Par Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-Délégué ITG (Institut du Temps Géré), premier groupe de conseil en portage salarial.
Le gouvernement vient d'annoncer son intention de faire évoluer le régime d'auto-entrepreneur. Aussitôt, les journalistes reparlent du “statut” qui n'en n'est pas un et les réactions négatives se multiplient, tant du côté des personnes exerçant sous ce régime que des artisans qui demandaient son interdiction pour leur activité. Qu'en est-il des activités de services aux entreprises, également réalisables en coopérative d'activité et d'emploi ou en portage salarial ?
C'est Sylvie Pinel, la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme, qui vient de lancer son ballon-sonde (voir le communiqué de presse), destiné à ménager la chèvre et le choux : répondre à la demande insistante des professionnels du bâtiment d'exclure leur activité des personnes adoptant ce régime, tout en tenant compte de l'aspiration importante qu'a suscité sa mise en place depuis un peu plus de 4 ans, sans désespérer les apprentis créateurs et les personnes en quête de revenus complémentaires.
Force est de constater que les artisans ne se contentent pas d'une limitation du régime à 2 ou 3 ans, comme on le voit poindre, même si des obligations de qualification et de déclaration sont envisagées. De l'autre côté, François Hurel, qui avait convaincu le ministre Novelli, fin 2008, de lancer ce régime à grands renfort de campagnes marketing, trouve le “discours ambigü", comme le rapporte Les Echos.
Avec un revenu moyen de 6000 euros par an en 2011, soit environ 500 euros par mois — et il s'agit de chiffres d'affaires, pas de revenu salarié ! —, les AE actifs produisent beaucoup moins que les créateurs d'entreprise classiques, lesquels ont pourtant des démarches administratives plus compliquées et une fiscalité plus lourde : cherchez l'erreur ! C'est exactement ce qui ressort de l'activité des personnes portées par les principales entreprises de portage salarial : leurs revenus sont meilleurs, leur protection sociale incomparable, ainsi que la sécurité de leurs contrats, factures et règlements clients, etc.
Plus souvent motivées par une évolution ou reconversion professionnelle que par la création pure et dure d'une entreprise ou d'une société, ces personnes sont souvent créatrices de leur propre emploi, comme finalement les auto-entrepreneurs, parfois si mal nommés, plutôt “self-employed” (auto-employé). Pourquoi pas “salarié porté” pour exercer son “activité autonome” ?
Car même limité dans la durée, dès lors qu'il s'agit de prestations de services aux entreprises, le régime d'AE, avec son “faible taux facial de prélèvement peut […] présenter le risque de fragiliser les dispositifs habituels de flexibilité requis par des hausses d’activité temporaires (intérim, CDD), [et] les dispositifs visant à faciliter l’accès aux protections salariales pour les personnes ayant des employeurs multiples (groupement d’employeurs, portage salarial)” (page 29 du rapport déjà mentionné).
Comment distinguer une activité principale ou secondaire ? La ministre risque de se heurter à l'impossibilité de le faire à l'inscription des auto-entrepreneurs, comme le rappelle l'article de l'entreprise/lexpress. Pas de crainte pour les entrepreneurs portés, puisqu'ils peuvent cumuler plusieurs activités salariées ou pas, y compris le régime d'auto-entrepreneur pour une activité hors du champ du portage.