Le banquier, le robot et … vous

Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier

Il n’est jamais trop tard pour commencer à vous intéresser à l’épargne et aux placements. De préférence, il vaut néanmoins mieux vous atteler à la tâche avant que de voir les moyens dont vous disposiez fondre au soleil de la négligence et du farniente.

Mais quelle démarche adopter ?  En déléguant la gestion de vos avoirs ? En assumant seul les décisions ? Et, au-delà, à quoi s’agit-il de penser dans les différents cas de figure ? Cette question du “Comment faire ?” (avant même celle du “Dans quoi investir ?”) m’est régulièrement posée.

Je vous propose ici une petite réflexion à bâtons rompus pour tenter de déblayer le sujet.

La première interrogation concerne effectivement celle de l’implication personnelle.Vous sentez-vous l’envie et les capacités de gérer vous-même votre portefeuille de placements ou bien préférez-vous déléguer ce travail à un professionnel du domaine ? Je tiens ici à dissiper tout malentendu : moyennant quelques règles simples à observer, il n’est nullement indispensable d’être un expert en placements pour vous passer d’un professionnel. Nous y reviendrons.

Imaginons que vous choisissiez de déléguer. Basiquement, votre choix est alors le suivant : vous tourner classiquement vers votre banquier (personne physique) ou opter pour une solution en ligne de type “robo-advisor”, comme on en a vu fleurir quelques-uns ces dernières années. Dans les deux cas, avant de vous voir proposer quelque placement que ce soit, il vous sera demandé des précisions quant à vos objectifs et à votre profil de risque. Cela se fera par questionnaire, plus ou moins exhaustif, dont les réponses seront généralement traitées informatiquement. Via leur algorithmes, les robo-advisors en ligne sont généralement très affûtés sur cet aspect primordial. Ils sont aussi potentiellement les plus “honnêtes”. En effet, proposant des portefeuilles de produits prenant souvent la forme de fonds indicés peu onéreux (ETFs) et se rémunérant via un pourcentage généralement raisonnable (et fixe, quel que soit le profil de risque du client) des montants sous gestion, il leur importe peu que votre profil de risque soit prudent, neutre ou dynamique. Les portefeuilles proposés sont basés, ici encore, sur des algorithmes mais avec, généralement, aussi une intervention humaine (comité d’investissement).

Dans le cas du banquier, c’est un peu différent en ce qu’il a plutôt intérêt à vous vendre des produits maison lourdement chargés en frais (qui sont les revenus de la banque), plutôt qu’un portefeuille objectivement adapté à votre situation. Et vu que les produits les plus chers, orientés vers la gestion active, sont généralement aussi les plus risqués, ce banquier peut être enclin à vous orienter vers un profil de risque plus dynamique. Ce faisant, s’il vous recommande effectivement par la suite un produit risqué (et donc assez cher), vous ne pourrez pas vous plaindre d’un rendement décevant vu que vous auriez signé pour ce profil de risque maximum. En ce qui concerne le banquier, par fonction davantage vendeur que conseiller du moins à l’égard du petit investisseur (j’exclus ici le cas de la gestion discrétionnaire qui concerne des montants importants à gérer), il y a donc toujours un soupçon de conflit d’intérêts en défaveur du client. Ce qui n’empêche pas qu’il existe sans doute des banquiers à la scrupuleuse honnêteté. Je n’ai pas dû bien chercher.

Remarquons tout de même que certains robo-advisors, qui s’étaient initialement positionnés comme alternatives aux banques traditionnelles, sont tombés dans l’escarcelle de ces banques qui les ont donc rachetés. Dans ce cas, l’investisseur veillera à vérifier si les produits susceptibles de se retrouver en portefeuilles sont bien des produits les moins chers possibles et non pas majoritairement des produits de la banque en question. Enfin, que ce soit dans le cas du banquier ou du robo-advisor, il y a un risque de voir poindre une volonté de jouer au plus malin en cherchant à lire dans l’évolution de la conjoncture pour vous exposer aux meilleurs produits “du moment”. Croyez-moi, surtout dans le contexte actuel très opaque, ces pratiques sont contre-productives.

Donc, en matière de délégation, tout bien pesé, l’avantage est plutôt aux robo-advisors !

Mais peut-être seriez-vous tenter de vous passer de tout intermédiaire et d’être seul à la manœuvre. Pour réussir dans cette démarche, vous devez pouvoir compter sur un atout principal qui manque parfois à bien des professionnels : le bon sens. Si vous avez quelques difficultés à établir votre profil de risque, n’hésitez pas à recourir à des outils qui existent sur Internet. Pourquoi ne pas d’ailleurs utiliser un robo-advisor pour cela ? Puisque cette étape est antérieure à l’investissement, rien ne vous interdit à établir ainsi votre profil de risque, et cela gratuitement. Plus vous êtes prudents, plus vous opterez pour les obligations. Plus vous acceptez les risques (et donc aussi la volatilité), plus vous vous dirigerez vers les actions

Surtout, restez humble dans la fixation de vos objectifs : des prétentions trop élevées (en matière de rendements à atteindre) vous exposeront à des dangers que vous ne maîtriserez pas. Limitez-vous à des produits simples et bon marché (les moins gourmands en frais possibles). Diversifiez au maximum, via des fonds indicés. Évitez de spéculer inutilement, par exemple via des actions individuelles. Résistez à l’envie de vouloir battre le marché à tout prix en recourant à des ajustements incessants (timing). Ce sera la plupart du temps en vain et au prix de quelques points de rendement. Tout au plus, avec l’expérience, vous tenterez de privilégier des actifs bon marché (ceux qui ne sont pas à la mode, tout en n’étant pas trop risqués). Renseignez-vous à plusieurs sources, confrontez les points de vue, lisez un maximum (peut-être moins la presse économique et financière, trop centrée sur le court terme que des livres plus analytiques) mais ne surpayez pas pour l’information. Restez objectif : accordez également votre attention à des informations susceptibles de bousculer vos certitudes. Le plus simple est d’ailleurs de bannir une bonne fois ce mot de “certitude” de votre vocabulaire d’investisseur.

Investir en solo ne convient pas à tout le monde. Mais c’est possible, y compris pour les non-experts du domaine. Par ailleurs, un robo-advisor est une alternative de plus en plus crédible au banquier traditionnel. Mais la meilleure décision que vous prendrez, en vue de remplir votre objectif à long terme, restera celle d’épargner le plus et le plus tôt possible. Bons investissements à toutes et tous !

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