Par Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-Délégué ITG, premier groupe de conseil en portage salarial.
Le portage salarial devient de plus en plus attractif et connu. Test de la solidité de son envie d’entreprendre, tremplin vers la création, il est souvent comparé financièrement aux autres statuts possibles. Le coût du portage fait l’objet de nombreuses approximations. Le prix de revient total mériterait une évaluation très fouillée des différents statuts individuels. Faisons au moins quelques remarques pour intégrer un plus grand nombre de paramètres.
L’entrepreneur individuel classique est un travailleur non salarié (TNS). Pour vraiment le comparer avec le salarié porté, il faut évidemment ajouter aux cotisations sociales du TNS les coûts supplémentaires souvent négligés en début d’activité : une assurance responsabilité civile, un niveau comparable de cotisations retraite et complémentaire*, les honoraires du comptable, des frais éventuels de recouvrement de factures. Sans compter le temps passé en administratif et sollicitations commerciales diverses : le temps c’est de l’argent non gagné en activité productive.
Lorsque l’entrepreneur individuel est au régime micro (par exemple l’auto-entrepreneur), la différence supplémentaire est que son chiffre d’affaires moins les cotisations donne sa rémunération en bénéfices non commerciaux. C’est cette rémunération qui est imposée. Par conséquent, il ne bénéficie pas de l’imposition sur les bénéfices comme les sociétés. Du coup, s’il a besoin d’investir en équipement, prospection, formation, il réduit notablement sa rémunération, alors que le salarié porté est comme le gérant de société, puisqu’il peut prendre en compte ses investissements, frais professionnels et frais de fonctionnement**, en déduction du montant disponible pour se faire un salaire. Il économise ainsi des cotisations sociales et des impôts sur ses revenus puisqu’il a moins de salaire. En outre, il bénéficie de la récupération de tva, si ses dépenses le permettent et si la société de portage fait les choses en bonne et due forme.
Lorsque le créateur démarre de suite en société, il a certes des charges et de l’administratif plus forts que l’entrepreneur individuel, mais il a également les avantages de la déduction de ses frais professionnels, investissements et autres aides ou réductions diverses. S’il préfère se salarier, il aura les cotisations sociales afférentes mais également les prestations sociales qui vont avec, sauf les droits au chômage. Il pourra cotiser à une assurance chômage privée, mais bien peu le font, eu égard au niveau de prix.
Le seul coût réel du portage salarial est celui des frais prélevés sur le chiffre d'affaires (honoraires seulement ou honoraires et frais de mission facturés au client). Ces frais prélevés sont les frais de gestion et la marge pour assurer la pérennité de la société de portage. Le débat entre les personnes ayant pratiqué les deux tourne autour du prix du comptable ou expert-comptable et du coût du temps passé à lui préparer les pièces comptables, ainsi que les autres démarches administratives et sollicitations diverses.
Alors, comment choisir quand on est entrepreneur solo ? A condition de vendre de la prestation intellectuelle aux entreprises (activité libérale non règlementée), le portage salarial peut être une bonne solution quand on veut éviter la solitude ou bénéficier des effets de taille (réponse à appels d'offre, mises en relation, offres de mission, etc.), quand on recherche une protection sociale digne de ce nom et quand on veut conserver son autonomie commerciale et son indépendance par rapport aux clients.
On voit désormais des anciens entrepreneurs individuels qui ne passent pas en société mais en portage. On voit même des anciens gérants de leur société la clôturer pour continuer l'activité en portage. Et on voit nombre de professionnels solo combiner les deux statuts : EI/AE ou société (Eurl/SAS) et portage salarial. Les deux sont compatibles, à condition de faire la distinction avec les clients. Ne pas choisir est donc aussi un choix possible.
(*) Le TNS ne bénéficie pas de l’assurance chômage ni du maintien de sa rémunération en cas de maladie ou accident du travail. Ses droits à la retraite sont également moindres que ceux du salarié sous statut cadre.
(**) Les dispositifs et limites varient selon les entreprises de portage salarial.