Je recrute ou je m’associe tel est le dilemme

Martinez Jean-Philippe Par Jean-Philippe Martinez  (chroniqueur exclusif)  – Concepteur du blog : www.capitalsocial.fr, Consultant INTERFACES, Directeur Pépinière d'Entreprises EOLE & Directeur Pépinière d’Entreprises INNOVEUM

Il y a peu de temps lors d'une rencontre entre des directeurs de pépinières d'entreprises de Catalogne, du Languedoc Roussillon et Midi Pyrénées nous échangions sur les spécificités de nos métiers et notamment notre volonté au quotidien de créer du lien autour du créateur, de le connecter à des environnements différents et pour certains de les aider à s'associer.

A cette occasion Pierre Alzingre (directeur pépinière d'entreprises de Lunel)  a traduit fort bien l'intérêt de s'associer avec la maxime suivante: "tout seul on va plus vite mais à plusieurs on va plus loin".

Et si nous aussi avec cet article nous allions également plus loin en nous interrogeant  sur l’opportunité de s’associer lorsque l’on lance un projet innovant.

Je vous propose quelques pistes de réflexion qui en filigrane à chaque fois poseront le dilemme suivant : est ce que je cherche un associé ou finalement un salarié ?

  • Cherchez- vous une personne qui sera meilleure que vous dans certains domaines (notion de complémentarité) ?

En effet une entreprise innovante suppose de passer par différentes phases :

-         Phase inventive et d’innovation: j’ai une idée et je vérifie qu’une demande solvable existe

-         Phase de prototypage, de démonstration : je valide que techniquement mon projet fonctionne

-         Phase de lancement commercial : trouver mes premiers clients, les early adopters

-         Phase de production du bien ou de servuction (production du service)

-         Phase  de gestion financière

-         Phase d’organisation générale

On voit bien qu’il est difficile pour un seul individu de disposer de toutes les compétences…

Personnellement les  projets innovants nécessitant des savoirs faire en électronique, mécanique, informatique s’il y a une seule personne, la probabilité de réussite me semble faible.

En tous cas je n’aurais pas assez de mes dix doigts pour comptabiliser le nombre de projets de ce type qui ont échoué entre autre par isolation du créateur.

Ce faisant supporterez vous que quelqu’un soit meilleur que vous, que tout votre environnement en soit conscient (amis, prospects…) et que dans son champs d’actions ses propositions soient appliquées en priorité ?

En vous associant vous ne pourrez plus dire je suis le créateur à 100%, vous devrez partager la réussite…l’ego peut être mortel dans un projet complexe…

De plus dans la dualité associé/salarié supporterez vous que cette personne soit votre égal, qu’il n’y ait pas de relation  hiérarchique ? 

Les autres critères à considérer pourraient être :

  • Ce futur associé apporte t – il  une véritable valeur ajoutée qui justifie de lui céder une partie du capital (céder ou vendre d’ailleurs) ?

Ce qui renvoie à une notion de compétences techniques ou de gestion (commerciale, financière…) ou relationnelles  avec le fameux carnet d’adresse.

J’attire votre attention sur une sur évaluation de la valeur du carnet d’adresse. Tout d’abord parce que par nature il est assez difficile d’évaluer précisément le degré d’intégration qu’a votre prétendant dans sa filière professionnelle.

De plus lorsque le candidat finalement n’est plus dans le circuit (il a changé de filière, il est en retraite) le carnet d’adresse fond à une vitesse incroyable.

Par comparaison nous avons tous un carnet d’adresse sur Outlook ou autre support. En moyenne on considère qu’entre 10% et 20% des informations  ne sont plus à jour chaque année qui passe… Finalement quelqu’un qui ne travaille plus dans un secteur depuis plus de 5 ans…que vaut son carnet d’adresse et son relationnel ? En tout cas cela doit vous alerter et vous amener à vous pencher sérieusement sur la question.

  • Si à court terme le candidat associé  répond aux manques de compétences de l’entreprise, est il en mesure d’apporter une vision à long terme ?

Pour une intégration à long terme son apport de compétence doit être permanent et dans la durée.

Sauf convention particulière dans le pacte d’actionnaire, votre associé restera  dans l’entreprise aussi longtemps que vous voir même plus, alors à un « contrat permanent » doit correspondre une capacité d’adaptions et d’anticipation constante.

Par exemple je suis toujours surpris lorsque des entreprises intègrent un avocat dans leur capital. Je ne renie en rien l’importance du droit, de la propriété intellectuelle…Néanmoins il ne s’agit que de résoudre des problèmes ponctuels de propriété industrielle qu’une rémunération au coup par coup semble opportune.

Rien à voir avec une personne qui va sur le long terme vous aider à renouveler vos gammes de produits, innover, diversifier le champ d’intervention, apporter des clients, maîtriser un process de production….

Pour information au-delà des avocats j’ai le même doute concernant l’ouverture du capital à un expert comptable, ou un consultant chargé de lever des fonds ou de faire de l’optimisation fiscale (crédit impôt recherche, statut JEI…).

  • Si l’on revient un peu sur vous entrepreneur : Êtes-vous vraiment prêt à vous « débarrasser » opérationnellement de certaines activités en ayant confiance ?

Combien de chefs d’entreprise échouent dans la collaboration avec un associé par la volonté de tout contrôler, d’être persuadés qu’eux seul peuvent bien faire…

Si vous vous reconnaissez, alors recrutez mais ne vous associez pas…il est encore temps.

  • Retour sur le candidat : bien que l’associé doit apporter une compétence différente des vôtres il ne doit pas y avoir d’étanchéité totale:

o   parce qu’une entreprise ce n’est pas une succession de taches et d’activités indépendantes les unes des autres : le comportement du commercial aura des répercussions sur le responsable des finances aussi bien que celui de la production…et inversement aussi.

Qui assure la cohérence globale si ce n’est les associés ? Mais encore faut il qu’ils aient eux aussi une vision globale de l’entreprise.

o   Pour éviter la mortalité du projet : il faut être en mesure en cas d’éloignement pour  x raisons d’un des associés de pouvoir  « limiter la casse »

J’ai vécu le cas d’une entreprise qui produisait des smart objets, et les capitaux risqueurs ont refusé d’intervenir car finalement tout le savoir faire reposait sur une seule épaule…et que se passe t’il si pendant 3 mois vous êtes immobilisé ?

  • Êtes-vous vraiment prêt à céder du capital ?

L’idée même de ne plus avoir 100% du capital en effraie beaucoup…d’où quelque fois des collaborations qui ne verront pas le jour pour quelque pourcentage. Que valent les 5% ou 10% de plus que je laisse par rapport à ce que va m’apporter l’associé ?

Là je rejoins les sociétés de capital risque : mieux vaut 50% des gros gâteaux que 100% d’un petit.

  • Est-ce que vous avez envie de passer une bonne soirée avec lui, est ce que vous vous voyez autour d’un bon repas passer un bon moment ?

Attention l’affect n’est pas obligatoire selon le degré d’avancement du projet. Une entreprise déjà structurée avec plusieurs salariés peu intégrer un associé sans finalement l’apprécier.

Il en va différemment d’une entreprise avec 1 personne ou 2 avec la volonté de conforter l’équipe. Dans ce contexte partager un bureau de 50m2 à trois ou 4 peut être très long si l’affect et le respect sont totalement absents.

 Cas particulier lorsque l’associé est dormant et qu’il apporte des fonds et non pas une expertise particulière, s’entendre avec lui n’est pas une obligation, les relations n’étant pas quotidiennes.

Pour terminer ce billet et lorsque j’ai en face de moi un futur créateur qui a un projet très ambitieux qui va nécessiter de nombreuses compétences et qu’il est persuadé qu’il réussira seul, il peut être intéressant de lui donner l’exemple d’un entrepreneur qui a réussi et qui continue de s’associer.

S'il y en a un qui applique à merveille la maxime "tout seul on va plus vite mais à plusieurs on va plus loin"  c'est le "serial entrepreneur"  Michel de Guilhermier car pour lever des fonds, constituer le capital de départ de ses projets il associe souvent des  business angels.

Deux exemples:

*Pour la  création de PHOTOWAYS  (développement de photo par internet) il a motivé  son propre réseau d'investisseurs privés, 10 au total, et bouclé ainsi le tour de table en…..1 heure. Résultat: 121 000 euros avec l'aide de quelques fonds et la mobilisation 10 cerveaux sur un même projet.

*Pour son nouveau challenge INSPIRATIONALSTORES  il a motivé quelques personnalités du business:

Robert Keane: fondateur et CEO américain de  VistaPrint , société valorisée à plus de 1.5Mds $.

Fabrice Grinda: créateurs de plusieurs entreprises dont l'une revendue plus de 100 M$

Loic Lemeur…bon on le présente plus…si sa dernière start up : SEESMIC.com

Jérémy Berrebi: créateur de  Zlio.fr

Patrick Robin : créateur de plusieurs sociétés dont  24h00.fr, le 1er site de ventes événementielles.

Pierre Kosciusko-Morizet : fondateur de Price Minister, l'un des 1ers sites d'e-commerce français

Michael Copsidas : fondateur du site Leguide.com, l'un des piliers des comparateurs de prix en France, également en Bourse (valorisé environ 60M€) !

Avec  un tour de table de ce niveau la négociation avec les capitaux risqueurs a du être simplifiée….

Et il est clair qu'au-delà de l'apport d'argent Michel de Guilhermier a pu bénéficier d'un capital conseil important et d'un carnet d'adresse qui en quelque seconde se voit multiplié par 100,200,…
1 000 ?

Alors si ce serial entrepreneur éprouve le besoin de s’entourer et s’associer alors vous jeunes créateurs…ferez-vous mieux que lui ?….

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