La création d’entreprise-thérapie

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Par Valérie Weill (chroniqueur exclusif) – Consultante et accompagnatrice en création/développement d’entreprise

Et si créer son entreprise avait une fonction psychothérapeutique ?

Pour illustrer cette idée de thérapie par la création d’entreprise, je me suis souvenue d’une très bonne interview de M. Boris Cyrulnik donnée au magazine « l’Entreprise » en 2003 sur le thème résilience et création d’entreprise.

Pour ceux qui s’interrogeraient sur la notion de résilience, c’est la capacité de tout individu à se reconstruire et à réussir sa vie, malgré le vécu de situations douloureuses et particulièrement traumatiques.

En effet, dans
cette interview, M. Cyrulnik expliquait ainsi que créer son entreprise
lorsqu’on a vécu des situations traumatiques graves peut être une forme de
revanche sur la vie et aussi un mode de reconstruction. Or, statistiquement, on
trouve une forte proportion de résilients chez les entrepreneurs, puisqu’ils
sont plus de 50%…   Il donne ainsi un
exemple d’un chef d’entreprise qui avait réussi, alors que son enfance avait
été très chaotique, abandonné par sa mère et trimballé d’institutions en
institutions. Une personne avait cependant remarqué son intelligence et l’avait
formé sur le tas à la finance. Dès lors cet homme avait étudié et passé
brillamment ses examens, acquis de l’expérience professionnelle et une
expertise reconnue internationalement, pour finir par créer sa propre
entreprise. Réussir son entreprise lui avait permis ainsi de démontrer qu’il
n’était pas un enfant-poubelle. En ce sens, on peut considérer que créer son
entreprise a été pour lui une forme de psychothérapie – et lui a permis de se
réparer et d’obtenir une victoire sociale thérapeutique. Selon M. Cyrulnik, il
faut au moins deux composantes pour pouvoir justement « tricoter de la
résilience » : de l’affectivité et du sens. De l’affectivité, en
cherchant un tuteur de résilience, un soutien affectif, un regard neutre et
bienveillant – et du sens, en donnant une nouvelle valeur au traumatisme, en
comprenant ce qui s’est passé ; afin de modifier l’image que la personne
se fait d’elle-même.

Ces deux éléments,
je les ai retrouvés effectivement souvent dans le profil psychologique des
personnes que j’accompagne en création d’entreprise. J’ai en tête par exemple
une jeune femme qui était déterminée à créer son entreprise alors qu’elle avait
très peu de fonds et qu’elle avait un passé mouvementé. Elle était en période
probatoire vis-à-vis de la justice et ne trouvait pas de travail. Elle souhaitait
créer son entreprise, car elle savait qu’elle avait un don pour la création de
costumes et de robes. Elle avait une telle rage et une telle envie de s’en
sortir que je sentais que cette difficulté de financement pouvait être balayée
grâce à sa détermination. Devant son envie de s’en sortir, de quitter la rue,
elle pouvait convaincre n’importe quel organisme de financement de lui donner
le coup de pouce nécessaire. Sa résistance face à l’adversité était tout
bonnement impressionnante.

Je pense aussi à
un ancien formateur en informatique d’une cinquantaine d’années, débarqué et
cassé à cause de son âge par son employeur, qui ne retrouvait pas de travail
depuis deux ans. Lors du premier rendez-vous avec moi, il me parlait d’une
toute petite voix, toute timide de son projet. Devant valider l’adéquation de
cette personne avec son projet, je le questionnais sur les compétences du chef
d’entreprise et sur les qualités nécessaires à la création d’entreprise. Ses
réponses montraient qu’il avait bien les compétences techniques du chef
d’entreprise, mais qu’il restait timoré par rapport à son projet. Pour tester
ses réactions, je fis exprès d’émettre un doute sur son tempérament
d’entrepreneur, tout en restant extrêmement bienveillante. Immédiatement, il se
prit au vif et défendit son projet et ses atouts pour créer. Alors tout à coup,
il prit une toute autre dimension, il déploya sa combativité et repris de
l’assurance. J’avais bien en face de moi un futur entrepreneur, encore avait-il
fallu qu’il puisse faire émerger cette nouvelle identité à la surface et qu’il
puisse aussi s’appuyer sur mes encouragements bienveillants pour ne plus
hésiter à se lancer… Dans la suite de nos entretiens, cet homme avait été un
véritable TGV : il avait structuré de A à Z son projet, construit ses
outils, établit sa stratégie, bref, avait très bien avancé dans sa création
d’entreprise !!! Il était devenu enthousiaste et sûr de lui.

Des exemples comme
ceux-ci, j’en vois de plus en plus et je suis heureuse de pouvoir participer de
manière indirecte à leurs réussites, car je pense sincèrement que M. Cyrulnik a
raison : ceux qui ont une revanche à prendre sur la vie, peuvent le faire
au travers d’une création d’entreprise.

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