La magie du collectif en musique

Gilles MartinPar Gilles Martin (chroniqueur exclusif) – Président du cabinet de conseil en stratégie et management PMP

Il y a des envies d’entreprendre qui naissent dès l’enfance et ne nous quittent jamais. Ceux qui ont réalisé leur rêve et nous le racontent transmettent une émotion, communiquent une énergie, qui, peut-être fera lever d’autres envies et vocations. Cédric Tranchon est de ceux-là. Leader de la Patrouille de France en 2011, il a communiqué sur cette expérience dans des conférences auprès de managers d’entreprises, et fini par en faire un livre, sorti en octobre 2014 : « Les secrets d’un leader – dans les coulisses de la Patrouille de France » (Robert Laffont). C’est plus que le récit du fonctionnement de la Patrouille de France, c’est une expérience de performance collective et de cohésion d’une équipe ; qui n’en rêverait pas ?

C’est d’abord un rêve d’enfant. Cédric Tranchon l’avoue : «  D’aussi loin que je me souvienne, je crois avoir toujours été fasciné par les avions ». Ce mot avion qui est un acronyme inventé par un des premiers pilotes, Clément Ader, avant la Première Guerre mondiale, qui signifie Appareil Volant Imitant l’Oiseau Naturel (AVION).

La Patrouille de France, ce sont ces figures aériennes, effectuées par un groupe de huit avions, à quatre-vingt-dix mètres du sol, à six cents kilomètres-heure, à deux mètres les uns des autres. C’est sûr, il faut savoir se coordonner. Pourtant, la méthode de Cédric Tranchon n’est pas la main de fer qui veut tout contrôler, mais ce qu’il appelle un « commandement subtil » : «  Pour que le groupe existe, il faut que chacun ait une marge de manœuvre individuelle ». La hiérarchie est moins verticale, chacun des pilotes exprime son point de vue. Mais ce n’est pas non plus le consensus mou ; L’idéal, c’est de se comprendre sans se parler. C’est un fonctionnement différent de celui classique de l’Armée de l’Air, avec seulement un niveau hiérarchique et plus de fluidité dans une petite équipe. Il y a une forme de « bienveillance mutuelle » dans le groupe : « Le Leader est le récepteur de l’humeur du groupe. Et comme il n’est pas infaillible, ses équipiers veillent également sur lui en retour ».

Le rythme du groupe, la façon dont le leader communique ce qu’il va faire au cours du vol pour que les équipiers préparent la figure, on appelle cela joliment « la musique ».  Cette musique est répétée et structurée au sol, et utilisée en vol. Tout se dirige à la voix. D’abord un ordre « préparatoire » : «  Attention les gars, tout le monde se concentre, je vais opérer un virage à gauche ». Puis on passe à l’ordre « exécutoire » : «  J’y vais, j’incline »….On s’y croirait. Le Leader commence la manœuvre après le « e » de « j’incline » ; tandis que les pilotes extérieurs vont anticiper et lancer leur propre manœuvre sur le « j ». Du fait de l’éloignement, chaque pilote déclenche son action à un moment différent du leader. C’est ce qui permet la synchronisation parfaite. D’où cette autonomie de chacun, qui doit suivre la musique mais maîtriser son propre avion. Chacun adapte l’ordre du leader à sa position. Les pilotes ne sont donc pas interchangeables ; ils restent à la même place toute l’année. Sauf un seul, le numéro 9, qui est le plus ancien de la Patrouille, c’est le remplaçant. Il peut remplacer chaque membre de la Patrouille et doit donc connaître tous les postes.

Cette synchronisation a quelque chose de fascinant car c’est la force du collectif qui permet de réaliser les figures. Cédric Tranchon nous en communique la vibration : «  Se dire que chacun n’y arriverait pas seul, mais que l’on peut y arriver collectivement, c’est un idéal, c’est une promesse magnifique ! Cette dimension m’a complètement séduit. Le collectif dépasse largement et de façon incommensurable la somme des individualités de ce groupe. Il les transcende ».

C’est pourquoi, pour que cela marche bien, il faut que chacun se mette « un peu en retrait ». Le groupe n’est pas « 8 fois 1 », mais « 1 fois 8 ».

Belle image pour ce Leader dont la mission est de savoir faire avancer tout le monde dans la bonne direction, et non un autocrate qui obligerait les autres à suivre sa vision. Ce sont ses qualités d’écoute et de synthèse qui feront la performance de l’équipe. Cédric Tranchon parle d’un commandement « subtil », c’est-à-dire la capacité de diriger sans contraindre. Se mettre au niveau des autres, tout en gardant le charisme et l’aura pour être toujours considéré comme le supérieur des pilotes, qui sont aussi des amis dont les liens de proximité sont forts.

Pour conduire correctement la Patrouille de France, le Leader doit avoir la bonne capacité d’anticipation. Pour Cédric Tranchon, «  un chef n’est pas nécessairement celui qui a le plus de talent, mais celui qui voit le plus loin ». Cette anticipation est une condition de survie dans l’Aéronautique. Si l’avion s’arrête, il chute. Il faut donc veiller à maîtriser la vitesse et à anticiper en permanence pour garder le contrôle. Le tout étant piloté par le son et la voix uniquement, y compris l’intonation et la clarté qui sont majeurs.

Anticipation, musique, synchronisation, diriger sans contraindre : de bons messages pour un leadership d’humilité, porté par un Leader de la Patrouille de France de 35 ans. De quoi diffuser de bonnes ondes, et une bonne musique, à tous les leaders et entrepreneurs.

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