La fin des vendeurs ?

Martingilles Par Gilles Martin (chroniqueur exclusif) – Président du cabinet de conseil en stratégie et management PMP

Que l’on soit consultant ou entrepreneur, que ferait-on sans les consommateurs ?

Entreprendre, c’est offrir des idées, des services des produits à un consommateur dont on espère qu’il va vite ouvrir son porte-monnaie pour fabriquer ce dont on rêve : du chiffre d’affaires, de la croissance.

Et les consultants ? Vendre des idées, de nouvelles organisations, des processus, à un client, ça sert à quoi, sinon à lui permettre, lui aussi, de séduire encore plus de consommateurs, ou d’entreprises, qui elles-mêmes veulent séduire des consommateurs.

Bref, le consommateur est partout, c’est lui le chef, celui qui nous fait vivre tous. Et s’il ne vient pas avec son porte-monnaie, c’est à cause de lui que les entreprises se cassent la figure.

Alors, forcément, on doit s’intéresser à ce qu’il pense, à ce qu’il fait, à ce qui le rend dépensier…

C’est l’objet de l’Observatoire Cetelem de la consommation, qui a sorti jeudi dernier son édition 2011.

Un sujet auquel on ne peut échapper, c’est internet.

On pourrait avoir le sentiment que le commerce c’est internet (le e-commerce c’est aujourd’hui en France 60 milliards d’euros ; et dans cinq ans, on prévoit 100 milliards !) ; les magasins, les boutiques, ça va disparaître.

En fait, cette prophétie de la mort du commerce physique ne s’est pas réalisée, et le rapport du Cetelem montre au contraire que les rapports entre le consommateur et les commerces physiques se sont profondément transformés. Et cette transformation est une vraie opportunité pour que nos entreprises innovent et se transforment elles-mêmes.

Celui en qui le consommateur ne fait plus trop confiance, c’est, incontestablement, le vendeur.

L’attitude extrême, c’est de l’ignorer : En France, seuls 32% des moins de 30 ans disent solliciter les vendeurs dans un magasin (et on n’est qu’à 47% pour les plus de 50 ans) ; on fait dans le magasin comme sur internet : on se débrouille tout seul, on se sert, on paye, et on part.

Avant un achat, quel est le rôle du vendeur pour nous conseiller ? Dans toute l’Europe, moins d’un tiers des consommateurs citent le vendeur comme une source d’informations privilégiée pour conseiller l’achat. Le vendeur est jugé comme incompétent (« « j’en sais plus que lui avec les informations que j’ai récupéré sur le produit sur internet ! »). Pour les moins de 30 ans, c’est 25% seulement qui citent le vendeur ; et en Angleterre, on en est à 14%…Vendeur, je ne crois pas en toi !

Aujourd’hui le consommateur, et encore plus si il est jeune, prépare ses achats en se fiant à son propre flair, en recherchant sur internet, en se fiant à ses proches, sa famille, ses amis. Parler avec ses amis, ses proches, ses pairs, ses aînés,  est la source d’information privilégiée, tous marchés confondus, pour plus d’un tiers des consommateurs. En Angleterre, Ce sont 42% des moins de 30 ans qui utilisent cette source majoritairement (34% en France).

Et une fois en magasin, l’expérience continue : le consommateur mobile va consulter les avis des autres consommateurs, interroger ses amis en direct, prendre le produit en photos, en parler sur son blog…L’application mobile, avec géolocalisation, devient mon partenaire pour me promener en ville et y faire mes achats.

Dans cette nouvelle façon de faire ses achats, que reste-t-il pour le vendeur ? L’enquête montre que le vendeur devient plutôt un agent d’accueil, quelqu’un d’humain, de passionné par le produit ou le service que je veux acheter (ce qui manque précisément dans le contact avec mon ordinateur et les sites internet). A condition qu’il soit au niveau, et non pas cette personne incompétente qui m’agresse en voulant me fourguer n’importe quoi.

Et, forcément, quand j’ai eu cette expérience humaine et passionnée dans un magasin, je fais quoi ? Et bien, j’en parle à mes proches, je raconte sur les blogs…la boucle est bouclée (Après une expérience de consommation positive, plus de 90% des consommateurs en parlent à des collègues ou à des proches).

Le problème, c’est que ce vendeur « passionné », on ne le rencontre pas assez souvent : moins de 30% des consommateurs ont rencontré un vendeur passionné lors de leur dernier achat important !

C’est donc un nouveau style de vendeur que les distributeurs doivent inventer pour répondre à ces nouvelles tendances. Avec, également, la nécessité de devenir partie prenante des réseaux et communautés d’influence qui sont décisives, et de plus en plus, pour conseiller et orienter les achats : ces sont les communautés qui remplacent les vendeurs dans cette fonction.

Cela ne concerne pas que les grandes enseignes ; les magasins de proximité et indépendants doivent s’y mettre et être présents sur les plate-formes des réseaux correspondants (on pense à Facebook, mais de nombreuses initiatives et entreprises se créent sur ce créneau, comme par exemple Geodruid, société d’un jeune entrepreneur qui a flairé ces tendances).

Schumpeter avait raison : la destruction créatrice est le moteur de la croissance. La fin des vendeurs traditionnels, la transformation du commerce, le mélange des mondes virtuels et physiques, la victoire des « passionnés » ; autant d’opportunités pour les entrepreneurs…et les consultants.

Une bonne nouvelle pour 2011, non ?

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