes
Les histoires de baignoire et de bières : on oublie.
Les centres de recherche fermés, avec des process très contraignants : on se méfie.
Maintenant tout le monde parle d’ »open innovation », mais en y mettant des contenus les plus divers.
Et ce n’est pas le process lui-même qui garantit les idées fortes.
C’est l’expérience dans son ensemble qui fera le succès : les personnes impliquées ; le lieu où les idées vont émerger, l’ambiance, les couleurs, les outils utilisés,…Le danger, c’est de croire qu’il va falloir avoir un genre de « gourou » à cheveux longs pour animer et que c’est grâce à lui que les idées vont sortir du « brainstorming ». Peut-être, mais c’est quand même risqué, non ? Et puis ce « gourou » il va créer de la dépendance ; et des frustrations ;
Le bon process pour des idées fortes, c’est celui où tout est centré, justement, sur le process ; où tous les participants vont mélanger leur créativité à eux, pas celle du gourou, pour faire fonctionner la meilleure intelligence collective. Dans ces approches, les idées sortent du process lui-même, et ne sont pas signées de tel ou tel ; les idées fortes viennent de ce brassage, du collectif ; qui permet de faire sortir le maximum d’idées, et parmi 1000 mauvaises, UNE qui est le Waouh de la journée. Trouver des idées fortes, ce n’est pas un concours de beauté, où l’on va chercher le consensus autour des idées somme toutes banales, celles qui plaisent à tout le monde, et n’ont in fine de bien original.
Cette qualité de process pour des idées fortes est déterminante, mais il ne faut pas oublier la troisième composante : une équipe innovation bien équipée.
3. Les process pour l’équipe Innovation
On confond souvent le job d’équipe Innovation avec celui de chef de projet.
Malheureusement, si ces deux fonctions se mélangent, c’est le job du chef de projet qui prend le dessus. L’équipe Innovation s’englue alors dans les méthodologies, elle devient un gros PMO (« Project Management Office ») qui passe son temps à faire des plannings, des dossiers, des business plans, à suivre l’avancement, …bref à se perdre dans des tâches bigrement administratives. Et c’est dans ce genre d’équipes qu’on espère trouver la flamme pour susciter l’innovation ? Mon œil ! On va plutôt tuer dans l’œuf toutes les démarches de ceux qui ne veulent pas respecter les schémas classiques.
Non, le job de l’équipe Innovation, c’est précisément de se concentrer sur le subtil process de l’innovation, de la capacité à susciter l’émergence des idées et initiatives, et non de faire le PMO des projets ; il y a des consultants pour ça, ou bien des équipes Projet internes. Et il convient donc de bien organiser le casting, les outils, les modes d’intervention, des équipes Innovation de nos entreprises. Et là, on rencontre de tout, du meilleur au pire.
Rien que sur ce sujet, qui est une composante essentielle d’un programme de l’innovation, il y a beaucoup à faire. Les entreprises ont encore du mal à se déclarer complètement satisfaites de la performance de leur équipe Innovation, qu’elle soit interne, où prise en main par un consultant externe, ou un mélange des deux.
Alors, pour 2011, souhaitons à nos entreprises de ne pas négliger ces trois composantes du succès de l’innovation.
Cela amènera des satisfactions pour les clients, des collaborateurs comblés, des actionnaires éblouis par les impacts sur les résultats.
Quel meilleur programme pour une bonne année 2011 ?
Innovons, y compris lorsque l’on parle d’innovation.