L’autonomie professionnelle choisie du créateur

PatrickRey300px Par Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-Délégué ITG (Institut du Temps Géré), premier groupe de conseil en portage salarial.

La véritable autonomie est comme la véritable création d'entreprise : un long parcours semé d'embuches. Elle exige un fort investissement personnel et ne se confond pas avec l'indépendance. Par exemple, les professionnels qui choisissent le statut de salariés “portés”, avant, pendant ou après l'inscription au registre du commerce, doivent bien comprendre les enjeux de l'autonomie pour être capables de la choisir.

Une enquête, réalisée début 2012 auprès de plus de 9000 salariés de 16 pays au sujet de “l'entreprise idéale” (BVA pour BPI et L’Express), révèle que les français se distinguent nettement de leurs voisins européens au sujet de l'autonomie. Celle-ci serait une des 3 attentes majeures selon leur perception des entreprises. Or, du côté des futurs créateurs ou porteurs de projets, on retrouve systématiquement en premier le désir d'indépendance (voir l'étude de l'INSEE). Quand mes collègues accompagnateurs de créateurs les interrogent, par exemple à l'occasion d'un atelier ou d'une réunion, nous notons surtout ce que j'appelle une motivation réactive plutôt que pro-active ou véritablement constructive : la création par défaut, pour créer son propre emploi, “ne plus avoir de patron sur le dos”, faire les choses à sa façon.

Pourquoi penser que l'entreprise veut des salariés autonomes, capables de se débrouiller au mieux, alors que les créateurs poursuivraient avant tout un rêve d'indépendance ? Y-aurait-il confusion avec cette envie d'autonomie très fortement ancrée dans la culture française ? Comme le relève Benjamin Pelletier dans son article sur “le mirage de l'autonomie” : le salarié français est dans une situation ambiguë encouragée par sa propre entreprise : d’un côté, il doit s’insérer dans l’ordre normatif et réglementaire qu’incarne le supérieur hiérarchique ; et d’un autre côté, il doit faire preuve d’autonomie en montrant qu’il ne dépend pas des autres pour organiser et exécuter son travail

Or, ce même mirage de l'autonomie se retrouve chez les créateurs par défaut qui soit n'ont pas eu de conseils de chefs d'entreprises soit n'ont pas voulu les écouter. Car l'autonomie professionnelle est d'abord de l'inter-dépendance, comme je le rappelais dans un billet intitulé “l'indépendance se décide, l'autonomie se construit”. Et cette construction se fait avec un accompagnement, avec un réseau, avec une inter-dépendance entre collègues, confrères, et même concurrents. C'est ce que je vois jour après jour, en échangeant avec les porteurs de projet de création d'activité, et singulièrement avec les personnes qui avaient cru faire l'économie de l'investissement en temps, en réseau, en construction pas à pas du chemin vers leur pleine autonomie professionnelle.