La stratégie n’est plus ce qu’elle était

Martingilles Par Gilles Martin (chroniqueur exclusif) – Président du cabinet de conseil en stratégie et management PMP

Classiquement, la stratégie,
telle que popularisée par Michael Porter dans les années 80, a consisté à
analyser les cinq forces : Compétition, barrières à l’entrée, risques de
substitution de produits et services, menaces de nouveaux entrants, pouvoir des
fournisseurs, pouvoir des clients.

Dans cette approche, l’objectif
pour la firme est d’identifier dans ces cinq forces une source d’avantage
concurrentiel, de le construire, de le protéger pour le pérenniser.

C’est donc par une analyse
concurrentielle que l’on choisit le secteur où l’on veut être présent, et, dans
ce secteur, comment se différencier par une des trois stratégies génériques
identifiées, et théorisées par Porter : domination par les coûts, différenciation,
ou focalisation.

C’est donc l’environnement
qui détermine directement la stratégie et même le niveau de performance
atteignable par la firme.

Cette vision des choses correspond
très bien à la nature relativement stable du contexte économique dans lequel
elle est née.

Mais aujourd’hui, avec
l’accélération du changement, les bouleversements dans les modèles économiques,
l’apparition de nouveaux concurrents mondiaux qui n’existaient pas il y a
seulement dix ou quinze ans, les choses sont différentes. Google, Facebook,
Amazon, toutes ces firmes sont nouvelles depuis les années 80. Et
parallèlement, on voit perdre du terrain les firmes qui ont été les fleurons de
l’industrie mondiale. Même General Motors a failli disparaître. Et on a déjà
oublié Lehman Brothers.

Dans la période que nous
connaissons aujourd’hui, une nouvelle théorie de la stratégie consiste à
considérer non plus le positionnement, mais l’intention stratégique.

On parle alors de rupture
stratégique.

C’est, dans cette approche,
l’intention stratégique, la vision, l’acte volontaire, qui constitue le moteur.
Dans cette intention, on parle de rupture car il s’agit de ne pas suivre les
règles et habitudes du secteur ou de la compétition, mais au contraire de
proposer des règles nouvelles complètement différentes.

Gary Hamel et C.K Prahalad
ont popularisé cette conception, notamment dans «  « Competing for
the future » en 1994, ou « Leading the revolution » en 2000, et
enfin le dernier opus de Gary Hamel «  The future of management » en
2007.

Alors que nous connaissons
en ce moment un bouleversement des règles, il est probable que ces démarches
vont revenir à la mode, et servir les réflexions de nos entreprises et de leurs
consultants.

On en arrive à une vision
très entrepreneuriale de la stratégie, qui permet au dirigeant de réinventer
des méthodes des pratiques nouvelles plutôt que de reproduire ce qui existe
déjà. C’est la prise de risques qui caractérise les plus audacieux. C’est la
noblesse du vrai capitalisme.

Nous avons sous les yeux une
bonne incarnation de ce capitalisme avec Apple, et la sortie de l’Ipad, après
l’Iphone, l’Ipod.

Ce capitalisme, c’est celui
qui refuse la convergence stratégique ou concurrentielle et qui surgit là où on
ne l’attend pas (un nouveau concurrent, de nouvelles règles du jeu).

Ce qui est remis en cause
par les approches de rupture, c’est aussi l’approche de la réflexion
stratégique par le haut, avec l’artillerie des « plans
stratégiques », à base d’analyse concurrentielle.

Ce  qui fait rupture, c’est de partir de la valeur
proposée au client, et au-delà de la valeur, on va parler  d’ »expérience client », qui
concerne la valeur immatérielle perçue par le client, au-delà du produit ou du
service vendu.

Ce qui fait rupture, c’est
aussi l’implication de la base de l’organisation, le mélange et la diversité
des profils et ressources (la pensée concurrentielle unique, voilà l’ennemi).

Changent aussi les processus
d’innovation. On sort de l’innovation produit, ou des innovations de procédés
ou de processus. On va parler d’ »innovation managériale ». Certains
experts, comme par exemple Jim Collins, considèrent que la seule innovation qui
soit vraiment une innovation de rupture est l’innovation sociale.

La « Revue Française de
Gestion » ne s’est pas trompée en publiant dans un récent numéro un
dossier spécial sur les « stratégies de rupture », avec des contributions
d’universitaires qui relatent des cas d’entreprises, de la Logan à Ikea, en
passant par les jeux vidéo de Nintendo (la Wii).

Il est globalement
réconfortant de voir l’expression de ce volontarisme se développer, et les
universitaires contribuer à son déploiement. Ces approches de stratégies de
rupture sont aussi pour nous un appel aux idées dérangeantes, à l’initiative
des entrepreneurs.

C’est une bonne façon de retrouver
la fierté d’entrepreneur à la tête des entreprises.

Cette fierté d’entreprendre,
de porter les valeurs positives du capitalisme, c’est aussi une réponse du
monde de l’entreprise à ceux qui en prédisent, ou en espèrent, l’extinction.

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