Par Delphine Favory (contributeur) – Responsable Marketing et Commercial
Virgile Rault est le fondateur de Train d’union,
un réseau social destiné aux usagers du train, permettant de mettre en
relation des personnes ayant réservé des billets sur le même train (TGV
/ TER / Corail / Eurostar / Thalys …). Il nous parle de son parcours
d’entrepreneur, de sa vision de l’entreprenariat et de ses constats 6
mois après le lancement de son site.
1/ Comment l’envie de créer votre entreprise vous est-elle
venue ? A quel moment avez-vous su que vous étiez prêt à vous lancer ?
L’idée de créer une entreprise m’est venue il y a environ un an.
J’étais alors en Allemagne où je réalisais un stage dans un fond
d’investissement. J’étais alors du côté de ceux qui investissaient dans
les entreprises. Déjà piqué par le virus d’internet, passer du côté des
entrepreneurs était une façon de voir l’autre versant du « monde des
affaires ». De plus l’idée de créer une start-up me trottait dans la
tête depuis un certain temps.
Je pense que la création d’une entreprise est avant tout une affaire
de concours de circonstances. Avoir un concept, aussi révolutionnaire
soit-il, est loin de suffire pour se lancer. Il faut surtout avoir
l’opportunité de le mettre en œuvre car on vous le répétera sans
cesse : une idée ne vaut rien sans son exécution. C’est
d’ailleurs ce qui permet d’opérer une sélection car vous pouvez être
sûr de ne pas être seul sur une idée. J’ai reçu à ce titre quelques
mails de personnes qui m’avaient avoué songer à la même idée que Train
d’union mais sans prendre le temps de la développer.
Pour ma part, au moment de me lancer j’avais réuni suffisamment
d’éléments qui ne laissaient pas de place au doute pour sauter le pas :
j’avais un concept original, du temps, quelques moyens financiers, une
équipe de compétences pour la réalisation du site, et également un nom.
Paradoxalement ce dernier élément fût le déclic. Ce sont parfois des
éléments qui aident à visualiser le mieux un projet encore couché sur
le papier, qui vous pousse à aller plus loin.
Le principe du coût d’opportunité est plus que de mise. Il se peut
qu’un tel concours de circonstance ne se représente pas. Si vous avez
donc réussi (par le fruit du hasard ou pas) à réunir autant
d’ingrédients pour vous lancer, il va falloir trouver quelque chose
d’aussi attractif pour équilibrer votre balance. C’est donc là où vous
mettez vos décisions en perspective. Choisir, c’est renoncer.
2/ On parle souvent de l’isolement des créateurs : ressentez-vous ce phénomène ? Comment vivez-vous cette situation ?
L’isolement des créateurs d’entreprise est sans doute l’une des plus
grandes difficultés à surmonter. Dans la prise de décision, il est
évident que l’absence d’un partenaire vous empêche de peser le pour et
le contre de manière optimale. Et personne ne sera là pour corriger le
tir lorsque vous vous laissez aller à prendre vos décisions trop
hâtivement. Un associé est surtout très utile pour hiérarchiser au
mieux vos tâches. Savoir s’entourer est donc une priorité pour faire réussir votre entreprise sur le long terme.
Je dirais qu’il est plus censé de partir à plusieurs sur une idée
moyenne, que seul sur une idée fantastique. L’important est surtout
d’avoir un rythme de travail car vous évoluez sans structure. Il faut
donc trouver des repères structurants, qu’il soient physiques (lieu de
travail) ou temporels (emploi du temps).
3/ 6 mois après le lancement de votre site (date de l’interview 30/07/2007), dans quel état
d’esprit êtes vous ? Quels sont vos difficultés et vos doutes ? Et par
ailleurs, quelles sont vos sources de satisfaction ?
6 mois après le lancement de mon site, je suis beaucoup plus lucide.
Je connais mieux mes objectifs qui étaient restés un peu dans le flou.
Mon tableau de bord est désormais plus clair.
Des doutes persistent. Les sites internet en B to C sont aujourd’hui
très nombreux. Pour valider leur business model, on doit souvent passer
par une période probatoire où rien n’est acquis. Le plus souvent bâtis
sur des modèles d’audience publicitaire, des millions de pages vues ou
de visiteurs uniques sont souvent nécessaires à ces sites pour générer
un cash flow intéressant. Il y a donc des doutes qui existent sur cette
inflation de sites qui se créent tous les jours dans un marché de plus
en plus fragmenté, et où finalement il est difficile de fidéliser le
grand public des internautes. A chaque étape de développement, il faut
fournir un effort encore plus important que le précédent. C’est un peu
comme le Page Rank, passer d’un PR de 4 à 5 est beaucoup plus dur que
de franchir un PR de 2 à 3.
Sur internet il est à mon avis aujourd’hui plus porteur d’avoir
comme client des entreprises, que des particuliers, exception faite du
e-commerce. Pour réussir il faut se concentrer sur les fondamentaux :
avoir une équipe compétente, trouver des clients et obtenir des
financements. Sur internet le client est roi, volatile, a l’embarras du
choix et ne veut surtout pas payer. C’est donc à partir du second
maillon que les choses se compliquent. Se positionner sur le marché du
B to B est à mon avis très porteur, quitte ensuite à passer ensuite au
B to C. Bluekiwi, Feedback 2.0 et Virtuoz.fr.
sont à mon avis les start-ups internet qui illustrent le mieux en
France cette stratégie qui plait bien aux investisseurs. Ils ont tout
simplement su respecter à la lettre les fondamentaux cités plus haut.
Des erreurs de débutant, il y en a eu. Je suis parti à toute
l’allure et j’ai eu quelques difficultés à hiérarchiser mes objectifs.
Une période d’essoufflement est apparue et, à ce moment là, il est très
facile de tout laisser filer. Mais on ne peut pas démissionner dans la
création d’entreprise ! Il faut donc continuer et ne pas hésiter à
changer de stratégie. Il n’y a pas de mal à être opportuniste.
Très content d’avoir ajouté la plus belle ligne de mon CV. Sans même
dévoiler le concept de votre société, beaucoup de gens vous félicitent
d’emblée pour votre courage lorsque vous leur dites que vous avez créé
votre boite. C’est toujours gratifiant et on sait que beaucoup
aimeraient être à votre place. On apprend également sur soi-même, c’est
aussi de ce côté-là que je suis très satisfait.
4/ En 6 mois, que retenez-vous de la création d’entreprise
de manière générale ? Avec le recul, qu’auriez-vous fait différemment
sur votre projet ?
Ce que je retiens de la création d’entreprise après 6 mois est très
instructif. C’est un apprentissage ou comme disent les américains,
c’est un « learning process ». C’est comme apprendre une
matière qui n’aurait jamais été enseignée. C’est le meilleur des
assessement center ; c’est une mise en situation dans laquelle
resurgissent le mieux vos forces et vos faiblesses. L’envie de faire
ses preuves sur un terrain inconnu est sans doute la chose la plus
stimulante qui soit. Ajouter à cela que c’est un formidable tremplin
pour rencontrer des gens qui viennent d’horizons différents, ou pour
changer de circuit à un moment de votre vie où vous tournez un peu en
rond.
5/ Quels conseils ou recommandations donneriez-vous à un porteur de projets qui souhaite se lancer ?
« Jetez les à l’eau, ils apprendront à nager ». Si vous
vous reconnaissez dans cette maxime, la création d’entreprise est sans
doute faite pour vous, ou du moins dans l’état d’esprit. Le portrait
type de l’entrepreneur est avant tout curieux, optimiste, visionnaire,
n’ayant pas peur des journées sans lendemain, ayant le goût du risque,
l’envie d’améliorer les choses, d’être tenace et enfin il doit
s’attendre à des hauts et des bas dignes des montagnes russes. C’est
une affaire de tempérament ! Concernant votre idée, n’hésitez pas à la torturer pour voir ce qu’elle a dans le ventre. Si elle en donne naissance à d’autres, vous êtes sur la bonne voie.
Enfin si vous pressentez qu’un jour ou l’autre vous tenterez
l’aventure de l’entrepreneuriat, documentez-vous, renseignez-vous,
lisez, aller à des conférences en simple curieux. Mais ne restez pas à
vous dire que si je n’ai pas d’idée aujourd’hui, cela ne sert rien de
s’activer. Pourquoi ?
- C’est autant de temps gagné par rapport à la future aventure dans
laquelle vous vous lancerez. N’oubliez pas que dans la création
d’entreprise on apprend ce que l’on fait et on fait ce que l’on
apprend. Donc plus vous en savez, plus vous passerez du temps à mieux
faire. - Vous rencontrerez des gens, vous prendrez des conseils et
découvrirez également des outils pour mieux vous lancer. Avec un peu de
chance vous tomberez sur un créateur d’entreprise qui voit en vous
l’associé idéal. C’est aussi une affaire de hasard ! - Confrontez vous aux obstacles des autres vous permettra d’être
mieux préparé et d’anticiper votre futur parcours du combattant.
Commencez et posez vos questions par : comment ont ils fait pour en
arriver là ? Par quoi sont ils passés ?
»Retrouver l’aventure de train d’union et de Virgile Rault sur son Blog.