Par Valérie Weill (chroniqueur exclusif)– Consultante et accompagnatrice en création/développement d’entreprise
Aujourd’hui, j’ai le plaisir de vous faire connaître une créatrice talentueuse que j’ai accompagnée récemment : Isabelle Chargé, créatrice de la marquee de vêtements bios Eclats de Rouges.
Isabelle Chargé, vous êtes la créatrice de la société et marque de vêtements bios Eclats de Rouges, expliquez-nous quelle est votre activité précisément?
Plus que de créer des vêtements, je travaille à la création d’un art de vivre par le vêtement. J’expérimente et fait expérimenter à mes clientes comment un vêtement peut influer sur notre manière d’être avec notre corps. Concrètement, je travaille sur des thèmes qui me sont chers : la sensation de liberté de mouvement, l’impulsion de danser dans et grâce au vêtement, la sensualité d’être une femme, comment exprimer sa sensibilité féminine, sa séduction voire son sex appeal grâce à un vêtement – sans forcément exposer ses attributs sexuels. Qu’est-ce que la beauté, où est-elle, est-ce une courbe, un mouvement, un regard, une couleur ? Qu’est ce qui me trouble, qu’est ce qui m’émeut ? Le jeu, le rire, la spontanéité, l’espièglerie, …
Puis j’oublie mon intention profonde et … je dessine la collection, j’élabore les patronages, je recherche les tissus et matières bios, je conçois les prototypes, puis une fois la coupe définitive arrêtée, je fais réaliser la production, enfin je m’occupe de la distribution et de la vente.
Après toutes ces étapes, je regarde si mon intention de départ s’est concrétisée dans la matière et jusqu’à maintenant, j’ai le grand bonheur de constater – par ce que m’en disent mes clientes – que mon intention de départ a été atteinte, et que ma recherche de départ est intrinsèquement contenue dans mes vêtements !
Maintenant plus sur un plan marketing, Eclats de Rouges est une ligne de vêtements féminins bios, fabriquée en France, sur un positionnement jeune créateur haut de gamme, qui s’inscrit dans une démarche de développement durable – avec la caractéristique particulière de travailler toute la gamme des rouges, d’où son nom, Eclats de Rouges.
Qu’est-ce qui vous a poussé à créer votre entreprise ?
J’en ai eu envie dès que j’ai commencé à travailler. Après comment, quoi … il a fallu beaucoup de temps pour que les choses se mettent en place et plusieurs tentatives aussi. Le vêtement s’est imposé à moi, comme la réunion de plusieurs passions : la danse, la sculpture, la vidéo, l’art d’être une femme. Eclats de Rouges a commencé par ma participation à un concours de création textile. Ne pas avoir de contraintes de temps et d’argent m’a permis de faire émerger mon concept. Par ailleurs, pour moi créer une entreprise, c’est prendre la parole. C’est pouvoir décider de ce qu’on fait, où on va, ce que l’on donne, quelle vision du monde on propose. J’avais envie de prendre la parole, d’exprimer ma vision des choses. Le vêtement est mon mode d’expression.
Estimez-vous être une entrepreneuse sociale et responsable ?
Responsable oui, responsable des conséquences des actes que je pose, responsable des relations de travail que je tisse avec mes collaborateurs, respectueuse des personnalités et des impératifs financiers de chacun aussi…
Concilier votre vie familiale, votre vie personnelle et votre entreprise : comment faites-vous au quotidien ?
C’est hyper dur ! D’autant qu’au quotidien je suis maman solo, donc l’équilibre est toujours imparfait. De temps en temps il y a des signaux d’alarme qui clignotent, alors j’y fais attention. J’essaye de rééquilibrer mes domaines de vie. Je me ménage des temps de détente, de repos aussi, s’arrêter est primordial. Ca paraît logique mais il est très difficile de s’arrêter. Or, le jour où votre corps dit non, là vous êtes obligés de vous arrêter, il vaut mieux anticiper. J’écoute et je tiens compte des remarques de mon entourage, la dernière en date, dixit ma fille : « tu es toujours ailleurs quand je te parle ! ». Donc dernièrement mon attention se porte sur « être vraiment présente là où je me trouve. » Pour moi, l’important est d’être consciente de ces équilibres imparfaits et de réadapter mes comportements à chaque moment jusqu’à ce que ce soit un reflexe, puis je m’attaque à autre chose, en essayant de ne pas oublier ce que je viens d’apprendre !
Comment vos proches, vos amis perçoivent votre statut d'entrepreneure ?
Certains amis et proches sont eux-mêmes entrepreneurs, donc ils me soutiennent. D’autres, plus éloignés de l’entrepreneuriat, me trouvent courageuse, voire inconsciente… Mais de toute façon, il faut une dose d’inconscience pour se lancer…
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées dans cette création ?
Etre partout en même temps ! Ce n’est pas simple de devoir jouer tous les rôles : créer, produire, organiser des ventes, préparer les outils de communication, les séances photos, la création du site internet, ensuite la gestion et la mise à jour du site, décrocher des articles de presse, être sélectionnée sur les shootings presse, … revenir à la création tous les 6 mois avec une nouvelle collection !… Sans compter que je travaille sur de la matière et non du service – et parfois la matière textile ne réagit pas du tout comme je voudrais ! Alors il faut trouver une autre solution avec ce que j’ai à ma disposition et tout de suite car le temps presse ! J’ai souvent la sensation de courir après un train, de n’être jamais « on time » dans mon organisation. Les premières saisons, j’étais vraiment en retard, maintenant je suis beaucoup mieux calée.
La deuxième grosse difficulté est clairement de vendre, de rencontrer sa clientèle et d’avoir le bon réseau de distribution.
Quels conseils donneriez-vous à des créatrices d'entreprise qui veulent se lancer dans la mode ?
Premier conseil essentiel : vouloir transmettre quelque chose, vouloir donner quelque chose d’elles, bien réfléchir à ce qu’elles veulent dire, travailler sur le fond, la forme suivra.
Le deuxième conseil, c’est d’avoir un capital de départ et/ou de ne pas avoir besoin de tirer tout de suite un revenu de son activité, une bonne trésorerie de départ le temps que les premières ventes se fassent.
Comment s’inscrit votre démarche de création par rapport au concept de mode éthique ?
Je dirai plutôt que ma démarche s’inscrit dans une notion de développement durable.
La ligne est conçue pour être indémodable, à la fois en durant par delà les modes, mais aussi par le choix des matières qui elles-mêmes durent dans le temps. Ainsi les collections se suivent sans s’annuler et une cliente va pouvoir acheter l’année suivante un autre modèle qui s’accordera avec son premier achat. Cela induit en fait la notion de « slow wearing », c’est-à-dire une consommation plus réfléchie avec moins d’achats quantitatifs, mais plus qualitatifs.
Les tissus sont bios, les teintures sont respectueuses de l’environnement et le tout est fait en France. Les fibres sont naturelles (lin, chanvre, coton) et sont cultivées sans pesticides.
Parce que j’adore cette couleur, je la porte depuis très longtemps. C’est une couleur intéressante car ambivalente, elle symbolise autant la vie que la mort, la force que la violence; je la trouve très caractéristique de la nature humaine. Elle correspond aussi au premier chakra, celui de la terre mère, qui permet de s’enraciner dans la terre. Et puis vous ne trouvez pas qu’il y a suffisamment de noir dans la rue !
Quelle femme Rouge êtes-vous ?
J’ai varié au fil du temps. J’ai été une femme très passionnée qui ne maîtrisait pas toute l’ambivalence du rouge, la force animale du rouge. Avec le temps, j’ai réussi à faire de mes pulsions une force que j’ai appris à domestiquer et à orienter correctement, j’y fais appel quand j’en ai besoin, alors qu’auparavant elle prenait la forme de pulsions peu contrôlées et intempestives. Je dirai donc que je suis une femme Rouge douce et passionnée. C’est aussi les commentaires qui me sont fait des modèles d’Eclats de Rouges, force de la couleur, douceur et sensualité des formes et des matières.
Quels sont les profils de vos clientes ?
Mes clientes sont de tous les âges, de toutes les CSP, ce sont aussi bien des femmes artistes, des femmes d’affaires, des femmes au foyer, ayant tout type de morphologie (j’habille du 36 au 46). J’ai la volonté d’habiller tous les types de femmes. Généralement, elles adorent le rouge et viennent spontanément vers moi. Ce sont plutôt des citadines qui recherchent un autre mode de consommation, mais surtout qui sont séduites par l’esprit et l’esthétique de la marque.
Où sont distribués vos vêtements ?
Mes vêtements sont vendus lors de ventes privées organisées dans les salons de mes clientes principalement, mais ils sont également en vente sur mon site internet et sur rendez-vous dans mon atelier parisien, proche du Luxembourg.
Mon but serait d’avoir à terme une boutique/atelier au nom de la marque, où l’on pourrait continuer à scénariser les vêtements, les faire vivre, mais aussi en proposant des ateliers pour les femmes : ateliers de maquillage, de colorimétrie, de relooking, dans une optique de recherche de beauté authentique. Je cherche à ce que l’esthétique soit au service de l’authentique et le reflet de l’intériorité.
Qu’est-ce que la marque Eclats de Rouges n’est pas ?
La marque n’est pas «fashion », n’est pas éphémère, n’est pas focalisée sur l’apparence, n’est pas dans l’uniformisation, n’est pas dans le produit de masse et enfin n’est pas complexée.
Si Eclats de Rouges était une actrice de cinéma, laquelle serait-ce ? Pourquoi ?
Ce serait Ava Gardner. D’ailleurs, j’ai un pantalon nommé Ava en hommage à cette femme passionnée, très féminine, décomplexée. Plus proche de nous, je dirais aussi Juliette Binoche, on dit d’elle qu’elle rougit très facilement sous le coup des émotions, mais c’est surtout parce que c’est une croqueuse de vie, tout en étant une « douce passionnée ». Elle maîtrise la force du rouge et se donne la liberté de faire ce qu’elle a envie : elle est actrice, mais elle peint, elle danse,… c’est une femme entière, j’adore !
Enfin dans un autre genre mais tout autant dans une force rouge, c’est Tilda Swinton ! La femme rouge a de multiples facettes …
Si Eclats de Rouges était un peintre, lequel serait-ce ? Pourquoi ?
Ce serait Ingres, je trouve sa peinture très sensuelle. La beauté des femme est, je crois, un sujet très ambivalent. Difficile pour une femme d’être séduisante, attirante, sensuelle sans devenir ou être vue comme un objet … sexuel en l’occurrence.
Je m’inspire du regard des peintres sur les femmes pour réussir à proposer une alternative à la tendance porno-chic actuelle. Ingres est mon préféré !
Si Eclats de Rouges était un film, lequel serait-ce ? Pourquoi ?
Lady Chatterley de Pascale Ferran, pour le regard simple et sain qu’elle porte sur l’amour dans tous ses états, on devrait tous vivre l’amour comme dans ce film ! Je défends corps et âme cette vision de l’amour.
Etes-vous une visionnaire ?
J’adorerai !
En fait, je me sens plutôt l’âme d’une guerrière, d’une amazone.
Quels sont vos objectifs pour 2011 ?
Mon objectif est de rentabiliser l’entreprise, de continuer à concrétiser tout ce que j’ai envie de faire. Et pour m’amuser habiller Björk, Juliette Binoche ou Tilda Swinton par exemple ! J …
Quel est votre rêve de bonheur dans cette entreprise ?
Mon rêve de bonheur, c’est justement de ne pas l’atteindre ! Non en fait, mon rêve de bonheur est d’arriver à une taille d’entreprise où je peux me payer le luxe de concrétiser mes idées, puis une fois qu’elles sont nées de les confier à quelqu’un d’autre. Ma nature est de bouillonner d’idées, si je ne pouvais faire que ça, je serais au summum du bonheur !!!
Et si c'était à refaire ?
Oui ; évidemment je le referai. Il n’y a aucun doute là-dessus.
Merci beaucoup Isabelle Chargé.
Valérie Weill
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Atelier Eclats de Rouges – 212 rue Saint Jacques – Paris 5 – proche du Jardin du Luxembourg – sur rdv au 06 86 37 67 61 ou au 09 70 40 67 61